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Lettre n° 601
du 2 octobre 2024
 

Nos sélections de la quinzaine

 
 

 

 


 
      THÉÂTRE

 
 


Photo Karine Letellier

 

UN MONDE FOU de Becky Mode et Mark Setlock. Adaptation Attica Guedj et Stephan Meldegg. Mise en scène et interprétation Éric Métayer.
Acteur au chômage, Sam arrondit ses fins de mois comme standardiste dans un restaurant hyper branché. Dans un sous-sol bien moins reluisant que la salle du restaurant, il jongle avec les appels téléphoniques incessants de clients du monde entier, désireux de réserver une table, et bien décidés à imposer leurs caprices. Mais Sam ne doit pas seulement faire office de standardiste, à l’interphone, le personnel se rappelle régulièrement à lui: Reginald, le maître d’hôtel imbuvable, Stéphanie l’hôtesse toute timide, Walli le manageur un peu maniaque question lunettes, Diego, le cuisinier, en principe chargé des repas du personnel, et le chef, bien sûr, toujours très ombrageux. Ils ne sont guère enclins à lui prêter main-forte mais n’hésitent pas à faire appel à lui pour toutes sortes de services plus ou moins ingrats. Dans l’attente de l’arrivée de son collègue Gérard sensé le remplacer et décidément très en retard, Sam pare au plus pressé entre le standard et l’interphone. Il prend tout de même le temps d’appeler son agent suite à un casting et le cuisinier. Et il tente aussi de tout faire pour que son papa ne soit pas seul à Noël.
Les réservations se succèdent. S’ébauche alors toute une série de personnages plus ou moins hystériques qui d’engueulades en chantages finissent pas obtenir ce qu’ils veulent. Tous? Non! Par ordre du patron, un seul au nom couché sur une pancarte très visible, ne doit en aucun cas obtenir une table. Quoique… ... (Lire la suite).

 

 




 


Photo Vincent Pontet


 

OMAR-JO, SON MANÈGE À LUI de Guy Zilberstein d’après L’Enfant multiple d’Andrée Chedid. Mise en scène Anne Kessler. Avec Claire de La Rüe du Can, Dominique Parent, Baptiste Chabauty.
Un studio d’enregistrement exigu. Adèle, l’auteure du texte et réalisatrice de l’émission, Elvis, le comédien – narrateur et Léon, l’ingénieur du son, commencent la fabrication de l’épisode 5 d’une série de podcasts, les Enfants de la guerre. Intitulé Omar-Jo, son manège à lui, ce cinquième épisode est tiré d’une histoire, qui «nous est parvenue grâce à Andrée Chedid», précise Elvis au micro. Puis il s’interrompt, faisant remarquer que cela ne fonctionne pas. Jusqu’à présent, dans les quatre épisodes précédents, ils n’ont retracé que des histoires vécues par des enfants victimes de la guerre du Kurdistan irakien, du Rwanda, du Biafra et du Vietnam. Tirée d’un roman, celle-ci est une fiction. Elle n’a rien à voir avec la réalité.
Fils unique d’un musulman d’Egypte et d’une chrétienne libanaise, Omar-Jo, «l’enfant multiple» du roman, est né à Beyrouth avec la guerre. En 1987, une bombe fauche la vie de ses parents et l’un de ses bras. Son grand-père l’envoie vivre en France chez ses oncle et tante. À Paris, il fait la connaissance de Maxime, un homme revenu de tout, aussi usé que le manège qu’il exploite. Loin d’être abattu par le sort, Omar-Jo, enfant hyperactif, bourré d’idées et de projets, va lui redonner le goût de vivre. Une rencontre improbable, porteuse de promesses.
Au Studio 37, les prises interrompues se succèdent. Les avis s’opposent. Pour Elvis, on ne peut pas mettre Omar-Jo sur le même plan que les quatre autres. Inventée, son histoire ne lui appartient pas, elle n’est pas vraie. Mais Adèle allègue que tous les artistes qui se sont exprimés sur les guerres se substituent aux victimes pour raconter. Le récit d’Andrée Chedid n’est pas vrai mais il est juste. ... (Lire la suite).








 


Photo Sebastien Toubon


 

