LE MONDE DE LA LUNE
Article
publié dans la Lettre n° 338
du
19 mars 2012
LE MONDE DE LA LUNE. Opéra de Haydn.
Livret de Goldoni. Mise en scène et scénographie Alexandra Lacroix.
Direction musicale et pianoforte Camille Delaforge. Avec Charlotte
Dellion (Clarice, soprano), Cecil Gallois (Ecclitico, contre-ténor),
François Rougier (Cecco, ténor), Guilhem Souyri (Buonafede, baryton)
et, en alternance, Anna Reinhold ou Pauline Sabatier (Lisetta, mezzo
soprano). Surtitrage.
Le livret de Goldoni est des plus simples, des plus « classiques »
et des plus farfelus. En effet, afin d’épouser Clarice, fille du
riche Buonafede, passionné d’astronomie, Ecclitico se fait passer
pour un astronome qui pourrait lui obtenir une invitation sur la
lune ! Pour cela il le dupe avec un télescope truqué montrant des
jeunes filles soumises et caressantes. Buonafede décide donc de
suivre Ecclitico et boit ce qu’il pense être la potion permettant
d’atterrir sur la lune. Aidé par le valet Cecco, lui-même amoureux
de Lisetta, la servante de Buonafede, Ecclitico transforme son jardin
en espace lunaire et réveille sa victime, persuadée d’être arrivée
à destination et tout étonnée de la ressemblance entre le maître
de la lune et Cecco. On devine la suite. Buonafede demandera à ce
que sa fille et sa servante le rejoignent sur la lune, faveur accordée
en échange de leur mariage avec les citoyens de la lune Cecco et
Ecclitico.
En 1777, année de la création de cet opéra pour la cour des Esterhazy,
la lune était encore un objet de fantasme et de rêve. Depuis 1969,
c’est un astre où l’homme a marché. Alexandra Lacroix a donc imaginé
un décor rempli d’écrans d’ordinateur et autres instruments modernes,
rendant plus réaliste la machination d’Ecclitico. Elle ajoute même
des enregistrements réalisés lors du premier alunissage avec Neil
Armstrong.
Dans la deuxième partie, supposant qu’il faut être crédule comme
un enfant pour croire être sur la lune, elle fait jouer Buonafede
avec des briques Duplo dans une sorte de grand bac à sable, sensé
représenter le sol lunaire, et ajoute des voix d’enfants dans une
cour de récréation ! Comme on le voit, la mise en scène est inventive
et rend très intéressant cet opéra qui, comme les autres opéras
de Haydn, était tombé dans l’oubli pendant près de 150 ans, jusqu’à
sa représentation en 1959 au festival d’Aix en Provence. Il faut
signaler aussi le modernisme de cette œuvre qui faisait clairement
référence à l’émancipation de la femme. L’interprétation est agréable
même si l’on est surpris d’entendre un contre-ténor dans le rôle
d’Ecclitico, seul rôle écrit par Haydn pour un castrat. On notera
la prouesse de Camille Delaforge, qui tient à elle seule la partition
musicale, réduite ici au seul pianoforte, avec l’usage de temps
à autre d’un orgue électrique pour des effets de bruitage.
L’objectif de la Compagnie Manque Pas d’Airs est de rendre l’art
lyrique accessible à tous. Il n’est donc pas besoin d’être un mélomane
averti pour apprécier ce spectacle qui raconte une histoire plutôt
amusante, surtout dans une telle mise en scène. Le livret de Goldoni
eut d’ailleurs un tel succès qu’il fut mis en musique par trois
autres compositeurs, moins célèbres que Haydn. Théâtre Mouffetard
5e. Cliquer
ici pour voir des visuels du spectacle.
Lien : www.theatremouffetard.com.
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