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Lettre n° 590
du 27 mars 2024
 

Nos sélections de la quinzaine

 
 

 

 


 
      THÉÂTRE

 
 


Photo DR



 

DARIUS de Jean-Benoît Patricot. Mise en scène André Nerman. Avec Catherine Aymerie, François Cognard.
Claire était restée fidèle aux parfums créés par Paul, un parfumeur au «nez» exceptionnel, jusqu’au jour où il cessa son activité après le décès de sa femme. Aujourd’hui, cette scientifique de haut niveau lui soumet une demande peu commune. La maladie dégénérative dont son fils Darius est atteint ne lui laisse que quelques mois à vivre. Sourd, aveugle, muet et en grand partie paralysé, son sens olfactif a gardé une incomparable aptitude que Claire souhaiterait solliciter. Elle offrirait ainsi à Darius de multiples et derniers instants de bonheur. Dans sa lettre, elle prie Paul de créer des senteurs qui rappelleraient à ce jeune homme de dix-neuf ans les lieux et les moments heureux de sa courte existence. La réponse épistolaire est tout d’abord une fin de non recevoir mais Paul réfléchit et se laisse convaincre. Les parfums créés emporteront Darius dans d’étranges et merveilleux voyages immobiles mais pas seulement…
Nous n’irons pas plus avant dans l’analyse de cette pièce en tous points remarquable dont rend déjà compte un article récent (Lettre 554). ... (Lire la suite).








 


Photo Sébastien Toubon


 

ENFANCE. De Nathalie Sarraute. Mise en scène Tristan Le Doze. Avec Marie-Madeleine Burguet et Anne Plumet.
Tout est contraste, balancement, conflit, alternance, dans l'enfance racontée de Nathalie Sarraute. Dérive inconfortable entre la Russie maternelle et le Paris du père, entre deux langues, sensation de malaise qu'éprouve cette petite fille qui ne trouve sa place nulle part au milieu de ces parents qui semblent jouer avec elle comme avec un punching ball de leur propre conflit. Aime-t-elle sa mère, tout en s'émerveillant de la poupée «qui est plus belle que toi, Maman» ? Son père a-t-il vraiment envie de la recevoir chez lui, dans sa vie désormais centrée sur Véra, quand la mère vogue vers de nouvelles amours avec Kolia ? Une mère froide et distante, un père trop pudique pour exprimer sa tendresse.  Ce funambulisme qui lui est imposé pèse lourd sur la conscience de l'enfant, qui n'a que ses sensations et ses souvenirs à opposer à un tel tangage. Conscience et surtout mauvaise conscience de ne pas ressentir d'élans vers sa mère tout en trouvant en Véra une tendresse plus rassurante, tout en appréciant davantage le gentil Kolia.
Pour exprimer ce long cheminement vers une identité difficile à élaborer, Nathalie Sarraute choisit le dialogue entre elle et ses souvenirs sous le regard sans concession d'une mère qui «dit» la réalité. C'est par le goût et le pouvoir des mots, dont elle traque minutieusement la précision, qu'elle trouvera une forme d'équilibre moins instable, une lucidité constitutive de sa personnalité en gestation. ... (Lire la suite).








 


Photo Laurencine Lot

 

JUDITH PREND RACINE AU POCHE. Un duo autour des héroïnes de tragédie chez Racine. Mise en scène Thierry Harcourt. Avec Judith Magre et Olivier Barrot.
« J’aime beaucoup Olivier, mais il est savant. J’espère que j’aurai le temps de placer au moins une tirade entre ses interventions ! ». Cette réflexion de Judith fait sourire ! Elle souffrirait presque d’un complexe notre grande dame qui se présente de nouveau au Poche avec, chevillée au corps, l’envie de partager les tirades les plus intenses des héroïnes raciniennes. Et elle le fait si bien, modulant ton et expressions pendant qu’Olivier Barrot commente la vie de l’auteur et la genèse de ses œuvres aux prises avec les intrigues de cour et les complots des jaloux.
Andromaque et la plainte d’Hermione, Bérénice sacrifiant son amour dans l’un des plus beaux monologues qui soient, Phèdre consumée par la passion, Athalie et son crime de masse, Britannicus et Agrippine aux commandes, Bajazet et la jalousie meurtrière de Roxane…
Les deux comédiens nous embarquent dans la passion des unes et l’esprit de vengeance des autres, au centre des luttes de pouvoir ou de la raison d’état, autant d’amours contrariées qui mènent immanquablement à une fin tragique. Complexes les intrigues ? Toujours avec Racine mais les alexandrins sont là dans toute leur simplicité, une économie de langage qui captive et émeut, mille mots seulement pour tout exprimer quand Shakespeare recourait à vingt mille. ... (Lire la suite).









