ELISABETH AMATO
Je vous entends penser

Article publié dans la Lettre n° 313

ELISABETH AMATO. Je vous entends penser. Mise en scène Alain Sachs. Scénographie Lionel Ménard. Lumière Pascal Laajili. Musique Patrice Peyrieras.
Elle a tout d’une fée. En un clin d’oeil, elle apparaît devant vous, légère et aérienne. Ce sont bien les mots puisque ses pieds ne touchent pas le sol, ses chaussures à talons se trouvant à une vingtaine de centimètres des planches ! « Vêtu[e] de probité candide et de lin blanc », pas sûr en ce qui concerne le tissu en tout cas, elle sourit, semblant ravie de se trouver là ! La scène est vide mais pas pour longtemps : un claquement des doigts ou le sifflement d’un spectateur mis à contribution, et les accessoires apparaissent, tabouret, guéridon, panier, personnages à part entière puisqu’ils ont un prénom: Hubert, le guéridon, indispensable secrétaire, Pitchounette, le panier dont elle extrait ses malices.
Elle s’adresse immédiatement à son public déjà un peu ébahi, et l’avertit tout de go : « ce spectacle va être truffé de trucs ». Tout en parlant, elle le jauge : « mince il y a des cartésiens », s’assure qu’ « il est le bon » puis le menace : « je fais disparaître les portables ».
Cette mise en place et ce passage en revue sont nécessaires pour repérer ceux et celles qui durant plus d’une heure vont être ses victimes car elle va les faire tourner en bourrique ! Entre ses jolis doigts de fée (?) vont et viennent une lettre qu’elle a oublié de poster, un avion en papier pour viser un cobaye dans la salle, les jeux de cartes, une boule de cristal qu’elle dit détenir depuis dix-sept générations, un vase dans lequel elle jette un pétale de rose qui deviendra tout autre chose, une cigarette qui sort de nulle part et repart vers nulle part… Le prix mondial de cartomagie qui lui a été attribué n’est pas une distinction volée.
Magicienne, certes, mais aussi experte en chiffres et nombres. Le tableau des chiffres, pompeusement baptisé Excel, en est une preuve tangible. Un spectateur, après avoir silencieusement fixé dans sa mémoire un âge qui, d’après lui, est celui de la sagesse, en verra le nombre exact rapporté. A sa grande surprise, sa somme, addition faite de haut en bas, de droite à gauche ou en diagonale, sera celle des chiffres et nombres lancés à la volée par les spectateurs ! « Il n’ y a pas de surnaturel, il n’y a que du naturel non expliqué », assure-t-elle. Les cartésiens s’avouent vaincus ! Fée, vraiment ? Manipulatrice dans tous les sens du terme, elle se fait aussi psychologue, persuadant tout un chacun qu’il est incomparable, même celui qui, faiblement, lui explique qu’il a un jumeau ! Elle assène aussi quelques vérités sur la vie avec, entre autres, une réflexion qui remporte un franc succès auprès d’un jeune spectateur autorisé à prendre des notes !
Grâce à la belle alchimie de la mise en scène, de la scénographie et des lumières, Elisabeth Amato et son intarissable bagou ensorcellent un public conquis.
D’après elle « Les sorcières, ce sont des fées qui ont mal tourné ». Alors, fée ou sorcière ? À vous de juger ! Petit Montparnasse 14e.

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