ANDROMAQUE
Article
publié dans la Lettre n° 188
ANDROMAQUE de Racine. Mise en scène
Daniel Mesguich avec Claude Mathieu, Véronique Vella, Olivier Dautrey,
Laurent Montel, Laurent Natrella, Christian Cloarec, et Gretel Delattre,
Sarah Mesguich.
« Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque qui
aime Hector ...qui est mort ». Ce raccourci a fait florès parce
qu’il résume en une seule phrase toute l’âme de l’oeuvre entièrement
construite sur les quatre personnages principaux et leurs sentiments
plutôt que sur les actions qu’ils engendrent. « Dans Andromaque,
il n’y a pas d’action, il n’y a que des réactions et des réactions
aux réactions », résume Daniel Mesguich.
Les textes de Racine prennent leur origine dans la mythologie, mettant
en scène des figures légendaires. Plus de trois siècles nous séparent
de cette oeuvre en alexandrins dont chaque mot, chaque vers servent
à décrire de manière subtile les émotions et les réactions des personnages
clés. Le jeune spectateur « découvre » et est sans doute déconcerté
par cette langue austère tandis que celui plus âgé vient là avec
sa mémoire, ses attentes et ses préjugés sur la mise en scène. A
l'un comme à l'autre, il faut offrir une oeuvre dépoussiérée, dans
la ligne du théâtre d’aujourd’hui, tout en respectant la vision
de l’auteur. Travail difficile auquel s’était attelé Daniel Mesguich
en 1999 en présentant Andromaque avec Mithridate au Théâtre
du Vieux Colombier. Cette reprise d’une seule des deux pièces
comporte forcément un autre regard. Dès le lever du rideau, la partie
du décor très massive qui occupe tout le centre de la scène, les
alexandrins prononcés en insistant sur les dernières syllabes, les
jeux de scène quelque peu discutables peuvent surprendre, voire
indisposer. Puis, à mesure que se mettent en place l’intrigue et
le jeu des sentiments, le spectateur ne peut qu’être séduit par
l’occupation judicieuse de l’espace, le jeu de double de certains
comédiens, le rideau qui se baisse pour ponctuer la fin d’une réaction
ou la prise d’une décision. Et puis, la musique prend ici une dimension
non négligeable car elle précède, accompagne ou souligne les tirades
comme un personnage à part entière. Les réticences du début s’effondrent
pour laisser la place au jeu des comédiens et l’on se laisse porté
par ce texte sublime qui traduit si intensément l’évolution des
âmes jusqu’au drame final, superbe.
Daniel Mesguich agace parfois, dérange souvent, surprend toujours,
mais ne laisse jamais indifférent. Ici, secondé par la musique,
les jeux de lumière et l'interpratation formidable des comédiens,
il étonne par une mise en scène résolument moderne qui rend la pièce
vivante et suggestive sans pour autant la malmener et prouve une
fois de plus que le grand théâtre classique peut résolument entrer
dans le XXIe siècle. Comédie Française 1er. Lien:
www.comedie-francaise.fr.
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