QUAND
VERSAILLES ETAIT MEUBLE D'ARGENT
Article
publié dans la Lettre n° 278
QUAND VERSAILLES ETAIT MEUBLE D’ARGENT.
Avec cette exposition, exceptionnelle à bien des titres, le château
de Versailles a voulu reconstituer la pompe qui existait dans les
grands appartements à l’époque de Louis XIV. Pour la première fois
une exposition se tient dans les huit salons qui composaient les
grands appartements du roi et se termine par la vue majestueuse
de la galerie des glaces dont la rénovation vient de se terminer.
Les organisateurs ont donc privilégié l’évocation à la présentation.
Pour cela ils ont fait appel au célèbre décorateur de demeures privées
qu’est Jacques Garcia, passionné par le XVIIe siècle, et dont tout
le monde connaît le travail qu’il a accompli dans son château normand
de Champ de Bataille. Celui-ci s’est donc appliqué à recréer l’ambiance
qui pouvait régner à Versailles au cours des fêtes et autres réceptions,
à partir de 1682, quand la cour s’y installa. C’est la nuit, les
fenêtres sont fermées et seules des bougies qui scintillent dans
les miroirs éclairent les appartements. Dans cette pénombre le visiteur
peut voir le plus prodigieux rassemblement de meubles d’argent qui
puissent se réaliser aujourd’hui.
En effet, lorsque les caisses de l’état furent pleines, grâce à
Colbert, au lieu de garder dans des coffres les vingt tonnes d’argent
importé des Amériques, Louis XIV décida de les utiliser pour faire
des meubles en argent massif. L’idée lui avait sans doute été donnée
par Anne d’Autriche qui possédait, dans son appartement du Louvre,
des meubles ornés de pièces d’argent. Peu à peu, en une vingtaine
d’années, sous la houlette du premier peintre du roi, Charles le
Brun, qui en dessine les modèles, plus de deux cents pièces sont
réalisées, constituant ce qu’on appelle la Grande argenterie
de Louis XIV. Ces objets sont gigantesques : tables de 350 kg, miroirs
de 425 kg, balustrade pour isoler le lit du roi de plus d’une tonne
… Tous les souverains d’Europe sont admiratifs et veulent avoir
l’équivalent. Heureusement pour nous car, en 1689, Louis XIV qui
a besoin d’argent pour financer la guerre contre l’Europe coalisée
dans la ligue d’Augsbourg, envoie tous les meubles à la Monnaie
pour y être fondus. Le roi qui croyait tirer six millions de livres
de son trésor d’argenterie qui lui en avait coûté dix, n’en obtint
que deux !
Il ne reste donc absolument rien de ce mobilier, si ce n’est son
évocation par quelques dessins et par une tapisserie où l’on voit
le roi visitant les Gobelins et se faisant montrer quelques-uns
de ces fameux meubles. Les organisateurs ont donc fait appel à ceux
qui possèdent encore des meubles similaires, au premier rang desquels
S.M. la reine de Danemark qui a prêté la quasi-totalité du mobilier
d’argent de son château de Rosenborg, co-organisateur de cette exposition.
C’est ainsi que quelque deux cents pièces sont rassemblées provenant
de tous les pays d’Europe qui en possèdent encore : Danemark donc,
mais aussi Grande-Bretagne, Allemagne, Autriche, Russie … Certains,
comme ceux du château de Fochtenstein, près de Vienne, étaient inconnus
jusqu’à l’organisation de cette exposition !
Néanmoins aucun de ces meubles n’est comparable à ceux de Louis
XIV. En effet il s’agit de meubles plaqués d’argent repoussé avec
des décors ciselés, alors que leurs modèles étaient en argent massif.
Cela ne gâte pas notre plaisir. Quelle importance si l’un des trois
lions, présenté ici, qui gardent habituellement le trône de la reine
du Danemark, est creux ou si les tables en applique et les miroirs
sont en bois recouverts d’argent ! Tous ces objets sont magnifiques
et imposants.
Après le grand salon d’Hercule où commence l’exposition avec des
documents et la tapisserie dont nous avons parlé, puis la traversée
des sept salons en enfilade qui formaient les grands appartements,
nous débouchons sur la grande galerie, plus impressionnante que
jamais, au bout de laquelle Jacques Garcia a évoqué le trône de
Louis XIV lorsqu’il reçut les ambassadeurs du puissant roi de Siam.
Pour cela il a réalisé une sorte de décor de théâtre grandeur nature
en s’appuyant sur les documents d’époque. L’effet est saisissant
et ce n’est pas le moindre intérêt de cette exposition, vraiment
splendide, mais que l’on aurait souhaité plus éclairée (il paraît
que ce serait fait après la présentation à la presse, mais nous
ne l’avons pas vérifié) car notre œil a perdu l’habitude de la pénombre
et cela nous a beaucoup gênés. Château de Versailles 78. Jusqu’au
9 mars 2008. Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien
: www.chateauversailles.fr.
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