«
CA VA NETTEMENT MIEUX »
Article
publié dans la Lettre n° 272
« CA VA NETTEMENT MIEUX » de et avec
Charlotte de Turckheim. Mise en scène Catherine Hosmalin.
« Ca va nettement mieux » claironne Charlotte ! La petite phrase
nous ravit. Mais en l’écoutant poursuivre, il semble que cette meilleure
santé comporte toutefois quelques restrictions. « Cela va nettement
mieux ». Mieux depuis quand ? Nettement, mais
de quelle façon? Analysons un peu pour voir. La quarantaine, divorcée,
deux enfants, une situation à problèmes que vivent beaucoup de femmes
aujourd’hui : Deux enfants, disons plutôt deux ados. Charlotte
nous fait part de sa surprise. On ne l’avait pas prévenue qu’un
bébé grandissait si vite pour devenir ce primate aux pieds qui puent,
beuglant des insanités. Même Laurence Pernoud n’en a pas soufflé
mot dans son guide de la future maman géniale, cela frise l’escroquerie.
La quarantaine, autre point noir. Ce changement de dizaine est synonyme
d’adieu à la jeunesse et de prise de poids d’où l’urgence de se
rendre le plus tôt possible dans une salle de gym. Musclor, machine
bulgare, est là pour « redonner à fesses visage humain ». Mais Charlotte
est-elle sûre que cela va mieux depuis qu'elle fréquente cette «
confrérie du gras » ? Elle a beau s’appliquer durant le cours de
step advance, sera-t-elle capable de regarder sans sourciller
sa copine, qui ne prend jamais un gramme, engloutir sous son nez
des profiteroles au chocolat ? Ah, Les copines ! Une amitié vieille
de vingt ans. Cela aussi c’est quelque chose ! Elles se retrouvent
pour déjeuner ou dîner ensemble trois fois par semaine et pour se
disputer. Leur chevaux de bataille favoris : la politique et les
hommes. Clarisse clame son appartenance à la gauche et participe
à toutes les manifs… en tailleur Chanel. Annabelle est standardiste
au FN et saute sur tout ce qui bouge. Charlotte nous prend à témoin :
« Moi aussi j’aimerais bien être de gauche mais je n’en ai pas les
moyens, il faut que je gagne ma vie ». D’autant plus qu’elle en
est à sa troisième année d’analyse à cent euros la séance. Cette
remarque au cher psy n’est pas fausse :« Qu’est-ce qu’on
se donne comme mal pour trouver le bonheur. Remarquez que cela fait
le vôtre ». Le bonheur ! Deux ruptures, et elle n’a pas encore compris.
Elle cherche encore l’homme de sa vie. Là aussi on l’a trompée.
Elle attendait le prince charmant des contes de fées. Si seulement
ceux-ci avaient commencé par « il était une fois un grand con qui
buvait de la bière », cela l’aurait fait réfléchir !
Cela dit, tout ne va pas si mal pour Charlotte. Arpentant la scène
comme si elle se trouvait dans son salon, elle prend les spectateurs
à témoin comme s’il s’agissait de vieux copains. L’avenir n’appartient
pas, selon elle, à ceux qui se lèvent tôt mais à ceux qui en ont
un. Elle n’a donc aucun souci à se faire pour le sien. A part les
quelques bémols qui jalonnent sa vie, Charlotte va bien, assez en
tout cas pour faire mourir de rire son public. Il ne s’en lasse
pas et se presse pour le lui dire! Théâtre de la Madeleine 8e.
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