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Lettre n° 486
du 25 septembre 2019
 

Nos sélections de la quinzaine

 
 

 

 


 
      THÉÂTRE

 
 


Photo Victor Tonelli


 

JE NE SUIS PAS MICHEL BOUQUETde Michel Bouquet d’après « Les Joueurs, entretiens avec Charles Berling ». Mise en scène Damien Bricoteaux. Avec Maxime d’Aboville.
« Je ne suis rien », confie Michel Bouquet à Charles Berling au cours des conversations qui deviendront un recueil d’entretiens. Renoncer à lui-même pour « faire place nette » à l’auteur et à son personnage, creuser le texte à l’infini pour en extraire l’essence, est son credo.
Subjugué par ce recueil, Maxime d’Aboville s’empare de la parole de celui qui personnifie depuis des générations, par sa personnalité et son professionnalisme, l’excellence du métier de comédien, que ce soit au théâtre ou au cinéma.
La vie de comédien de Michel Bouquet a été modelée par sa vie d’homme. Une enfance sans vraie présence d’un père, revenu « taiseux » de la Grande guerre et qui, réserviste, dût subir la seconde. Une vie modelée aussi par sept ans d’internat que l’adolescent passa dans une sorte de léthargie, avant de supporter les vicissitudes de l’occupation à Paris. Jusqu’au jour où il vit sur scène Maurice Escande, une révélation pour le jeune homme épris de théâtre et désireux d’en embrasser le métier. Michel Bouquet eut alors l’inspiration des timides, celle de se présenter un dimanche matin au domicile du maître qui, contre toute attente, le reçut et l’emmena suivre un de ses cours. Le destin de l’acteur était scellé. Il ne lui restait plus qu’à rencontrer Albert Camus et son Caligula…
Michel Bouquet a construit sa vie sur l’observation. Chemin faisant, il s’est forgé une philosophie qu’il confie aujourd’hui dans ces entretiens, remarquable leçon sur la condition du comédien et de l’individu dans notre société. L’oubli de soi a été déterminant dans sa « décision » d’effacer sa propre existence pour mettre en lumière le texte de l’auteur et le personnage qu’il incarne. « De toute façon, moi, je n’existe pas » montre à quel point le comédien a pris le pas sur l’homme. ... (Lire la suite).



 


Photo Frédéric Cussey


 

TEMPÊTE EN JUIN d’après Irène Némirovsky. Adaptation et mise en scène Virginie Lemoine et Stéphane Laporte. Avec Franck Desmedt.
3 juin 1940, les Allemands sont tout proches, Paris s’affole. « Hier, pour la première fois, des bombes sont tombées sur Paris ». Ainsi commence le récit de l’exode des citadins vers les diverses campagnes dont ils espèrent un accueil favorable. Dans un chaos indescriptible, l’errance s’organise, ou plutôt se désorganise au gré des biens à transporter dans l’exil, au hasard des moyens de locomotion disponibles et pris d’assaut. Occasion d’un immense choc des cultures sociales, des appétits voraces, d’une panique qui les saisit tous, révélatrice de la véritable nature humaine dès lors que le vernis a volé en éclats.
Il y a le grand-père Péricand et son imprévisible chat, cet aïeul dont on guette les millions, mais qu’on oubliera sans vergogne au détour d’une halte. Le mari argue d’une contrainte professionnelle pour rejoindre sa maîtresse, l’épouse dévote rassemble autour d’elle sa nichée et prend en main l’organisation de la fuite, le fils aîné prêtre convoie les jeunes orphelins, plaisamment nommés « Petits Repentis du XVIe », vauriens que le scrupule moral n’étouffe guère, le cadet rêve de sacrifice héroïque. L’écrivain, Gabriel Corte, pétri de vanité, caresse sa Florence énamourée et ses lévriers d’une main également distraite. On voyage en limousines avec chauffeur, tant que l’essence ne fait pas défaut. On déborde de piété et de charité chrétienne, tant que les ressources ne viennent pas à manquer...
Sur l’autre versant social, il y a les petits et sans grade, tels les Michaud auxquels il ne reste que leurs pieds pour marcher sur les routes bondées. ... (Lire la suite).


