BABY
DOLL
Article
publié dans la Lettre n° 295
BABY DOLL de Tennessee Williams. Version
scénique Pierre Laville. Mise en scène Benoît Lavigne avec Mélanie
Thierry, Xavier Gallais, Chick Ortega, Monique Chaumette, Théo Legitimus.
Le décor reflète de façon très réaliste l’époque et la misère, celles
d’une bâtisse délabrée en bois flanquée d’une vieille voiture hors
d’usage. Dans le sud des Etats-Unis en 1939, Archie Lee, exploitant
et cardeur de coton y vit avec sa femme Baby Doll, Rose, la tante
de celle-ci, et Moïse leur ouvrier noir. Il a épousé la jeune fille
un an plus tôt, peu avant la mort du père de Baby Doll, avec la
promesse de ne consommer le mariage que lorsque celle-ci fêtera
ses vingt ans. L’arrivée de Silva Vaccaro, un « rital » étranger
à la région qui a installé une égreneuse à coton dans le voisinage,
a précipité la faillite de l’activité d’Archie. À la veille de son
vingtième anniversaire, Baby Doll n’est pas décidée à tenir sa promesse,
considérant qu’Archie ne tient pas la sienne en la faisant vivre
dans une maison dont les meubles viennent d’être saisis. Fou de
rage et de désir, Archie est près à tout. La nuit même, un incendie
détruit l’égreneuse à coton de Silva Vaccaro. Celui-ci soupçonne
Archie d’en être l’incendiaire. Il se rend chez l’exploitant sous
prétexte de lui confier la commande qu’il ne peut plus honorer mais
en fait bien décidé à conforter ses soupçons et à se venger. Il
y découvre, incrédule, la femme enfant de son voisin, elle sera
son arme.
Le nom de Tennessee Williams est immanquablement lié à des chefs-d’œuvre
tels que La Ménagerie de verre, son premier grand succès,
jouée au théâtre en 1944 à Chicago, Un tramway nommé désir,
dont le film tiré de la pièce deviendra un succès mondial en 1951,
Baby Doll réalisé pour le cinéma par Elia Kazan en 1956,
puis La Chatte sur un toit brûlant, Soudain l’été dernier
et La nuit de l’iguane... Benoît Lavigne trouve en la version
scénique de Baby Doll par Pierre Laville, dont le texte était
conçu à l’origine pour le cinéma, un projet digne de son ambition.
Il met en scène de main de maître l’histoire poignante de ce couple
pour le moins atypique, victime d’un contexte social dramatique.
Il recrée parfaitement l’ambiance de l’époque où les exploitants
confrontés aux nouvelles techniques n’avaient pas les moyens de
se moderniser et voyaient décliner, impuissants, l’exploitation
qu’ils avaient eu tant de mal à maintenir. Il dégage aussi très
bien tous les sentiments qui s’emparent d’eux, mus par le désespoir.
La grande réussite de ce spectacle vient aussi d’un casting particulièrement
soigné. Mélanie Thierry est la grâce enfantine née. Elle est parfaite
dans le rôle de Baby Doll de même que Monique Chaumette campe une
tante Rose délicieuse. Xavier Gallais, ténébreux Silva et Chick
Ortega, Archie irascible, sont tous les deux remarquables tandis
que le talent de Théo Légitimus donne la touche intrinsèque au lieu
et à l’époque. L’angoisse et l’émotion affleurent deux heures durant.
Baby Doll peut déjà être considéré comme l’un des meilleurs
spectacles de cette deuxième partie de saison. Théâtre de l’Atelier
18e.
Retour
à l'index des pièces de théâtre
Nota:
pour revenir à « Spectacles Sélection »
il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction
|