ALGER-ALGER

Article publié dans la Lettre n° 212

ALGER-ALGER d’après la Guerre des gusses de Georges Mattéi. Mise en scène Gérard S. Cherqui avec Emmanuel Salinger, Arié Elmaleh, Mohamed Farid Bensarsa.
Au début, deux hommes se livrent à un rituel entre entraînement militaire et danse tribale. Cette chorégraphie hypnotique met le spectateur en alerte. Il est pris à écouter ces deux témoignages. Jo est un jeune rappelé. Il annonce sur le ton qu’aurait un troufion faisant son rapport à son supérieur, Il raconte comment il fut embarqué malgré lui dans cette guerre sans nom, de la fraternité des chambrées à l’horreur des tortures, ce glissement irrémédiable de l’humain vers l’abject. Medhi est un jeune algérien qui se lance dans la lutte contre l’envahisseur et s’embarque dans de sanglantes représailles. Medhi trouve son identité dans l’action. Au loin, ils entendent le son du úd arbi, le luth maghrébin égrenant les notes d’une complainte arabo-andalouse, une musique de métissage parlant d’amour et de paix.
Georges Mattéi racontait en partie son histoire dans la Guerre des gusses. Comment un type ordinaire, un chic type peut être laminé, broyé par la machine de guerre le poussant à perpétrer les pires atrocités? Gérard S. Cherqui a cerné l’adaptation autour de Jo et Medhi. Sa mise en scène est sobre, resserrant le jeu des comédiens, l’épurant au maximum, collant au texte pour ce témoignage libératoire et terrible. Emmanuel Salinger est un Jo halluciné, impressionnant dans cette performance, loin de toute complaisance. Arié Elmaleh est Medhi, insolent et déterminé dans la dureté de la jeunesse. Au travers de ces monologues sanglants, émergent l’intime et l’humain qui forgent les consciences et nous renvoient à notre propre conscience. Relater ce spectacle est difficile tant il nous a bouleversés, tant l’actualité rend le sujet épidermique. L’attention du public est quasiment religieuse. Théâtre International de langue française 19e (01.40.03.93.95) jusqu’au 13 avril 2003.

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