LE BALCON

Article publié dans la Lettre n° 243

LE BALCON de Jean Genet. Mise en scène Sébastien Rajon avec Elodie Bernardeau, Maline Cresson, Marjorie de Larquier, Laura Ozier, Michel Fau, Antoine Cholet, Xavier Couleau, Jonathan Frajenberg, Frédéric Jessua, Ghislain Lemaire, Aurélien Osinski, Frédéric Ozier, Sébastien Rajon.
Le balcon, le bordel, le bouge, le claque, le boxon de Madame Irma ne désemplit pas. Même le beau monde, juge, général, évêque, s'y presse. Le chef de la police est son ami. Il faut dire qu'elle et ses filles savent y faire. Le balcon est un refuge, une grande maison d'illusions. « Entrer au bordel, c'est refuser le monde ». Au dehors, le monde est en perdition, la ville est à feu et à sang, la révolte gronde, révolte dans laquelle s'est engagée Chantal, l'une des filles de Madame Irma. Mais que fait la police? Son chef reste introuvable.
La première version du Balcon portait comme titre España. Les références à la péninsule ibérique sont nombreuses, tant dans le contexte historique que dans les lieux. Cet autre titre permet, entre autres, d'avoir de la pièce une vision plus intemporelle. Comme sa pièce suivante, la Guerre, rebaptisée les Paravents, le théâtre est partie intégrante des oeuvres de Jean Genet. Au balcon, on s'offre au regard des autres mais on observe aussi, le balcon de Madame Irma est un théâtre, lieu de l'histoire où tout commence, où tout finit mais aussi où tout recommence.
« Observatoire de la perdition et de la perversion humaine », la pièce de Jean Genet prend sa source dans l'existence même de l'auteur, abandonné à l'âge de deux ans, incarcéré pour vol et désersion. Comme la vie chaotique de son auteur, c'est une pièce tout en excès, où abonde la démesure. C'est en cela que réside la grande réussite de la mise en scène de Sébastien Rajon ainsi que celle de la scénographie, des décors, des costumes et de la remarquable interprétation de la troupe acte6 et de Michel Fau. Décors démesurés qui se transforment avec, en contraste, sur le devant de la scène, un simple lit, champ de bataille de la révolte. Personnages démesurés par leurs costumes et leur maquillage, ceux extraordinaires des photographes, échassiers filiformes et verticaux à la Giacometti, ou ceux immenses des juge, évêque et général, aux atours chatoyants, contrastant avec les vêtements pauvres et ternes des révolutionnaires, simples humains presque en haillons. La troupe et Michel Fau, excellent dans le rôle de Madame Irma, exprime cette excessive exubérance avec un formidable talent.
Jean Genet n'aimait pas sa pièce et pensait même qu'elle ne serait jamais jouée. Elle a pourtant été créée à l'étranger en 1960 et est entrée au répertoire de la Comédie Française en 1985, un an avant sa mort. Gageons que le superbe travail de Sébastien Rajon, de la troupe acte6 et de Michel Fau ne l'aurait pas déçu. Athénée Théâtre Louis-Jouvet 9e. Lien : www.athenee-theatre.com

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