 
      SPECTACLES

 
 


Photo Alexis Rauber




 

COME BACH. Thèmes musicaux de Jean-Sébastien Bach. Mise en scène Gérard Rauber. Avec Anne Baquet, Claude Collet, Amandine Dehant, Anne Régnier ou Ariane Bacquet.
Inoxydable Jean-Sébastien ! À quelque sauce, drôle ou sérieuse, explosive ou intime, qu'on le joue, le mette en scène et en harmonies diverses, Bach conserve une saveur inégalée au travers des siècles. Il inspire un tel respect jubilatoire à ses interprètes que chacune y met le meilleur de son interprétation. Et quand les quatre virtuoses puisent dans ce génie de tous les temps le jaillissement de leur fantaisie, le temps du spectacle est un régal, dont on ne regrette que la brièveté. Nul détournement ne saurait être perçu comme sacrilège, chanson, jazz, adaptation variée, quand le contrepoint est expliqué avec tant de verve mélodique, quand la contrebasse grimpe à l'assaut du piano, quand l'émotion du hautbois en ses avatars s'entremêle avec la tendresse de la voix. Nos joyeuses complices pétillent en gestes et chorégraphies, sourient de la voix comme des yeux, nous entraînent de plein accord et sans fausse note. ... (Lire la suite).

 



 


Photo Stephane Synodinos



 

TOUTE UNE VIE SANS SE VOIR. Texte de Julie Rousseau et Bastien Lucas. Mise en scène Stéphane Olivié Bisson. Avec Julie Rousseau et Bastien Lucas.
S’absenter pour acheter des cigarettes puis disparaître est généralement l’apanage des hommes. C’est pourtant ce que fit Véronique Sanson lorsqu’elle quitta Michel Berger. Ils partagèrent alors un regret. Lui qu’elle partît ainsi, elle de l’avoir abandonné, regret aggravé par un sentiment de culpabilité. Cette désertion nourrira la majeure partie de leurs compositions musicales. Ils écriront le vide laissé par chansons interposées, autant de messages personnels qu’eux seuls sauront décoder.
Julie Rousseau et Bastien Lucas mettent en scène cette «correspondance» cachée, le mythe d’Orphée comme fil conducteur. Les deux artistes accordent leur piano pour jouer, chanter et se répondre. Ils déclinent ainsi une vingtaine de titres. Comme je l’imagine de Véronique et Si tu t’en vas de Michel, Je serai là de Véronique et Seras-tu là ? de Michel prennent alors une toute autre signification pour ceux qui auparavant les écoutaient séparément. ... (Lire la suite).

 




 
      EXPOSITIONS ET SITES

 
 

Photo J.C. Domenech


 
PREHISTOMANIA. En 2003 on a recensé 45 millions de peintures et gravures rupestres (sur roche en extérieur) et pariétales (sur les parois des grottes) réparties sur 170 000 sites dans 160 pays. La majorité de ces sites sont quasi inaccessibles car situés dans des régions d'accès difficile, ou bien fermés au public comme Lascaux ou Altamira. C’est justement la découverte en 1879 de cette grotte située au nord de l’Espagne qui a lancé l’étude des peintures et gravures préhistoriques. Pendant plus de vingt ans on a cru à une supercherie. Et puis il a bien fallu se rendre à l’évidence avec la découverte d’autres grottes ornées comme Les Combarelles et Font-de-Gaume en France.
Les préhistoriens, dont la discipline est devenue un champ d’études scientifiques en 1859, s’emparent de ce nouveau sujet. En France c’est l’abbé Henri Breuil  (1877-1961), le « Pape de la préhistoire », qui mène les études. À l’aide de calques, il reproduit sur place les peintures et finalise son travail dans son laboratoire. Pendant ce temps, son confrère allemand Leo Frobenius (1873-1938) s’intéresse à l’Afrique où il est persuadé qu’il trouvera là-aussi des peintures pariétales. Avec l’aide d’hommes et surtout de femmes peintres, photographes et scientifiques, il reproduit des milliers de peintures. L’Institut Frobenius, qui organise la présente exposition avec le Musée de l’Homme, l’un des 12 sites du Museum national d’Histoire naturelle, possède plus de 8000 relevés d’art préhistorique. Plus tard, ce sont les français Henri Lhote (1903-1991) et Gérard Bailloud (1919-2010) qui poursuivirent ces relevés, en particulier en France, au Tchad et en Algérie.
C’est donc à la découverte de ces dessins et aux conditions dans lesquels ils ont été faits que nous convie Préhistomania. Une grande photographie d’Agnes Schultz, pinceau à la main, nous accueille. Il s’agit de la première dessinatrice à avoir travaillé avec Leo Frobenius. Ensuite, dans la pénombre, comme dans une grotte, on découvre d’immenses relevés réalisés en Afrique australe, au Tchad, en Afrique du Nord, en Papouasie occidentale, où l’on a trouvé les plus anciennes peintures (44000 ans avant notre ère) et en Europe. Pour cette dernière, les relevés sont répartis selon leur période, paléolithique (de 40 000 à 10 000 avant notre ère) et néolithique (de 10 000 à 2 500 avant notre ère). La qualité des dessins, comme ceux des bisons d’Altamira ou des girafes de Ouan Abou (Algérie), et la complexité de certaines scènes sont époustouflantes. ... (Lire la suite).

 



 

 
 
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