LE BALADIN DU MONDE OCCIDENTAL
Article
publié dans la Lettre n° 332
du
14 novembre 2011
LE BALADIN DU MONDE OCCIDENTAL de
John M. Synge. Mise en scène Elisabeth Chailloux avec Isabelle Cagnat,
Valentine Carette, Etienne Coquereau, Jean-Charles Delaume, Thomas
Durand, Serge Gaborieau, David Gouhier, François Lequesne, Catherine
Mongodin, Lison Pennec, Cassandre Vittu de Kerraoul.
Une taverne de bout du monde, entre les collines et la mer proche,
qui aux émigrants irlandais offre le Nouveau Monde de leurs fuites
et de leurs espérances. On boit beaucoup, on veille gaillardement
les morts, on laisse libre cours à la virulence de ses rivalités.
La religion est là, toute proche, jalouse gardienne de la bienséance,
escortée par les « casqués » en embuscade.
Alors, quand survient Christy Mahon, jeune homme hagard qui avoue
sans réticence l’assassinat du père, enfin il se passe quelque chose.
De quoi donner à plusieurs cœurs à prendre, ou reprendre, le goût
de se l’approprier. Jalousies exacerbées dans ce monde clos, tractations
sordides autour de l’inconnu, poète et naïf, qui ne résiste pas
au coup de foudre tout en acquérant une identité insoupçonnée.
Mais il ne suffit pas de tuer… encore faudrait-il que la victime
consente à mourir ! Et le meurtrier présumé se voit aussitôt vilipendé
par la communauté à nouveau liguée contre l’involontaire usurpateur.
Drame pathétique du héros, oh oui. Crime crasseux, ah non
!
Autour de ce jeune homme naïf et inclassable s’organise la farandole
des bouffons, des hystériques, des cupides, gens de piètre tyrannie
à la mesure de leurs existences mesquines. Christy y perdra l’amour
de Pegeen, il y gagnera la stature nouvelle d’un baladin sur les
routes, au grand dam et désespoir de ceux qui ont été trop pusillanimes
pour le retenir en en percevant la fantaisie et le rêve. Sans cet
air pur qui souffle de l’ailleurs, le tableau ne serait que grotesque
et cruel.
Dans l’espace scénique sans surcharge de cette taverne, la vivacité
et le mouvement des comédiens contribuent à nous faire frémir, espérer,
rire, trembler, dans une empathie attendrie et amusée pour ces gens
modestes, dont la langue à la fois archaïque et imagée contribue
à créer un théâtre au meilleur sens de sa vocation.
On ne résiste pas à cette fresque pleine d’humour et de fureur,
servie avec un entrain d’excellent aloi. Théâtre d’Ivry-Antoine
Vitez 94. A.D.
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