L’AFFAIRE DUSSAERT
Article
publié dans la Lettre n° 341
du
21 mai 2012
L’AFFAIRE DUSSAERT de et par Jacques
Mougenot. Mise en scène de l'auteur.
Voici un spectacle qui sort des sentiers battus. Une conférence,
quelle bonne idée ! Son sujet peut se résumer de cette façon : « Jusqu’où
l’art peut-il aller trop loin » ? Vaste question à laquelle Jacques
Mougenot, le conférencier, répond par un exemple qui fit grand bruit
en 1991 : l’affaire Dussaert. Comment ? Vous ne connaissez pas Philippe
Dussaert (1947-1989), l’un de nos incontournables peintres contemporains ?
Rassurez-vous, vous n’êtes pas le seul et c’est sans doute pourquoi
notre conférencier l’a choisi. Ce peintre commença comme copiste
dans les années soixante puis reprenant de grands chefs-d’œuvre,
il eut l’idée géniale de ne s’intéresser qu’au décor de l’œuvre,
d’en retirer le sujet principal pour n’en garder que le fond. De
La Joconde par exemple, il ne représenta plus que le paysage
de l’arrière plan. Plus de naufragés sur Le radeau de la Méduse.
De La jeune fille à la perle, il n’en restitua que le fond
obscur. Bref, pour reprendre l’opinion d’un critique séduit par
l’exposition intitulée « D’après » par son auteur: « Dussaert a
entrepris de dé-figurer nos chefs-d’œuvre, sans pourtant les enlaidir ».
Notre grand homme eut ses détracteurs, bien sûr, mais cela ne l’empêcha
pas de poursuivre son « œuvre », jusqu’au jour où sa galiériste
organisa une deuxième exposition nommée Après tout où il
n’exposa qu’une œuvre unique. Le choc provoqué par Après tout
fut suivi par un autre bien plus grand, et c’est ce choc-là qui
créa « l’Affaire Dussaert ». L’œuvre en question fut mise aux enchères
chez Drouot et adjugée pour une somme folle au MoMA de New-York.
Mais au milieu du tumulte provoqué par son montant, un monsieur
s’avança vers le commissaire qui fut obligé d’annoncer : « Mesdames,
Messieurs, préemption des Musées nationaux ». La France ne plaisante
pas lorsqu’il s’agit de la fuite à l’étranger de l’un de
ses chefs-d’œuvre. Je vous laisse découvrir la fin de l’affaire,
notre conférencier en donne l’issue avec moult détails.
Vous l’aurez compris. Jacques Mougenot, comédien et grand spécialiste
de la peinture, expose dans un monologue brillantis-sime, les dérives
et les outrances de l’art contem-porain. Sa démonstration pleine
d’humour et de causticité répond à bien des questions que tout un
chacun se pose aujourd’hui et auxquelles Delacroix, ô combien visionnaire,
avait apporté une réponse : « Le jour où les peintres auront perdu
l’amour et la science de leur outil, les théories stériles commenceront.
Car ne sachant plus écrire leur pensée avec des formes et des couleurs,
ils l’écriront avec des mots, et les littérateurs les auront ».
Un spectacle jubilatoire, drôle, impertinent et d’une grande intelligence. «
Culturellement incorrect », selon la dédicace de son auteur ? Peut-être,
quoique…! Théâtre le Ranelagh 16e. Pour
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