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Lettre n° 554
du 28 septembre 2022
 

Nos sélections de la quinzaine

 
 

 

 


 
      THÉÂTRE

 
 


Photo Fabienne Rappeneau

 

LES FILLES AUX MAINS JAUNES de Michel Bellier. Mise en scène Johanna Boyé. Avec Brigitte Faure, Anna Mihalcea, Pamela Ravassard, Elisabeth Ventura.
2 août 1914, « cohue, frissons, tocsin ». Les rues bruissent de monde en ce jour de déclaration de guerre. Les hommes partent, les femmes restent, dans l’angoisse certes, mais avec une certitude commune : le conflit sera bref. Les usines d’armement « reniflent vite la prospérité » mais encore faut-il des bras pour fabriquer les obus et les bras sont partis. Alors on mobilise les femmes avec un salaire deux fois plus important que celui qu’elles reçoivent comme ouvrières, mais deux fois moins élevé que celui des hommes.
Julie, Rose, Jeanne et Louise se retrouvent bientôt à travailler ensemble à la chaîne, 12 heures par jour, à fabriquer les obus de 75. Elles ont un mode de vie différent, n’embrassent pas l’existence de la même manière, surtout lorsque Louise arrive en renfort. Soutien des suffragistes dans leur lutte pour le droit de vote, journaliste pour un journal féminin, celle-ci s’est engagée incognito à travailler dans l’usine pour observer au plus près les ouvrières. Elle va dénoncer leurs conditions de vie pour en acquérir de meilleures, organiser la grève avec son mouvement féministe et, surtout, exiger un salaire égal à celui des hommes. Ensemble, en apprenant les unes des autres, elles vont évoluer et s’unir dans un même combat. Il y aura des cris, de la révolte et des larmes mais elles obtiendront gain de cause. Restera la poudre qui leur colle aux mains et les teint en jaune, ce TNT qui, malgré le verre de lait qu’on les force à boire, fera son œuvre… ... (Lire la suite).




 


Photo Lisa Lesourd

 

LETTRE D’UNE INCONNUE de Stefan Zweig. Adaptation et mise en scène Bertrand Marcos. Avec Ophelia Kolb.
« Mon enfant est mort hier ». Cette réalité tragique est comme une litanie qui revient avec constance tout au long de la lettre qu’elle a décidé d’écrire à l’homme qu’elle a aimé depuis son adolescence et qui, la croisant parfois à la faveur d’une soirée ou au pied de son immeuble, « ne l’a jamais reconnue ».
Il avait loué un appartement en face de celui où elle vivait avec sa mère veuve. Elle avait treize ans et avant même qu’il en ait franchi le seuil, elle était tombée follement amoureuse de cet écrivain de vingt-cinq ans déjà célèbre, jeune, beau, élégant et tellement séducteur. Le remariage de sa mère et son éloignement de deux années à Innsbruck n’avaient en rien entamé cet amour inconditionnel et, à force d’opiniâtreté, elle était parvenue à revenir à Vienne pour assouvir sa passion. Elle avait été sa maîtresse de quelques nuits dix ans durant, disparaissant de sa vie aussi vite qu’elle était apparue, ne gardant de ces étreintes qu’un inaltérable bonheur et quelques roses blanches, reposant dans un vase, qu’il lui avait permis d’emporter, un bonheur un jour comblé par la promesse d’un enfant. Aujourd’hui l’enfant est mort. Lui aussi l’a quittée, la laissant seule avec pour seul viatique le souvenir de cette passion vécue intensément, mais insuffisant, désormais,  pour continuer de vivre... ... (Lire la suite).




