TURNER
ET SES PEINTRES
Article
publié dans la Lettre n° 311
TURNER ET SES PEINTRES. L’originalité
de cette exposition exceptionnelle dédiée à Joseph Mallord William
Turner (1775-1851) est de présenter la démarche et l’évolution picturales
du peintre dans son apprentissage d’une vie entière auprès des maîtres
anglais, puis européens, desquels il a appris, avant de rivaliser
avec eux et, bien souvent, les surpasser.
Admis à 21 ans, en 1796, à exposer à la Royal Academy, Turner, issu
d’une famille modeste, en suit passionnément l’enseignement qui
préconise, avant tout, l’apprentissage auprès des maîtres reconnus.
Turner observe, croque, copie, prend des notes, tout au long de
sa vie, d’abord en Angleterre, puis en Italie, en France, où le
Louvre est pour lui un Trésor, en Suisse, Allemagne, Danemark, Autriche
et Pays-Bas.
Dès le début du XIXe siècle, les salons et lieux d’expositions se
multiplient et sont, pour Turner, tôt reconnu, l’occasion d’exposer
pour un large public mais aussi de se comparer et de rivaliser avec
les plus grands. L’exposition met ainsi en parallèle des œuvres
magistrales de Turner et celles dont il s’est plus ou moins inspiré.
Parmi les grands exemples de rivalité, citons L’ Inauguration
du pont de Waterloo par John Constable et Helvoetluys, la
ville d’Utrecht, 64, prenant la mer, où Turner, qui avait choisi
d’œuvrer dans une palette dorée et argentée extrêmement lumineuse,
voyant la grande richesse de tons vermillon et garance de Constable,
ajoute, au dernier moment et sur le lieu même de l’exposition, une
simple petite bouée rouge minium, au premier plan, qui suffit à
faire « chanter » cette superbe toile, pour la consternation de
Constable !
Le grand mérite de cette exposition est de nous montrer côte à côte
des toiles de grands maîtres ayant inspiré le « sublime élève »
Turner et celles qu’il a réalisées. Par exemple, L’Hiver ou le
déluge de Poussin et Le Déluge de Turner ; Port de
Mer au soleil couchant de Claude Gellée dit Le Lorrain et Le
Déclin de l’empire carthaginois ; Vierge au lapin du
Titien et La Sainte Famille ; Le Mole, vu du bassin de
San Marco de Canaletto et Le Pont des soupirs, le Palais
des Doges et la Douane, Venise : Canaletto peignant ; Les
Deux Cousines de Watteau et Ce que vous vous voudrez !
Jeune aquarelliste passionné d’architecture, puis peintre, Turner
a appliqué l’huile aux genres les plus divers : paysages, œuvres
grandioses inspirées de l’antique, peintures d’histoire, religieuses
ou mythologiques, variations monumentales aux chaudes couleurs inspirées
du Titien, œuvres plus classiques ou académiques, contrastes de
la lumière et de l’ombre aux cotés de Rembrandt, peintures du « sublime »
où le peintre se détache des compositions harmonieuses pour peindre
la crainte de ce qui le dépasse (Le Déluge).
La fin de sa vie le voit s’épurer à l’extrême et garder essentiellement
les lumières vaporeuses tant aimées chez Claude Lorrain. Ses dernières
œuvres, souvent inachevées, sont des toiles « d’atmosphère », d’évanescence,
inspirées du classicisme claudélien et des maîtres hollandais, tel
Ruysdael. Œuvres si pures et estompées qu’elles en deviennent modernes
et spirituelles au seuil de la mort. Une exposition passionnante
que l’on pourra voir ensuite à Madrid, au Prado, cet été. Grand
Palais 8e. Jusqu’au 24 mai 2010. L.D. Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien
: www.rmn.fr.
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