« LE VOYAGE IMAGINAIRE D’HUGO PRATT »

Article publié exclusivement sur Internet avec la Lettre n° 328
du 13 juin 2011


LE VOYAGE IMAGINAIRE D’HUGO PRATT. Tout d’abord il faut féliciter la Pinacothèque de Paris d’avoir été capable de remplacer en quelques jours l’exposition déjà en place « Les Masques de Jade Maya », qu’elle n’a pas pu présenter pour cause d’annulation de l’Année du Mexique en France, par cette exposition sur l’un des plus grands auteurs de bandes dessinées.
Hugo Pratt est à l’image de son principal héros, Corto Maltese. Il est né en 1927 à Rimini mais a passé son enfance à Venise, ville de marins et d’aventuriers, comme Marco Polo. Comme son personnage, il a des origines multiples, étant né d’un père français d’origine anglaise, d’une mère italienne de Venise, avec des grands-parents juifs ayant quitté la Turquie pour s’installer à Murano. Cela explique son attrait pour ces villes et ports, symboles du mélange des cultures.
C’est donc de ses voyages, en Ethiopie tout d’abord, où s’était installée sa famille en 1937, puis, après la guerre, en Autriche, en Angleterre, en France, en Argentine où il séjourne de 1949 à 1964, au Brésil, en Guyane, dans les Caraïbes, en Finlande, en Norvège, en Ethiopie où il recherche en 1966 la tombe de son père, en Tanzanie, au Kenya, au Maroc, en Finlande, en Norvège, en Irlande, aux Etats-Unis, au Canada, en Amérique centrale, en Angola, à Djibouti, à l’Île de Pâques, en Andalousie et enfin, en 1992, aux Îles Samoa et Cook et en Polynésie, sur les traces de Stevenson et de Conrad, grands aventuriers et explorateurs, qu’il puise l’inspiration pour ses dessins et ses personnages. Sur le plan sentimental sa vie est aussi passionnée que celle de son héros et, à coté de ses quatre enfants légitimes, il donne son nom à de nombreux enfants, qu’il reconnaît, de part le monde !
En 1945 paraît le premier numéro de l’As de pique, revue de comics créée avec deux amis à Venise. Ils sont remarqués par une importante maison d’édition argentine et, en 1949, Hugo Pratt s’installe à Buenos Aires, travaillant pour l’éditeur Abril, pour qui il dessine des séries. Il commence alors à écrire lui-même ses histoires. Passionné de littérature, il adapte Simbad le marin, Le Retour d’Ulysse, l’Île au trésor, son livre de chevet. Il ne cesse de montrer à travers son œuvre qu’il est le plus érudit des dessinateurs de son époque. Il travaille ensuite, dans ses maisons-ateliers de Venise, Milan, Rome et Paris et s’installe définitivement en Suisse, à Grandvaux, à coté de Lausanne en 1984.
Le parcours de l’exposition, riche en documents et en commentaires détaillés, s’organise autour de six thèmes : « Îles et océans », « Indiens », « Militaires », « Femmes », « Désert » et « Villes ». En dehors des bandes dessinées, nous voyons un grand nombre d’aquarelles, face quasiment inconnue de ce grand artiste. Hugo Pratt s’inscrivit en effet en 1960 à la Royal Academy of Watercolor à Londres. Jusqu’à sa mort, en 1995, il peint des aquarelles, publiées avec parcimonie, jusqu’à la sortie du volume Périples imaginaires, dix ans plus tard, qui permet de découvrir le grand aquarelliste qu’il était.
Nous pouvons donc admirer plus de 130 œuvres de toutes sortes et la totalité des 163 planches originales de son chef d’œuvre, Corto Maltese - La Ballade de la mer salée, publié en 1967 où apparaît pour la première fois le personnage qui fit sa gloire. Cet ouvrage est en effet le premier « roman dessiné ». Jamais l’art du dessinateur et celui du narrateur n’avaient été à ce point unis. Une exposition magistrale et passionnante. Pinacothèque de Paris 8e. Jusqu’au 21 août 2011. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.pinacotheque.com.


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