RUTABAGA
SWING
Article
publié dans la Lettre n° 259
RUTABAGA SWING. Comédie tragique avec
chansons de Didier Schwartz. Mise en scène Philippe Ogouz avec Bruno
Abraham-Kremer, Emmanuel Curtil, François Feroleto, Jacques Haurogné,
Jacques Herlin, Amala Landré, Marion Posta, Ezequiel Spucches.
Pendant l’occupation allemande, en maîtres de maison accomplis,
les français se serraient la ceinture pour donner le meilleur à
leurs hôtes. Ainsi, la sacro-sainte pomme de terre chère à notre
plat national, dut lutter contre deux ennemis, l’un à six pattes:
le doryphore et l’autre à deux pattes: le soldat. Qu’il soit vêtu
d’une carapace ou d’un uniforme vert de gris, ils sont de terribles
prédateurs. Les français vont découvrir le charme des ersatz et
du vocabulaire. Les haricots grillés vont être baptisés «café»,
le topinambour et le rutabaga «pomme de terre». Les chansonniers
et les paroliers vont faire leurs choux gras des privations à tickets.
On chante pendant l’occupation et la censure ne percevra pas toujours
certains jeux de mots subversifs. A Chambier, petite ville de province,
le café Barray se transforme en café concert le dimanche. C’est
le point de rendez-vous de la chorale. Il y a Suzy, la coiffeuse
volage, Claude, le facteur matamore et gaulliste, Bernard, le bibliothécaire
pointilleux et pétainiste, Philippe, le bistrotier, petit-fils de
Madame Barray, inoxydable grand-mère et propriétaire des lieux,
Marie, la jolie servante, Monsieur Durieux, le parisien sans âge
devenu « résistant » ou « terroriste » malgré lui, et Hans enfin,
lieutenant de la Wehrmacht qui loge au café. Et tout cela fait d’excellents
français. Au rythme des chansons, nous vivons la guerre, de 1942
à la libération.
Didier Shwartz a une petite cinquantaine d’années. Il n’a pas vécu
cette période mais il a entendu ses aînés. Il a nourri son écriture
de ses rencontres, de témoignages et de souvenirs quotidiens. Il
a voulu un ton enjoué car pendant l’occupation, ne l’oublions pas,
les salles de spectacle étaient pleines. Il a rassemblé dans le
petit café Barray des types humains, des héros, des salauds, des
résistants de la première heure, des résistants après la bataille.
Les répétitions de la chorale permettent de ponctuer les scènes
par des chansons mais Rutabaga swing n’est pas une comédie
musicale mais une comédie tragique avec chansons. Le tout est orchestré
par Philippe Ogouz avec une mise en scène enlevée, précise. Avec
l’auteur, ils ont désiré une grande exactitude historique. Pari
réussi pour le décor et les costumes. Il est impensable, néanmoins,
que la défense passive ait laissé la verrière du café sans peinture
bleu foncé et sans rideaux. L’ensemble est une vraie réussite. Tous
les comédiens sont épatants ou « bat », comme on disait à
l’époque. Jacques Haurogné, facteur à la Tati, est formidable. Bruno
Abraham-Kremer, chantant le tic de la pendule, semble être un émule
des collégiens de Ray Ventura. Nous vous laissons découvrir les
autres... Rutabaga swing est une jolie page d’histoire et
une vraie résistance à la morosité. Théâtre 13 13e.
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