LA CREOLE

Article publié exclusivement sur Internet avec la Lettre n° 362
du 30 décembre 2013


LA CREOLE. Opéra-comique en trois actes de Jacques Offenbach. Livret Albert Millaud. Direction musicale Laurent Gossaert. Mise en scène Bernard Jourdain avec 6 solistes professionnels, l'orchestre Ad Lib et 36 artistes amateurs de la troupe des Tréteaux Lyriques.
L'histoire commence à La Rochelle, au début du XVIIIe siècle, dans l'Hôtel des Feuillemorte. Habitué à être le seul maître à bord, le commandant de Feuillemorte a décidé brusquement de marier sa pupille Antoinette à son neveu René, juste avant son départ pour la Martinique. Peu importe que les futurs mariés ne se connaissent pas, qu'Antoinette aime Frontignac, qui se trouve être un ami de René, que René ne soit pas encore arrivé alors que le bateau doit bientôt lever l'ancre, le mariage devra se faire pour assurer la pérennité du nom de Feuillemorte ! René arrive enfin, pas décidé du tout à céder à son oncle sauf qu'il y a à la clé une belle dot. Heureusement le commandant de Feuillemorte est obligé d'embarquer, laissant à René une lettre avec des instructions pour son mariage et la dot. Par amitié pour Frontignac, René trahit son oncle, marie Antoinette à Frontignac et empoche la dot. Fin de l'acte I.
La suite est une succession de rebondissements, surtout avec le retour inattendu de l'oncle accompagné d'une deuxième pupille, Dora, une belle créole que René reconnait aussitôt. Les deux jeunes gens s'étaient rencontrés lors d'un séjour de René en Martinique et s'étaient promis en mariage.
Le livret de cet opéra-comique tient plus du vaudeville que de l'opéra. Il n'a pratiquement pas été joué depuis sa création en 1875, à tel point que le programme mentionne que La Créole «
est reprise pour la première fois dans sa version originale depuis sa création.» Si l'on peut oublier l'adaptation en comédie musicale, taillée sur mesure par Albert Willemetz pour Joséphine Baker en 1934, ou bien le spectacle créé à partir de cet opéra-comique et de L'Île de Tulipatan, également de Jacques Offenbach, sous le nom de La Créole de Tulipatan au Théâtre 14 en 2007, on se doit de mentionner les représentations de La Créole, à Tourcoing, il y a cinq ans, sous la baguette de Jean-Claude Malgoire, dans une mise en scène de Christian Schiaretti et Arnaud Decarsin. Il n'en reste pas moins que c'est une rareté et qu'il faut féliciter Les Tréteaux Lyriques de ce choix, qui fait suite, dans leur répertoire, à de nombreuses autres œuvres plus connues, toujours d'Offenbach.
La mise en scène fourmille d'idées qui provoquent l'hilarité dans la salle. Nous n'en citerons qu'une, faisant appel à l'actualité récente, celle de René en train de lire Le Parisien, avec en couverture, sous le titre « malaise », la photo de notre président en plein conflit avec le magazine Closer, dans un contexte qui n'est pas sans rappeler l'histoire qui se joue sous nos yeux ! La troupe est si nombreuse sur la scène, et parfois même au milieu du public, que l'on ne sait plus où donner de la tête.
Sur le plan musical l'orchestre Ad Lib, avec une vingtaine de musiciens, est à la hauteur de l'œuvre, d'autant plus qu'il est conduit par un jeune chef exubérant et plein d'entrain, Laurent Goossaert, un habitué du répertoire lyrique, qui n'hésite pas à conduire à la baguette toute la salle pour un concert final d'applaudissements ! Les solistes professionnels sont excellents. Dans le rôle de Dora, Marie-Nadège Barthazon est tout à la fois une chanteuse à la voix cristalline et enchanteresse, qu'une remarquable comédienne sachant expliquer avec fougue comment on se conduit « chez les sauvages », allusion aux idées colonialistes, en vogue à l'époque, combattues par Offenbach. Juliette Hua (Antoinette) et David Faggionato (René) lui donnent la réplique avec autant de talent. Parmi les autres solistes, on note la performance tant chantée que parlée de Frédéric Thiriez dans le rôle du commandant et de Rémy Buclin et Hervé Dupont dans celui des notaires. Ces derniers ont la chance d'entonner l'un des rares airs connus de La Créole, celui de la poularde et du jambon.
Nous terminerons avec une mention toute spéciale pour les costumes. Ceux-ci, dessinés par Isabelle Pasquier et réalisés par des élèves de lycées professionnels tels que celui de Nogent la Source Val de Beauté, sont un enchantement. Ils sont variés, colorés, légers, mêmes pour les crinolines, avec des ornements originaux. Une véritable prouesse eu égard à la quarantaine d'artistes présents sur scène. En attendant le prochain spectacle des Tréteaux lyriques, dans deux ans, ne manquez pas celui-ci. R.P. Espace Pierre Cardin 8e. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici.
Lien : treteaux-lyriques.fr.

Nota : à la suite de cet article nous avons reçu un courriel des Tréteaux Lyriques relatif à la représentation de La Créole à Tourcoing :
« Ayant participé à la rédaction du programme, je puis vous assurer que l'existence de la version "Tourcoing" de Jean-Claude Malgoire ne nous avait pas échappé. Nous l'avons contacté, et, après vérification, il est apparu que ce spectacle reprenait la version Willemetz de 1934, et non pas la version originale de 1875.
Cette vérification ayant été effectuée, nous nous sommes permis de maintenir notre affirmation d'originalité.
Le matériel d'orchestre que nous avons retrouvé est, à notre connaissance, le seul exemplaire existant de La Créole d'Offenbach dans sa version originale, et le dernier orchestre à l'avoir utilisé semble être Cherbourg 1882, au vu des inscriptions manuscrites - ce qui renvoie donc effectivement à l'époque de sa création.
Cordialement, Thibaud Mercier, pour les Tréteaux Lyriques. »


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