BATAILLES
Article
publié dans la Lettre n° 282
BATAILLES de Roland Topor et Jean-Michel
Ribes. Mise en scène Jean-Michel Ribes avec Pierre Arditi, François
Berléand, Tonie Marshall.
Bataille, c’est celle que se livrent sur un radeau de fortune deux
rescapés du naufrage du Neptune, bateau de croisière qui a sombré
corps et biens à la suite d’une explosion. Debout côté « bidonville »
du radeau, Plantin, l' ex-barman du pont n°2, scrute l’horizon à
l’affût de la moindre parcelle de vie tandis que Blandaimé, ex-passager
fortuné, assis dans un fauteuil d’époque dans la partie chic, met
la dernière main au message de détresse qu’ils comptent envoyer
par bouteille interposée. Ils ne sont pas d’accord sur les termes
et le style. La verve ampoulée de l’un ne fait pas bon ménage avec
les S.O.S. stop plus expéditifs de l’autre!
Bataille est celle que mène une femme depuis trois heures sur le
balcon du douzième étage d’un immeuble pour convaincre son « ex
» de partir sans gâcher sa sortie. « Moi je rentre, toi tu lâches».
Il faut dire que Guy est accroché à la balustrade les pieds dans
le vide. On comprend qu’il hésite à lâcher prise. Elle sévira de
nouveau dans une autre bataille, couteau à la main. Les cimes enneigées
du mont Paterhorn sont inaccessibles au grimpeur épuisé qui se voit
tendre une coupe de champagne par un monsieur en smoking, installé
en terrasse. L'alpiniste mène ici une bataille des mots perdue d’avance.
Dans le jardin d’une belle propriété des Yvelines, un député au
parlement européen termine un travail très ennuyeux tandis que réapparaît
dans sa vie, après dix ans d’absence, un ami qui, à coup d'arguments
plus ou moins fallacieux, bataille pour lui rendre la femme qu’il
lui avait volée. Ruse et mauvaise foi, tous les coups sont permis!
Qui mieux que Jean-Michel Ribes peut reprendre avec un égal talent
ces « Batailles » qu’il avait montées en 1983 avec son vieux camarade
et complice Roland Topor? L’écriture caustique et le ton plein d’humour
sont parfaitement mis en relief par les décors très « kitsch » qui
se prêtent vraiment bien aux joutes oratoires de trois comédiens
percutants: Le très «smart» Pierre Arditi et le plus plébéien François
Berléand, aux accoutrements ahurissants, sont aussi à l’aise dans
l’allégorie d’une lutte des classes cocasse et mordante que dans
la scène du mari cocu et abandonné, mais ravi de l’être. Tonie Marshall,
déjà présente en 1983, reprend quant à elle avec brio son rôle dans
deux monologues très vaches avant d’affronter vaillamment la misogynie
de la dernière scène. S’entendant comme larrons en foire, ils offrent
un spectacle délicieusement drôle. Défendant le « rire de résistance »,
Jean-Michel Ribes gagne tous les soirs son combat contre la bêtise
et la dérision généralisées! Théâtre du Rond-Point 8e.
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