LOUNGTA, les chevaux de vent

Article publié dans la Lettre n° 221


LOUNGTA, les chevaux de vent. Conception, scénographie et mise en scène Bartabas avec Bartabas, Manuel Bigarnet, Ketile Dubus, Abderrahman El Bahjaoui, Mickael Gilbert, Benjamin Grain, Solenn Heinrich, Elodie Mathieu, Etienne Régnier, Igor Verlivskoï, Messaoud Zeggane,Tenzin Gönpo, un chanteur-danseur tibétain, des danseurs-musiciens, des moines du monastère de Gyuto et des chevaux.
Le centre du théâtre est occupé par une coupole, sorte de bulle de gaze, qui évoque la yourte, tente des nomades d’Asie. Tout autour, des comédiens actionnent des moulins à prières tandis qu’un cavalier et sa monture noire surgit. De l’espace circulaire plongé dans la pénombre, sortent des sons d’une gravité d’autant plus surprenante qu’ils semblent produits par des voix humaines. Depuis les deux loges qui surplombent la scène, dix lamas se font face. Ils semblent projeter sans effort leur chant diphonique. Ce «om», ou syllabe sacrée, qu’ils vont chercher au plus profond de leur cavité abdominale, requiert une pratique quotidienne de nombreuses années pour atteindre cette gravité sans pareille. Cette technique de méditation et la pratique des instruments qui les accompagnent (hautbois, tambours, cymbales, clochettes), représentent une grande partie de l’étude de ces moines tibétains, exilés depuis 1959, et qui ont fondé le monastère de Guyto au nord de l’Inde. La bulle de gaze s’élève et laisse apparaître l’arène de sable rouge dont la couleur contraste avec le cheval noir. Les tableaux se succèdent où, chevaux isabelle, noirs ou marron, évoluent de conserve avec les cavaliers ou hommes à pied, laissant parfois leur place à un âne facétieux ou à un troupeau d’oies. Entre ces tableaux, Bartabas fait quatre apparitions, et accomplit un exercice lent, à la fois simple et intense, en parfait accord avec sa monture, qui avance puis recule. Un musicien tire de son didjeridu une mélopée envoûtante qui, par la gravité du son, s’accorde parfaitement à celui du « om ».
Comment aborder un tel spectacle? Bartabas crée mais ne livre pas de clés. Le béotien remarquera la parfaite harmonie des couleurs, l’extrême recherche esthétique des costumes et des robes des chevaux, la prouesse technique et la maestria des hommes et des montures, mais restera extérieur au travail intérieur qui les anime. Bartabas, cet homme épris d’absolu, est à l’art équestre ce que Béjart est à l’art de la danse, toujours à la recherche de la perfection du geste et de l’exercice, grâce à une imagination créatrice en perpétuelle évolution.
Le bouddhisme est considéré comme une philosophie, non une philosophie d'aujourd'hui, discours théorique qui s’appuie sur l’intelligence et la raison pour comprendre le monde et l'homme, mais celle des philosophes de l’Antiquité « maîtres à vivre », qui se devait d’enseigner une nouvelle et meilleure manière de vivre. Pour l’initié, ce spectacle prendra donc une autre dimension. Il verra, dans les tableaux qui accompagnent le spectacle, l’expression visuelle d’une quête intérieure. Ce chant de gorge, qui prouverait l’existence de plusieurs mondes à l’intérieur du corps humain, le son des instruments, l’évolution des hommes et de leurs chevaux, les apparitions de Bartabas, l’inviteront alors à participer à leur méditation. Théâtre Equestre Zingaro 93 Aubervilliers jusqu’au 29 février 2004.


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