LE BAL DES FOUS
(des nouvelles de la folie)

Article publié dans la Lettre n° 256


LE BAL DES FOUS (des nouvelles de la folie) d’après Melville, Dostoïevski et Tchekhov. Création collective le Cinérama et les Chiffonnières avec les marionnettistes Steffie Bayer, Brice Berthoud, Gérard Sanchez, Stéphane Boireau, Tamara Incekara, Camille Trouvé, Sophie Mage, les musiciens Natacha Muet, Julie Avril, Piero Pépin, Arnaud Vidal.
Une baraque, une roulotte a jeté l’ancre dans le square du théâtre. Est-ce un navire terrestre, une roulotte amphibie, un cabinet de curiosité ? C’est tout cela et plus encore. Un bonimenteur nous interpelle. Il fait la parade avec une sémillante chanteuse pour attirer le chaland. Le public entre, avide de découvrir ce nouveau territoire de plaisir. Nous quittons la terre ferme en pénétrant dans cette caverne feutrée de montreurs d’illusions, de cinérama en trois dimensions. Comme des enfants au Guignol, nous nous pressons sur les bancs, la magie commence.
Trois histoires alimentent ce spectacle à nul autre pareil. « Moby Dick », la fabuleuse baleine blanche, objet de l’idée fixe du Captain Achab, nous éclabousse de son talent et de ses péripéties de bois et de laine. Dès cette première histoire, nous sommes emballés par les marionnettes, par le petit pull d’Ismaël le petit mousse, par la patronne du bar qui cache sa queue de sirène derrière le comptoir. La deuxième histoire, moins connue, est complètement surréaliste et librement adaptée d’une nouvelle de Dostoïevski « Le Crocodile ». On nous conte l’aventure singulière d’un touriste avalé tout cru par un crocodile gigantesque alors qu’il visite une attraction peuplée d’animaux étranges dont un Mickey déchu ! La troisième histoire, « Le Pêcheur de Tolède » de Tchekhov nous plonge en pleine Inquisition.
Pour chaque tableau, l’équipe du Bal des fous a construit des décors avec un soin infini pour les petits détails. Elle utilise tous les artifices du théâtre, les machineries, les lumières, exploitant la profondeur de champ. Ici, il n’y a pas de castelet classique mais une scène avec une large ouverture merveilleusement exploitée pour Tolède. Les manipulateurs font corps avec leurs marionnettes. Nous les voyons actionner, donner le souffle de vie à leurs pantins, acteurs de ces passions humaines. Ils sont parfois trois pour donner vie et sens aux marionnettes telles que Quick Eye, l’indien à la démarche de sauterelle, ou la belle de Tolède et le terrifiant et saisissant Grand Inquisiteur. Le spectateur se plonge avec délice dans cet univers de bois, de toile et de chiffon, ne sachant où donner de la tête pour se gorger de toutes ces images. Il est fasciné par la maestria des marionnettistes, par la musique, par tous les éléments de ce spectacle qui font appel au cœur et à l’esprit et qui offrent avec générosité un savoir-faire qui dépasse de loin l’application pour atteindre à ces moments de pur bonheur. Théâtre de la Commune d’Aubervilliers 93.


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