MICHELE BERNIER
Et pas une ride !

Article publié dans la Lettre n° 308


MICHÈLE BERNIER. Et pas une ride ! de Marie-Pascale Osterrieth et Michèle Bernier. Mise en scène Marie-Pascale Osterrieth avec Michèle Bernier.
Une octogénaire toute courbée, traînée par son chien, fait son apparition sur la scène. Pensionnaire dans une maison de retraite, elle narre en quelque mots les derniers potins, en l’occurrence le décès d’un partenaire de scrabble, qui s’est écroulé sur la table de jeu en plaçant un dernier mot, au rythme que lui permettait la maladie de Parkinson dont il était atteint. Le chien est faux bien sûr : eux sont interdit de séjour dans ce genre de maisons.
Dès les premières minutes, le ton est donné et c’est déjà l’hilarité générale. Perruque retirée et dos redressé, Michèle Bernier refait son entrée et redevient elle-même expliquant que pour rien au monde elle souhaite finir comme cette petite vieille. Avec ses cinquante ans et le temps qui s’écoule, fils conducteur de son spectacle, Elle passe en revue ce qui fait le quotidien d’une quinquagénaire divorcée, affligée de deux enfants, quotidiennement matraquée par les médias, la menace du cancer et les miracles des produits contre rides ou rondeurs.
Le passage de la cinquantaine est difficile sans doute, mais pétillant aussi, tout comme son talent et son humour, qui n’ont pas pris une ride. Avec un tonus à faire pâlir d’envie certaines trentenaires ou quadragénaires moins en forme, elle raconte et nous prend à témoin. C’est l’anniversaire des cinquante ans d’un cousin, justement, puis une visite chez le radiologue pour une mammographie. Si sa propre expérience excellemment brossée est très drôle, celle de sa copine Jane qu’elle nous rapporte accent à l’appui, est un moment particulièrement éprouvant pour les zygomatiques déjà bien sollicités.
Mais elle n’en a pas terminé avec son public. Les journaux et leurs publicités, qu’elle passe en revue, sont une cible privilégiée et son avis sur la baignoire à porte atteint un sommet, de quoi faire pleurer de rire toute la salle. Elle continue sur sa lancée, rapporte les coups de téléphone racoleurs pour d’ahurissantes conventions obsèques, raconte sa visite aux pompes funèbres avant de se souvenir des funérailles de la mère d’une amie sur un bateau, se disposant à disperser les cendres ! A ce moment-là le public, déjà très atteint, n’en peut plus. Elle lui offre pourtant quelques moments de répit, remémorant de façon humoristique ses vacances de petite fille à la campagne ou, plus émouvante, la solitude de la maman qui voit sa grande fille s’envoler du nid, les souvenirs d’enfance avec des parents aimants trop tôt disparus.
Les intermèdes en chansons tels que le rigolo Tango de la ménopause, son recours à la vidéo projetée sur le rideau du fond ainsi que les lumières d’une formidable invention, renforcent l’extrême efficacité de la mise en scène de sa complice Marie-Pascale Osterrieth avec laquelle elle a écrit cette succession de textes dont l’analyse sociale très fine est d’un réalisme convaincant. Un seul en scène éblouissant qui vient comme une bouffée d’oxygène dans la grisaille de l’hiver. Cliquer ici pour voir un visuel du spectacle. Théâtre de la Renaissance 10e.


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