LA TEMPÊTE de William Shakespeare. Traduction et mise en scène Stéphanie Tesson. Avec Stéphanie Tesson (du 17 septembre jusqu’à fin octobre), Pierre Val, Sylvain Katan, Marguerite Danguy des Déserts, Jean Dudant, Quentin Kelberine, Aurélien Palmer.
Tout est ambigu, déconcertant, réjouissant et glaçant, obscur et lumineux, dans cette ultime tragédie de 1611, quasi testamentaire, du grand William. Il n’écrira plus jusqu’à sa mort en 1616, comme s’il confiait à cette Tempête les clés de ses tours de magie, mais sans autre éclaircissement que sa dernière adresse au public à la fin de la représentation «...mes charmes sont tous anéantis...délivrez-moi de mes enchantements à l’aide de vos applaudissements».
On y repère ses thèmes favoris déjà mis en œuvre dans des drames précédents, une tempête, un naufrage, de sourdes intrigues de pouvoir, un lieu d’autant plus claustrateur que c’est une île, géographiquement indéfinissable. Magie, enchantements, complots de succession, innocence de l’amour, travestissements y font un étrange ménage, suscitant les coutumières interrogations. Qui est qui? Qui l’emportera du bien ou du mal? Quelle issue à ces conflits d’intérêt, de vengeance, de haute et basse politique?
Aucun manichéisme réducteur dans l’intrigue proposée ne vient apaiser la sourde angoisse.
Ariel, Esprit serviable revêtu de blancheur immaculée, volette autour de Prospéro, magicien taraudé à la fois par une haine vindicative et une tendresse émue pour sa fille, tout en exerçant un chantage sur ses esclaves autant qu’un pouvoir d’équanimité et une volonté de paix restaurée. Les naufragés à sa merci sont ceux-là mêmes qui ont provoqué son exil esseulé. Mais, au cœur de ces complots, la naïveté lumineuse des jeunes amoureux désarme l’esprit de vengeance. Tous finissent par renoncer à la méchanceté et à la vengeance, à la tyrannie de l’arbitraire, la brute se civilise, l’esclave rompt ses chaînes, on implore un pardon qui est accordé, les étoiles n’ont pas quitté les yeux éblouis des amoureux, l’apaisement ouvre sur l’avenir.
Mais…, et c’est trop beau pour être vraisemblable, on ne saurait s’y tromper. Points de suspension… ... (Lire la suite).








 


Photo Alain Hoareau



 

À COEUR PERDU, une histoire vraie, d’après le roman d’Emmanuelle de Boysson. Mise en scène Hervé Bentégeat. Avec Carmen Vadillo.
On peut danser la vie, on peut aussi danser la mort. Et, quand on est «passé de l’autre côté», on n’a pas forcément envie d’en revenir. Eh oui! Envers et contre toutes idées reçues, cette résurrection ne procure aucun soulagement, elle prend au contraire les couleurs de l’enfer, dans une souffrance intolérable, au regard de l’éden lumineux qu’apparaît l’ailleurs vécu pendant les quelques dizaines de minutes où le cœur s’est arrêté. Mais pourquoi donc les vivants se sont-ils acharnés à en relancer la battue régulière?!!
Coma zébré de douleurs atroces, si difficiles retrouvailles avec la vie, tentation réitérée d’un départ définitif vers la plénitude abordée, révolte hurlée face à l’arrachement hors du cocon de douceur entrevu. Un périple étrange et impossible à partager avec les proches incrédules, que seule l’écriture pouvait donner à voir, sincère, réaliste et poétique. ... (Lire la suite).








 
      EXPOSITIONS ET SITES

 
 


Photo Spectacles Sélection


 

HARRIET BACKER (1845-1932). La musique des couleurs. Le musée d’Orsay présente quelque quatre-vingt-dix peintures de l’artiste norvégienne Harriet Backer, peu connue en dehors de son pays, mais l’une des peintres les plus célèbres de son temps en Norvège. Elle est la deuxième de quatre sœurs, toutes douées pour les arts. L’aînée, Inga, fut une célèbre chanteuse, Agathe, une pianiste et compositrice mondialement connue, et Margrethe, une artiste-peintre.
À quinze ans elle s’inscrit dans une école de peinture pour femmes parmi les plus réputées de Kristiana (l’ancien nom d’Oslo). Plus tard, elle rejoint à Berlin sa sœur Agathe qui étudie le piano tandis qu’elle copie des œuvres dans un musée. En 1871, les deux sœurs partent pour Florence. Après un retour à Kristiana, Harriet Backer se rend à Munich, l’un des principaux centres artistiques de l’époque avec Londres et Paris, où elle étudie en particulier auprès de son compatriote Eilif Peterssen (1852-1928). C’est là qu’elle rencontre la peintre Kitty Kielland (1843-1914) qui deviendra sa plus proche amie jusqu’à la mort de cette dernière. Toutes les deux s’installent à Paris en 1878 dans un logement-atelier. Harriet y séjourne pendant dix ans, étudiant avec des peintres tels Léon Bonnat, Jean-Léon Gérôme et Jules Bastien-Lepage. De retour définitivement en Norvège, ne pouvant vivre des seuls revenus de ses toiles, elle ouvre une école mixte de peinture. En 1898 elle est nommée membre du conseil d’administration et du comité d’acquisition de la Galerie nationale de Norvège, un poste qu’elle occupera pendant vingt ans. Le directeur de cette galerie lui commandera en 1918 une nature morte qu’elle n’achèvera jamais. En effet elle peignait très lentement et revenait sans cesse sur son travail. Plusieurs de ses toiles inachevées sont visibles dans cette exposition.
Au cours de sa longue carrière Harriet Backer obtient plusieurs distinctions dont une médaille d’argent en 1889 à l’Exposition universelle de Paris pour son tableau Chez moi. Même si elle adhéra à des associations féministes, la politique ne l’intéressait pas. Pour elle la peinture ne devait servir que l’art. C’est ce que l’on constate tout au long du parcours en sept sections thématiques qui mettent en valeur son goût pour la lumière et, dans une moindre mesure, pour la musique. ... (Lire la suite).

 


 

 
 
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