L'ALPENAGE DE KNOBST

Article publié dans la Lettre n° 294


L’ALPENAGE DE KNOBST de Jean-Loup Horwitz. Mise en scène Xavier Lemaire avec Katia Tchenko, Laurence Breheret, Letti Laubies, Jacques Brunet, Xavier Lemaire, Benjamin Breniere, Guy Moign.
Un théâtre en soirée comme n’importe quel autre si ce n’est la vétusté. Martine, la jeune ouvreuse, guide un couple d’anciens vers le premier rang où il s’assoit après quelques hésitations car les ressorts des fauteuils feraient reculer les fesses les plus aguerries. Si Edmond pense dormir une fois de plus, Berthe est certaine de passer une bonne soirée. Elle n’a lu que des critiques élogieuses. L’alpenage de Knobst, titre aussi curieux que le nom de son auteur, ne semble pas la déconcerter. Martine place alors un deuxième couple, beaucoup plus jeune, Claire, infirmière de son état, et Franck, comédien en attente de rôle, invité par un copain, l’un des comédiens de la pièce. Ils s’installent eux aussi, Franck visiblement indisposé par le poteau qui se trouve juste devant lui. Survient aussi Laurent, le petit ami de Martine, un jeune gars provocateur au chômage. Les conversations personnelles à voix basse finissent par devenir générales. Le ton monte, conflit entre les générations, attisé par le comportement de Laurent guère en accord avec celui d’un spectateur. Ce ne sont pas six personnages en quête d’auteur qui tuent le temps de plus en plus nerveusement, mais six personnages en quête de représentation. Les minutes passent et le rideau ne se lève toujours pas. En revanche, la salle elle, donne des signes de fatigue de plus en plus inquiétants. Les murs fissurés s’effritent, le sol du balcon craque et lâche de temps en temps, au petit bonheur, un morceau de sa charpente. L’impatience, l’inquiétude, puis l’angoisse vont faire place à l’affolement lorsque le corps sans vie de Laurent apparaît.
Ne perdez pas votre temps à chercher le mot « Alpenage » dans le dictionnaire, il n’existe pas, pas plus que Knobst, son auteur. Jean-Loup Horwitz s’amuse ici de certaines pièces de certains auteurs contemporains qui se targuent de culture mais dont les idées abracadabrantes ne mènent à rien. Où en est notre culture ? Elle est toujours là, bien vivante, grâce à d’autres auteurs inspirés, mais il faut veiller au grain, démontre-t-il avec un humour décapant. Théâtre dans le théâtre, il met en scène, dans un décor hallucinant, un vieux couple cultivé, un plus jeune au bord du divorce, et deux jeunes au bord de la crise de nerfs, un peu paumés dans les arcanes de la vie d’aujourd’hui et qui acceptent n’importe quoi pour vivre ou survivre. Sous la houlette de Xavier Lemaire, qui interprète aussi le rôle de Franck, les comédiens sont d’un réalisme étonnant et parviennent à embarquer dans leur cauchemar le spectateur qui ne peut s’empêcher de rire de leurs affres, chaque personnage lui renvoyant toutes générations confondues, un peu de lui-même avec les mêmes interrogations, les mêmes rêves et les mêmes déceptions. Théâtre 14 14e.


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