TOJI
Avant-garde et tradition du Japon
Article
publié dans la Lettre n° 266
TOJI. Avant-garde et tradition du Japon.
Cette exposition de céramique japonaise est un véritable enchantement
auquel on ne s'attend pas. En effet les cent cinquante pièces exposées
ici proviennent toutes de grandes collections européennes (France,
Suisse, Allemagne, Italie, République tchèque), y compris du Musée
de Sèvres qui depuis quinze ans mène une politique d'acquisition
d'œuvres contemporaines. Le choix est varié, les artistes représentés,
une centaine, tous plus originaux les uns que les autres, jouant
avec les matières, les couvertes et les décors. Nous sommes très
loin de la céramique « utilitaire » et répétitive, ayant
pour finalité la cérémonie du thé, que nous avons l'habitude de
voir un peu partout dans les musées. Ici il s'agit d'œuvres individuelles
et uniques, des objets d'art au même titre qu'une sculpture ou une
peinture, réalisées par des artistes dont les meilleurs ont reçu
le titre de «Trésor national vivant».
C'est l'exposition universelle de 1900 qui ébranla les certitudes
des artistes japonais présents à Paris. Les compositions sinueuses
et naturalistes du style Art nouveau, l'utilisation de nouvelles
techniques comme les couleurs pâles sous couvertes (manufacture
Royal Copenhagen) ou les émaux cloisonnés sur porcelaine (manufacture
de Sèvres) montraient aux japonais que la céramique n'était pas
qu'affaire de haute technicité et de répétition de modèles anciens
- qui avaient fait jusque-là leur renommée - mais un art à part
entière. La visite de la manufacture de Sèvres acheva de les convaincre
et à leur retour fut créée l'Ecole supérieure des arts décoratifs
de Kyoto tandis que Numata Ichiga, médaillé d'or, était autorisé,
pour la première fois en tant qu'étranger, à travailler de 1903
à 1905, puis de nouveau en 1921, à la manufacture de Sèvres.
Dans les années 1920, les céramistes du groupe « Argile rouge
» prônèrent la suprématie de l'individualisme tandis que s'imposait
l'idée d'une céramique d'artiste. En 1927 les arts céramiques furent
officiellement reconnus en tant qu'expression artistique. Les artistes
puisèrent leur inspiration aussi bien dans les objets anciens mis
à jour au cours de fouilles contemporaines que dans l'art populaire
japonais ou coréen. Plus tard, après la seconde guerre mondiale,
d'autres mouvements apparurent, influencés par des artistes comme
Klee ou Picasso. En référence au mot français « objet »
ils désignèrent leurs pièces du nom d'obuje-yaki (« objet
cuit ») ! La conjugaison des techniques traditionnelles et
de l'abstraction s'imposa peu à peu et dans l'atmosphère libérale
et contestataire des années post-1968, la céramique d'avant-garde
prit un essor considérable.
Des œuvres représentatives de tous ces mouvements et de tous ces
artistes sont présentées dans un décor qui évoque un jardin Zen
dit « sec » avec des bambous et des cordes qui égaient
la grande salle vieillotte où elles sont exposées. Une très belle
exposition, aux portes de Paris, permettant de voir ou de revoir
le passionnant musée où elle se tient. Musée national de Céramique,
92 Sèvres. Pour
voir notre sélection de diapositives, cliquez ici.
Lien : www.musee-ceramique-sevres.fr.
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