A TORTS ET A RAISONS

Article publié dans la Lettre n° 163
du 8 novembre 1999


A TORTS ET A RAISONS de Ronald Harwood. Texte français Dominique Hollier. Mise en scène Marcel Bluwal avec Claude Brasseur, Michel Bouquet, Fabrice Eberhard, Geno Lechner, Beata Nilska, François Feroleto.
En 1946, à Berlin ravagée par les bombardements, l’heure des règlements de compte a sonné. La ville est partagée en zones d’occupation, chacune administrée par l’une des forces alliées. Dans la zone américaine, le commandant Arnold prépare l’interrogatoire de Wilhem Furtwangler. La secrétaire allemande est émue de voir « le plus grand chef d’orchestre du monde ». Cette émotion est incompréhensible pour le commandant Arnold. Comment Emmi, dont le père fut exécuté par les nazis, peut-elle admirer cet homme? D’ailleurs, il déteste la musique classique. Le commandant est un texan, petit assureur spécialisé dans l’escroquerie à l’assurance. La guerre l’a propulsé dans la vieille Europe avec un grade. Après l’avoir longtemps fait attendre, il considère ce vieil homme au port digne, élégant, racé. Furtwangler est conscient de ce qu’il est, un artiste qui ne vit que pour son Art. Arnold l’accuse d’avoir joué devant Hitler, d’avoir eu sa carte du parti, d’être complice des crimes. C’est un choc des cultures. Arnlod pose des questions mais ne veut pas entendre les réponses. Pour lui, l’affaire est entendue, cet homme est coupable. L’interrogatoire est un réquisitoire haineux d’une violence inouïe. Arnold refuse d’entendre véritablement les témoignages en faveur du maître. Ce dernier est bafoué, humilié, brisé mais il est porté par la flamme de son art et par la conviction d’avoir aidé et sauvé plus de quatre-vingts personnes.
Ronald Harwood dit ne pas prendre parti et exposer les faits historiques, mais le personnage du commandant est trop stéréotypé, trop borné et le public incline vers l’homme humilié. L’auteur de Temps contre temps pose les vraies questions. Jusqu’où l’art et la politique peuvent aller, jusqu’où peut-on se compromettre? Furtwangler fut blanchi par une cour de justice en 1947. Il est interprété avec maestria par Michel Bouquet. Maître de lui, il est animé par des poussées de colère saisissantes. Claude Brasseur évite tous les pièges du rôle du commandant Arnold, jouant avec retenue. Il est à la hauteur de son partenaire et le compliment n’est pas mince. Il faut signaler le décor de Catherine Bluwal qui propulse le spectateur dans ce monde en équilibre entre deux temps. Théâtre Montparnasse 14e.


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