DUEL
- Opus 2
Article
publié dans la Lettre n° 307
DUEL-Opus 2. Mise en scène Agnès Boury
avec Laurent Cirade (violoncelle) et Paul Staïcu (piano).
La définition du Petit Robert est tout à fait claire: un duel est
« un combat entre deux adversaires armés ». Armés de quoi ? Généralement
d’armes à feu ou tranchantes. Celles de nos deux musiciens devraient
être un violoncelle et un piano, armes inoffensives en apparence,
sauf pour les oreilles de l’entourage lorsque crécelle ou sifflet
font leur apparition tapageuse. Le concert a pourtant commencé dans
le calme : le pianiste a donné la note aussitôt reprise par le violoncelliste.
La routine et puis zwip, la pointe du violoncelle dérape faute d’avoir
placé la cale. Embarras du violoncelliste qui cherche sans succès
une posture compatible avec l’exécution du morceau, ce qui déclenche
les premiers signes d’énervement chez le pianiste. Autre sujet de
contrariété : pourquoi diable a-t-il décidé de déplier une chaise
longue tout en tenant son instrument ? Les rapports se dégradent.
C’est dans l’ordre des choses si nous poursuivons la lecture de
la définition dudit Petit Robert : il s’agit « d’un combat singulier ».
Pour être singulier, il l’est. Imperturbable et silencieux, chacun
tente d’imposer la préséance qui de son piano qui de son violoncelle.
Toutes les passes d’armes sont bonnes, la scie contre l’archet si
besoin est. Notre pianiste se retrouve allongé par terre, les mains
à l’envers sur le clavier. Puis décidément, le métier n’est pas
simple lorsqu’il se voit obligé à sortir sa carte de crédit pour
accéder aux touches. On apprend vite qu’un instrument sert à tout,
même de tourne broche, et que lorsqu’il est malade, on n’hésite
pas à l’opérer pour dégager de ses entrailles moult accessoires
surprenants. Le Petit Robert parle aussi de « joute oratoire ».
Ici elle est musicale et le combat acharné. Bach, Les Beatles, les
Bee Gees, Beethoven, Bizet, Boccherini, Brahms, Chaplin, Chopin,
Constant, Dvorak, Fauré, Kosma, Mozart, Morricone, Sati, Strauss,
et j’en passe, sont au programme. L’un et l’autre se défient note
après note, leur virtuosité et leur éclectisme sont éblouissants.
Quoiqu’il en soit, à bout de nerfs sans doute, le violoncelliste
finit par choisir les grands moyens. Il fabriquera à vitesse grand
V un cercueil en kit, bio dégradable bien sûr par les temps qui
courent, afin d’y installer son adversaire impuissant et s’en débarrasser.
Mais celui-ci a plus d’un tournevis dans son sac ... Tout de même
vaincu, il finira en fauteuil roulant, le goutte à goutte n’étant
pas précisément très pratique pour frapper les touches.
Il faut se rendre à l’évidence. Le pré n’est pas ici le champ de
bataille du duel mais un espace scénique dont s'empare Agnès Boury
avec une virtuosité semblable à celle de Laurent et Pascal afin
de tirer parti des facéties des deux compères tout à leur délire
musical. A la dernière minute, Ils finiront pourtant par s’accorder
en se partageant le même violoncelle et régaler leurs « témoins
» d’un joli morceau. Mais il ne s’agit là que d’un répit. Ils
reprendront leur joute dès le lendemain pour la plus grande joie
des amateurs de duettistes - duellistes ! Théâtre Trevise 9e.
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