RÉCITAL EMPHATIQUE
Article
publié dans la Lettre n° 340
du
30 avril 2012
RÉCITAL EMPHATIQUE. Mise en scène
et interprétation Michel Fau. Accompagnement au piano Mathieu El
Fassi.
Femme jusqu’au bout des ongles, la diva fait son entrée. Elle ménage
son effet, jauge son public et sa capacité à le séduire puis se
lance, toute de voiles vêtue et après une longue concentration,
dans la « Danse des Prêtresses de Dagon », extraite de Samson
et Dalila de Camille Saint-Saëns. L’ombre d’Isadora Duncan plane.
Suivent le fort émouvant « Mon coeur s’ouvre à ta voix » puis «
Bacchanale ». Petits pas, petits sauts, effets de voile, jeu de
mains et quelques roulades terminent cette première partie.
Si l’intermède est nécessaire au changement de costume, il permet
au public d’apprécier le jeu subtil et sensible de Mathieu El Fassi
dans une improvisation classique tout à fait remarquable.
Notre Castafiore a troqué ses voiles pour un ensemble plus
moulant et se transforme en tragédienne. Elle s’attaque au très
célèbre monologue de Phèdre: « Mon mal vient de plus loin
» et en donne quatre versions: une interprétation classique à la
Sarah Bernhardt, une seconde plus à la source de la création de
l’œuvre, puis une troisième, moderne et très véhémente. La dernière,
chuchotée, est particulièrement réussie. Après « Tristes apprêts
», extrait de Castor et Pollux de Jean-Philippe Rameau et
une transition à peine marquée, le temps de revêtir un imperméable,
notre caméléon restitue un passage de l’Amant, revisité bien
sûr. Le fou rire gagne le public qui jusqu’ici s’esclaffait. La
comédienne cède ensuite la place à la chanteuse de jazz avec le
célèbre « Summertime». Ultime retour en arrière avec l’incontournable
« Carmen ». La diva joue les femmes fatales: « L’amour est un oiseau
rebelle », c’est bien connu.
La salle ovationne ce Récital Emphatique qui devient empathique
car elle réclame un bis. L’artiste se fait un peu prier selon les
us et coutumes et propose une mélodie extrêmement engagée:
« Je ne veux pas », suivie d’une chanson toute simple: « Ma tante
Amélie m’avait bien promis », (on ne vous dira pas quoi) ! Une chose
un peu expérimentale mais ardue, met un terme définitif à
sa prestation. La chanson « Comme un ouragan », requiert en effet
l’utilisation de la partition...
Elle, c’est bien sûr Michel Fau, metteur en scène et interprète
génial de ce récital. Saluons au passage l’habileté de David Belugou
pour les robes et l’adresse de Pascale Fau pour les maquillages.
Sans tomber dans la vulgarité souvent associée au travesti, grâce
à une mise en scène débordante d’imagination et une interprétation
aussi éclectique qu’étourdissante, Michel Fau nous brosse une caricature
réjouissante des tragédiennes, comédiennes, chanteuses de music-hall
ou de variétés qui écument les planches. Un spectacle à ne pas manquer.
Théâtre Marigny-Salle Popesco 8e. Pour
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