 


Photo
Clement Sautet @ Puppet

 

J’AI ENVIE DE TOI de Sébastien Castro. Mise en scène José Paul avec Sébastien Castro, Maud Le Guénédal, Guillaume Clérice, Anne-Sophie Germanaz, Astrid Roos, Alexandre Jérôme.
La propriété d’un placard sis entre deux appartements et une erreur sur la destinataire d’un texto, engendrent des conséquences funestes sur la soirée que Guillaume s’apprête à passer. Plan des lieux à l’appui, Son voisin Youssouf vient d’abattre la cloison de son placard pour se l’approprier. Tout à sa surprise, Guillaume adresse un « j’ai envie de toi » enflammé à Julie, une nouvelle conquête faite sur Internet, dont il n’a pas encore fait la connaissance. Christelle, son ex qu’il fuit comme la peste au point d’avoir déménagé, reçoit bien évidemment le message par erreur. Certain qu’elle va accourir en même temps que Julie, Guillaume demande aide et assistance à Youssouf. « Mamysitter » à ses heures, celui-ci accueille entre-temps chez lui la maman impotente de Sabine, désireuse de passer son anniversaire avec une amie.
La soirée entre les deux voisins, Christelle, Julie et Sabine est mouvementée. Les événements se succèdent bien trop vite pour un Youssouf à l’esprit un peu lent, surtout lorsque débarque Gaël, le nouveau copain de Christelle, un mec très costaud et jaloux comme un tigre. ... (Lire la suite).

 



 


Photo J. Stey


 

L’UN DE NOUS DEUX - MANDEL / BLUM de Jean-Noël Jeanneney. Mise en scène Jean-Claude Idée. Avec Christophe Barbier, Emmanuel Dechartre, Simon Willame.
Détenus dans les prisons françaises par les autorités de Vichy depuis 1940, Léon Blum, ancien président du conseil, et Georges Mandel, ancien ministre de l’intérieur, ont été déportés à Buchenwald en 1943 sur l’injonction de Hitler, faisant office d’otages. Les deux hommes ne sont pas internés dans le camp de concentration mais dans une bâtisse qui, sur scène, surplombe le camp.
Treize mois ont passé. Depuis la fenêtre de la pièce où ils sont détenus, les bâtiments du camp et les allées et venues des jeeps et des soldats s’offrent à leur vue. Dans l’attente du sort qui leur sera réservé, ils cohabitent sous l’œil attentif de Hans, un officier francophone. Bien des choses opposent les deux hommes. Leur personnalité et leur caractère très différents, bien sûr, mais surtout leurs convictions politiques, l’un socialiste convaincu, l’autre républicain. Au fil des conversations, se dessine la cartographie de la politique française sur plus de soixante-dix ans avec, en filigrane, l’admiration que Blum et Mandel vouent respectivement à leurs maîtres à penser, Jean Jaurès et Georges Clemenceau. Si le rappel des différentes actions politiques perçues différemment par le socialiste et le républicain sont sources de différends, une passion similaire pour la liberté, la démocratie et la justice sociale, la nostalgie de la capitale et leur judéité commune les rapprochent avec l’arrière-pensée d’avoir ou de ne pas avoir pris les bonnes décisions. « Un choix n’est jamais abstrait. Il est toujours engoncé dans les circonstances ». En juin 40, tout s’est décidé en quelques jours. Ils auraient pu partir mais ils ont choisi de rester. ... (Lire la suite).

 



 


Photo Ginna Nonne


 

SUITE FRANÇAISE d’après Irène Némirovsky. Adaptation et mise en scène Virginie Lemoine et Stéphane Laporte. Avec Florence Pernel, Béatrice Agenin, Guilaine Londez, Samuel Glaumé, Emmanuelle Bougerol, Cédric Revollon ou Gaétan Borg.
Une salle de séjour à l’atmosphère lardée d’agressivité. Madame Angellier y réfugie sa tenue de grand deuil et compte les objets domestiques dont l’occupation allemande la contraint à laisser la jouissance à l’ennemi. Sa belle-fille Lucile, qu’elle déteste manifestement, subit son acrimonie, tandis que la jeune bonne apporte la tonalité joyeuse de son bon sens. Le prisonnier de guerre, Gaston, le fils de l’une et le mari de l’autre, trône en bonne place par son portrait. L’arrivée du séduisant lieutenant allemand fait exploser les vérités et les non-dits d’une famille sans chaleur, la mère asphyxiante, le fils volage, la bru jeune et frustrée qui résiste avec de moins en moins de conviction aux avances sincères de l’hôte non désiré, cultivé et prévenant. Car Lucile n’a trouvé dans un mariage de convenance et sans amour que déception et stérilité, la cohabitation forcée avec sa belle-mère lui est insupportable, la piété bigote ne comble pas les désirs de sa jeunesse et le patriotisme a fort à faire de résister au charme du bel ennemi. Ces jeux d’amour et de hasard se nouent sur le filigrane d’un village où la vicomtesse, épouse du maire, offre le spectacle truculent et turbulent d’une charité de façade. Quand l’un des envahisseurs pousse trop loin la séduction sur Madeleine, la femme du cousin légitimement jaloux, la situation devient explosive et révèle des héroïsmes de résistance au quotidien. ... (Lire la suite).

