ARTEMISIA. Héroïne de l’art. En 2012, le Musée Maillol rendait hommage à cette artiste d’une renommée internationale en son temps mais complétement oubliée vers la fin du XVIIIe siècle (Lettre 340). Cette exposition complète la précédente avec 28 tableaux d’Artemisia Gentileschi (1593 – vers 1656) auxquels s’ajoutent d’autres tableaux, en particulier de son père, Orazio Gentileschi (1563-1639), et du Caravage (1571-1610).
Artemisia, née à Rome, se forme dans l’atelier de son père, artiste d’origine toscane influencé par Caravage, un ami avec lequel il se brouilla vu les tempéraments de chacun. Très vite son père se rend compte de son talent exceptionnel. Si la jeune fille n’a pas accès aux académies et aux vestiges de l'Antiquité, comme ses collègues masculins, elle peut voir les tableaux du Caravage dans les églises romaines.
Un épisode dramatique de sa vie permet de mieux cerner le caractère d’Artemisia et ses choix en peinture. En 1611, elle est violée par un employé de son père, le peintre Agostino Tassi. Celui-ci refuse de l’épouser et contraint donc Orazio et sa fille à lui intenter un procès au cours duquel Artemisia est torturée afin de prouver la véracité de ses accusations. Tassi est condamné à cinq ans d’exil mais, protégé par le pape, revient rapidement à Rome. La manière dont Artemisia surmonte cette épreuve révèle sa résilience, son courage et sa détermination. Certains y voient son goût pour des sujets tels que Judith et sa servante avec la tête d'Holopherne ou Yaël et Siséra, des sujets où des femmes tuent des hommes.
À l’issue du procès, Artemisia épouse le florentin Pierantonio Stiattesi, peintre et apothicaire, et part avec lui à Florence. Là elle développe aussi bien ses compétences techniques que son érudition, apprenant à lire et à écrire de la poésie. Presque illettrée dans sa jeunesse, elle finit par être considérée comme une savante, correspondant avec des personnalités importantes, des souverains et des scientifiques tel Galilée. Cela lui permet de tisser un réseau dans toute l’Europe.
Fuyant les créanciers, le couple revient en 1620 à Rome où Artemisia fréquente le cercle des peintres caravagesques, dont les français Simon Vouet, qui fait son portrait, et Nicolas Régnier. En 1623 Stiattesi, selon les registres paroissiaux, disparaît de la vie d’Artemisia. Celle-ci a alors un statut hors norme: elle est recensée en tant que responsable de son propre foyer, composé de sa fille Prudenzia, la seule de ses cinq enfants qui atteignit l’âge adulte, et de ses domestiques.
Tandis que son père quitte définitivement Rome pour Gênes, puis la France et enfin Londres, Artemisia s’installe à Venise, puis à Naples. En 1638 elle rejoint son père à Londres pour l’aider à réaliser un plafond pour la reine à Greenwich. Une reproduction de celui-ci est exposée au plafond de la première salle. Son père meurt l’année suivante et Artemisia revient à Naples en 1640. C’est là qu’elle termine sa vie et décède, sans doute en 1656 durant la grande épidémie de peste. ... (Lire la suite).