 


Photo Jean-François Delon

 

DARIUS. Texte Jean-Benoît Patricot. Mise en scène André Nerman. Avec Catherine Aymerie et François Cognard.
Il y a Darius, un jeune homme qu'une maladie dégénérative conduit irrévocablement vers une mort très proche. Désormais sourd, aveugle, immobile, mais doué d'un exceptionnel sens olfactif. Il y a sa mère Claire, scientifique lucide sur l'urgence de l'échéance, qui veut lui offrir le cadeau déconcertant de ses ultimes sensations. Il y a Paul, « nez » de parfumeur hors pair, qui s'est recroquevillé dans la solitude depuis la mort de son épouse.
Claire lui demande de faire revivre à Darius, par des parfums caractéristiques des nombreux voyages qu'il a vécus par le passé, toutes les sensations de plaisir et de bonheur dont elle voudrait nimber son agonie. Comme un ultime gage d'amour maternel.
Paul refuse, mais Claire force le barrage de ses réticences. Il cède et se prend au jeu. S'amorce alors pour lui un formidable périple à travers les villes d'Europe, en quête des subtilités suggérées, chatoyantes ou triviales. L'ours sort de sa tanière et renoue avec la vie.
Sur le filigrane des courriers échangés, entre défis, semi-échecs et joyeuses victoires, on perçoit une relation tripartite, tissée des déceptions momentanées ou des explosions de mémoire de Darius, à l'aune d'une intimité croissante entre la mère et le parfumeur en veine progressive de souvenirs, littéraires et autres, et d'aveux délicats. Entre colère et humour, avancées et reculades, Claire et Paul déroulent le fil épistolaire d'une complicité un peu trouble, semée de salutations révélatrices de leurs sentiments. On se vouvoie puis se tutoie, à la courtoisie formelle succèdent les sursauts tendres ou encolérés, la froideur de l'éloignement, la douceur des retrouvailles apaisées, chacun de son côté, définitivement modifié dans le cours de son existence.  ... (Lire la suite).





 
      EXPOSITIONS ET SITES

 
 


Photo Spectacles Sélection

 

GÉRARD GAROUSTE. Le Centre Pompidou consacre une très grande rétrospective à cet artiste né en 1946. À plusieurs reprises, nous avons été confrontés à ses œuvres singulières ou à celles de son épouse, la designer Elisabeth Garouste, qui a collaboré avec lui pour certaines réalisations, comme la transformation du Théâtre Le Palace en haut lieu de la vie parisienne nocturne. En effet, avant de ne se consacrer qu’à la peinture et accessoirement à la sculpture, Garouste a fait des incursions dans le théâtre, comme auteur (Le Classique et l'Indien, 1977), décorateur, voire comédien, en compagnie de son ami de collège Jean-Michel Ribes. C’est dans les années 1970 qu’il invente ces deux personnages que sont Le Classique et l’Indien, l’apollinien et le dionysiaque, que l’on retrouve tout au long de sa carrière.
Le parcours de cette rétrospective se déploie en six grandes sections dans dix-huit salles. Dans la première section, Sophie Dupleix, la commissaire, évoque son travail au théâtre et au Palace, puis ses premières expositions personnelles. S’il ne reste pratiquement rien de la première, en 1969, nous avons plusieurs tableaux de la série Comédie policière (1978) et une multitude de toiles et objets divers de La Règle du jeu (1980). Déjà on note qu’il aime peindre des séries et que son art, tout en étant figuratif, nous invite à chercher par nous-mêmes le sens de ses toiles où les personnages et le décor sont profondément déformés. Garouste lui-même est un être tourmenté, bipolaire. Avec Judith Perrignon il écrit en 2009 un livre très remarqué, « L'Intranquille. Autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou » où il raconte les crises qui l’ont affecté à plusieurs reprises, l’obligeant à se faire hospitaliser à Sainte-Anne ou à Garches.
Vient ensuite une première toile de grandes dimensions (253 × 395 cm), Adhara (1981), début d’une reconnaissance fulgurante après son exposition à New York. Sous le titre « Ineffable » sont rassemblés une dizaine de tableaux dont les plus étonnants sont Le Déjeuner sur l’herbe, la Chambre rouge, Les lutteurs, Les Incendiaires et surtout Sainte Thérèse d'Avila, une commande pour laquelle Garouste s’est évertué à rendre le phénomène de l'extase d'une sainte, à mi-chemin entre douleur et jouissance.
La dernière salle de cette première partie est la plus déconcertante car sous le titre « Natures mortes », nous voyons surtout des corps inertes comme dans Le Pendu, le vase et le miroir (1985), ou encore Le Commandeur et le Vase bleu (1985). ... (Lire la suite).



 

 
 
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