ANTIGONE

Article publié dans la Lettre n° 229


ANTIGONE de Sophocle. Mise en scène Jacques Nichet avec Alain Fromager, Océane Mozas, Mireille Mossé, Maurice Deschamps, Millaray Lobos Garcia, Alain Aithnard.
Créon, le nouveau roi de Thèbes succède à Oedipe. Polynice et Etéocle se sont livré un combat fratricide. Le roi interdit que l’on rende les rites funéraires à Polynice, livrant sa dépouille aux oiseaux et aux charognards. Antigone, sa soeur, princesse obéissante, destinée à la douceur des épousailles, se dresse en rebelle, face à son oncle. Elle recouvre inlassablement le corps de Polynice, grattant la terre de ses ongles. Insensible aux menaces royales, sourde aux injonctions de sa soeur Ismène, irréductible et résolue, elle retournera recouvrir le cadavre de poussière. Arrêtée, elle sera ensevelie vivante.
Antigone, l’héroïne tragique de Sophocle, créée en 441 avant J.C. a suscité bien des avatars et des copies, la princesse rebelle devenant une figure emblématique de la résistance et l’opposition au pouvoir. Cette analyse obscurcit le fondement de la pièce, de l’opposition du profane et du sacré et du pouvoir inexorable du destin, emportant malgré eux les protagonistes dans une tragédie annoncée.
Jacques Nichet a désiré une nouvelle traduction, tant il est vrai qu’une traduction aussi précise et honnête soit-elle portera la marque de son époque. Irène Bonnaud et Malika Hammou sont retournées au plus près du texte et du vocabulaire de Sophocle. Le texte est écrit dans une langue simple, assez proche des citoyens d’Athènes sur un rythme rapide, sans ponctuation sinon celle de la respiration des comédiens. La traduction restitue la performance orale sans atermoiements littéraires. Le décor est un vaste praticable recouvert de lambeaux de tissus lie de vin, comme ces linges souillés qui ont servi à la toilette des morts. Au fur et à mesure que la machine impitoyable du destin s’est mise en route, le sol se soulèvera pour former les parois du tombeau d’Antigone et les murs du palais maudit de Créon.
Jacques Nichet a choisi Océane Mozas pour interpréter l’exigeante Antigone. Lorsque la princesse, face à sa mort, réalise les conséquences de son acte de bravoure, sa peur, sa détresse sont accueillies par une salle suspendue à son émouvante performance. Le metteur en scène a décidé de confier également le rôle de Hémon à Océane Mozas, de même que Alain Fromager interprète Créon et son épouse Eurydice, donnant à ces deux comédiens à interpréter le pour et le contre, la raison et le coeur qui coexistent en chacun de nous. Mireille Mossé interprète le garde qui annonce à Créon que les rites funèbres ont été faits sur le corps de Polynice, tremblant de peur, elle joue également Tirésias. Quelle magnifique comédienne, soumise et peureuse, insoumise et forte, dans ces deux rôles, sa présence, sa voix qu’elle construit au gré de ces compositions nous étonnent. Pas de tragédie antique sans choeur, porteur des événements que l’on ne voit pas, de la parole populaire et des décisions divines, il est ici représenté par Maurice Deschamps qui a des allures d’Esope et par des chanteurs des quatre coins du monde car la tragédie est universelle et intemporelle. Odéon-Théâtre de l’Europe aux Ateliers Berthier 17e, jusqu’au 12 juin 2004. Lien: www.theatre-odeon.fr


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