L'ASSEMBLÉE DES FEMMES

Article publié exclusivement sur Interrnet avec la Lettre n° 352
du 25 mars 2013


L'ASSEMBLÉE DES FEMMES d'après Aristophane. Adaptation May Bouhada. Mise en scène Mylène Bonnet avec Louiza Bentoumi, Emmanuel Fumeron, Cécile Lehn, Patrick Paroux, Valérie Puech, Diana Sakalauskaïté, Chantal Trichet.
Comment rendre la modernité corrosive du grand auteur comique du 5e siècle av J.C, Aristophane, tout en dépoussiérant ce qui serait notoirement incompréhensible, vingt-cinq siècles plus tard, tant dans les termes que dans les comportements sociaux et politiques ? C'est à cette gageure que nous sommes invités, dans un spectacle plein de verve et de moquerie salvatrice. Les femmes ne sont que trop conscientes de leur inacceptable inféodation à une gente masculine qui prouve en permanence ses ridicules et ses incompétences domestiques et publiques. Elles vont donc usurper vestimentairement le rôle de leurs maris, faire nombre à l'Agora, et ainsi emporter le vote qui leur octroiera tous les pouvoirs et décidera d'un changement radical dans la gestion de la Cité. Accoutumées au partage et à la solidarité, les femmes vont instaurer une véritable collectivité, fondée sur ce qui constitue à leurs yeux le socle d'une société idéale, au premier chef l'égalité absolue des sexes, une sexualité librement revendiquée sans vénalité, la mise en commun de tous les biens, enfants, denrées, objets, etc. A ces seules conditions, affirment-elles, pourra s'installer une sérénité sociale sans jalousies multiples, sans conflits, dans une paix durable. Utopie, quand tu nous tiens… ! L'échec d'un tel collectivisme s'ancrera dans la nature même des humains, tant féminine que masculine.
Aristophane, foncièrement misogyne comme tous les Athéniens antiques, avait trouvé là matière à faire le procès de l'aventurisme moderniste des démagogues. Dans cette Assemblée des Femmes revisitée, on force le trait féministe et caricatural, en faisant le choix de la crudité des mots, des gestes et des situations, sans chercher à éviter le scabreux et l'obscène. La scène, encombrée d'un fatras d'objets domestiques, devient l'arène à la fois privée et publique des conflits, des petitesses et mesquineries, des envolées politiques et des roueries conjugales, d'un ridicule qui n'épargne guère les sept acteurs de cette farce mouvante, où la frontière des identités et des sentiments s'avère si floue.
Certes le rire y est trivial et décomplexé. Mais on reste frappé, au-delà du temps, par l'universalité des revendications, par la vivifiante permanence des utopies. En cela, le théâtre, une fois de plus, joue pleinement son rôle de mise en éveil, de démystification dérangeante, de caillou dans le cothurne… Cartoucherie-Théâtre de la Tempête 12e. A.D.


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