ANTIGONE

Article publié dans la Lettre n° 213


ANTIGONE de Jean Anouilh. Mise en scène Nicolas Briançon avec Barbara Schulz, Robert Hossein, Bernard Dheran, Pierre Dourlens, Julie Kapour, Elsa Mollien, Julien Mulot, Bruno Henry, Claudia Fanni, Dominique Roncero, David Loyola.
Lorsque Antigone rentre à l’aube, elle vient de recouvrir le corps de Polynice, son frère, mort d’une mort indigne et condamné à rester sans sépulture par Créon, roi autoritaire mais juste. Antigone refuse de voir le corps de son frère livré aux corbeaux même si son geste doit être puni de mort. Malgré les supplications de sa soeur Ismène (éblouissante Elsa Mollion), malgré l’amour que lui porte Hémon, son fiancé et fils de Créon (Julien Mulot, superbe) elle a laissé parler son coeur. Il n’existe aucune échappatoire dans la tragédie. Tout est inscrit d’avance. Dès les premiers instants, le sort d’Antigone est scellé et entraînera à sa suite une myriade de drames.
Nicolas Briançon excelle en réalisant cette mise en scène d’une extrême rigueur qui met en valeur le texte d’Anouilh, chef d’oeuvre à la fois littéraire, philosophique et poétique, reprenant l’oeuvre-phare de Sophocle. Le décor dépouillé aux trois portes dont la fermeture hermétique sonne comme le glas, permet l’entrée et la sortie des personnages vers les trois points stratégiques de la pièce: la ville au centre, les chambres du palais à gauche, la salle du pouvoir à droite, là où se joue le destin des hommes.
Dans cette pièce, écrite en pleine guerre en 1942, Anouilh parle de pouvoir, avec ce qu’il comporte d’absolutisme mais aussi de lassitude et d’usure, sujet qui trouve plus que jamais sa place aujourd’hui. Robert Hossein prête sa présence solide et son talent au représentant désenchanté de ce pouvoir: « C’est une sale besogne, mais si on ne la fait pas, qui la fera ? ». Il joue un Créon sobre et magnifique dans tout ce qu’il a de désabusé:« Il joue au jeu difficile de conduire les hommes...Le soir, il est fatigué... Il se demande s’il n’est pas vain de conduire les hommes ». Avec l'humanité dont il fait encore preuve, il veut convaincre la jeune Antigone de ne pas s’enferrer dans la folie de son geste et lui proposer le salut, mais celle-ci, d’abord tentée, refusera car elle veut tout de la vie et ce que lui en dit Créon ne correspond en rien à son exigence. Antigone est aussi fraîche que la fraîcheur de l’aube qui la ramène ce matin-là son acte accompli. Barbara Schulz, délicieuse, lui prête bien son apparente fragilité mais, de façon plus inégale, la force qu’exige ce rôle écrasant. Face à la pensée profonde de Créon et au sens du devoir et de l’honneur d’Antigone, l’esprit bas et borné du peuple est excellemment représenté par Pierre Dourlens, l’un des trois gardes du corps livré aux charognards. Ce man in black au costume intemporel, comme ceux de toute la distribution, met le grain d’humour nécessaire à cette oeuvre d’exception. Théâtre Marigny 8e (01.53.96.70.00).


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