 



 


Photo L'Instant du Regard


 

NUIT GRAVEMENT AU SALUT de Henri-Frédéric Blanc. Mise en scène Ludovic Laroche. Avec Stéphanie Bassibey, Ludovic Laroche, Pierre-Michel Dudan.
Une table de restaurant chic, deux convives, un maître d’hôtel. Et les appétits se déchaînent, celui de la bonne chère, celui de la chair en émoi, surtout lorsque les enjeux de rivalités sont discordants. Léa a écrit un second roman dont elle espère tirer les bénéfices propres à sauver la vie en danger de son jeune fils, Victor est l’éditeur potentiel qui ne cache pas son désir de tirer un parti charnel du pouvoir qu’il exerce ainsi. Elle est pulpeuse, il est avide sans ambiguïté. Jusqu’où est-elle prête à aller dans la transgression d’une pruderie que sa robe voile à peine ? Quand passera-t-il, quant à lui, à une approche tangible au-delà d’une grivoiserie de plus en plus explicite, que le choix concerté des mets autorise ? L’indignation de Léa, par le détour de la morale de l’écrivain, est-elle réelle ou feinte, face à la goujaterie croissante et au chantage affirmé de Victor ? De gésiers en escargots, de gorge déployée en sexualité débridée, le confort feutré et de plus en plus artificiel du lieu vole en éclats blancs et rouges comme les vins généreusement versés, jusqu’aux desserts en métaphore inversée des succès escomptés. Arbitre intempestif de ces élégances à fleuret moucheté, le maître d’hôtel intervient pour retarder la charge de Victor, l’interrompant par ses sermons quasi théologiques et ses cantates de baryton profond. ... (Lire la suite).

 




 
      SPECTACLES

 
 


Photo Lot

 

LA VEUVE CHAMPAGNE QUI CLÔT LES MAISONS CLOSES de Dominique Scheer-Hazemann. Mise en scène de l’auteur. Musique Didier Bailly. Avec Yvette Caldas, Milena Marinelli, Stéphanie Mathieu.
Difficile d’échapper au jeu de mots facile, « la Veuve Cliquot », quand on évoque une élégante veuve qui fait le bilan de ses plaisirs sulfureux, de ses séductions, de son goût du luxe et des hommes qui le lui ont procuré, et surtout qui clôt les maisons closes… Dans une maison close justement, plutôt « cosy », deux prostituées guettent sans hâte le client qui se fait rare en ces périodes troublées de l’après-Libération, comme en témoignent les bruits de bottes dans la rue proche. Court-vêtues et rieuses, elles communient avec tendresse dans le regard désabusé et pourtant attendri qu’elles portent sur ces hommes qui les font vivre. Peu question d’amour, mais plutôt de désirs et de caprices masculins, et surtout pour elles de désir de se caser enfin dans un confort presque bourgeois. Marthe Richard a réussi cette mutation, du bordel de sa jeunesse assez équivoque vers la respectabilité dont elle se targue désormais en donneuse de leçons de morale. Les deux faces de sa trouble personnalité sont jouées par deux comédiennes en miroir, tandis que s’érige entre elles la figure sans ambiguïté de Lily en témoin de leurs joutes. En filigrane, la loi qui quelques mois plus tard sonnera le glas de ces lieux de plaisirs. Fermer les maisons closes, certes, mais quel sera le prix à payer pour toutes celles qui se verront ainsi renvoyées à une misère beaucoup plus sordide ? ... (Lire la suite).

 




 
      EXPOSITIONS ET SITES

 
 


Photo Spectacles Sélection

 

BACON EN TOUTES LETTRES. À sa mort, l’inventaire de la bibliothèque de Francis Bacon (1909-1992) recense plus de mille ouvrages. L’artiste affirmait que la littérature constituait un stimulus puissant de son imaginaire. Ses lectures lui inspiraient une atmosphère générale, des images qui surgissaient, comme le font les Furies dans ses tableaux. C’est donc sur ce thème littéraire que Didier Ottinger, commissaire de cette exposition, a conçu celle-ci en présentant une soixantaine d’œuvres allant de 1971, année de l’exposition que lui consacra le Grand Palais, procurant à Bacon une renommée internationale, jusqu’à sa mort.
Bacon perd son compagnon, George Dyer, mort en se suicidant, quelques jours avant le vernissage de l’exposition de 1971. Il en est très affecté et éprouve un sentiment de culpabilité qui prend la forme symbolique et mythologique des Erinyes (Les Furies) appelées à proliférer dans sa peinture. Les trois triptyques dit « noirs » peints en souvenir de son ami défunt (In Memory of George Dyer, 1971 ; Triptych-August 1972 et Triptych, May-June 1973) commémorent cette disparition. Les trois sont présentés dans cette exposition.
L’accent est ainsi mis sur la présentation de douze grands triptyques (3 panneaux de près de 2 mètres sur 1,50 mètre chacun) auxquels s’ajoutent des portraits, des autoportraits et diverses toiles. Dans ces tableaux, la peinture de Bacon est stylistiquement marquée par sa simplification, par son intensification. Il use d’un registre chromatique inédit, de jaune, de rose, d’orange saturé. ... (Lire la suite).

 



 

 
 
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