Parcours en images de l'exposition

SCÈNES DE YANNIS KOKKOS

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°531 du 29 septembre 2021



 

Vue du Centre national du Costume de Scène
Introduction

Depuis de longues années Yannis Kokkos est un artiste majeur du spectacle vivant contemporain. Scénographie, costumes, interprétation des œuvres, direction des interprètes se coordonnent dans son geste artistique qu'anime une conception humaniste de la scène.

L'espace est habité par la présence humaine, le passé éclaire le présent et le présent revisite le passé. La beauté relève d'une nécessité spirituelle, sans recherche de l'effet.
Il est un artiste du collectif et rappelle volontiers que les arts de la scène se conjuguent à plusieurs.

Après une première carrière de scénographe et créateur de costumes (année 1960 à 1980) auprès de grands noms et de personnalités diverses de la mise en scène en France, il s'engage dans un parcours de metteur en scène d’opéra et de théâtre, en Europe et en Asie (Chine, Japon), alternant répertoire et création contemporaine, œuvrant aux côtés de chefs d'orchestre et de chanteurs de renommée mondiale.
Sa création prend forme dans le dessin. Yannis Kokkos est avec son crayon et ses pinceaux ce que l'écrivain est avec sa plume, un narrateur et un poète. Matrice du spectacle à venir, emblématique de son art, le dessin est particulièrement présent dans l'exposition.

Des premières esquisses aux costumes de scène, puis aux photographies et extraits audiovisuels, le public de l'exposition est invité à cheminer dans un univers évoquant la scène selon Yannis Kokkos. Harmonie de couleurs soutenues par les lumières, mouvement, fluidité, mélange des temporalités : les costumes de scène de Yannis Kokkos sont de la même nature, poétique et sensible, que l'espace pour lequel ils sont conçus.


 

 

Texte du panneau didactique.
 
L'escalier d'accès à l'exposition.


1 - Ateliers

Scénographie. Photo Jean-Marc Teissonnier.

Dans l'intimité de l’atelier, un cadre, un volume, un cosmos surgissent de quelques traits de plume ou de pinceau.

De fines silhouettes, immobiles ou en mouvement, donnent la mesure de l’espace et animent un drame, déjà. Un arbre, une pierre installent la nature, une porte ou un escalier, l’architecture. Une statue, un jeu de couleurs ou de reflets y inscriront l'art. Arbre, pierre, porte et sculpture sont des signes clés du vocabulaire scénographique de Yannis Kokkos. Le théâtre, mais aussi l’architecture, la peinture, de la Renaissance à l’époque contemporaine, le cinéma et la littérature nourrissent son univers visuel depuis l’enfance.

Des chevaux de bois peint sur un fond de tours crénelées ; des marionnettes siciliennes, les pupi, doublent les personnages d’une histoire se déroulant à Syracuse au temps des invasions sarrasines : en 2007, à l’initiative du Teatro Real de Madrid, Yannis Kokkos met en scène le premier opéra de Rossini, Tancredi, dans ses deux versions originales, avec deux distributions différentes.

Lors de la création à la Fenice de Venise, en février 1813, le dénouement de Tancredi était heureux. Un mois plus tard, à Ferrare une version révisée - dont la musique, perdue, a ressurgi dans les années 1970 - réintégrait l’issue funeste de la tragédie de Voltaire dont l’opéra est inspiré. Le héros Tancrède y était victorieux mais, gravement blessé au combat, mourait dans les bras de sa bien-aimée.

 
Boris Godounov. Cahier de croquis, 1989. © Archives Yannis Kokkos / IMEC.

Texte du panneau didactique.
 
Étude pour Le Conte d’hiver de Shakespeare. École du Centre dramatique de l’Est (T.N.S), Strasbourg, 1963. Crayon graphite et aquarelle sur papier.
Scénographie. Photo Jean-Marc Teissonnier.
 
Tancredi. Maquette de costume pour Tancredi. Crayon graphite, aquarelle et peinture argentée sur papier. © Archives Yannis Kokkos / IMEC.
 
Tancredi. Maquette de costume pour Orbazzano. Photocopie papier de la maquette originale avec échantillons de tissus  épinglés et collés. © Archives Yannis Kokkos / IMEC.
Scénographie. Photo Jean-Marc Teissonnier.


2 - Nuits

Scénographie. Photo Jean-Marc Teissonnier.

Nuit sur la scène et dans la salle : la nuit est l'espace-temps où l'illusion du théâtre rencontre celle des songes, où l'imagination des artistes féconde celle des spectateurs.

À travers les espaces du Théâtre national de Chaillot, Antoine Vitez et Yannis Kokkos font théâtre de tout, de 1981 à 1988. Dans Hernani, la Nuit elle-même est inventée, vêtue à la manière espagnole renaissante, interprétée par un jeune acteur, Joël Denicourt.

L’Oresteia, suite pour chœur d’enfants et chœur mixte de Iannis Xenakis, est la première œuvre musicale et vocale qu’il met en scène en 1987, en plein air, dans le paysage de ciment créé par l’artiste Alberto Burri sur les ruines de la ville de Gibellina, détruite par un séisme. Deux ans plus tard, à Bologne, Boris Godounov ouvre une carrière de metteur en scène d’opéra d’une ampleur exceptionnelle à la fois par le nombre de productions réalisées (plus de cinquante à ce jour) et par les démarches mobilisées, puisque Yannis Kokkos conçoit également leurs décors et leurs costumes.

À l'opéra règne souvent un exotisme paré de fantaisie et d’onirisme. Il y révèle son sens aigu de la féerie, loin des stéréotypes ou des images d’Épinal. Le conte cruel de Turandot de Giacomo Puccini (1926), donné à l’Opéra national de Lorraine en 2013, se déploie dans une Chine médiévale imaginaire, teintée d’humour autant que des couleurs du pouvoir et de la violence. La princesse Turandot, héritière du trône de Chine, impose à ses prétendants une épreuve mortelle s’ils n’élucident pas l’énigme qu’elle leur soumet, entourée de ministres, mandarins, prêtres, gardes et d’un bourreau particulièrement terrible.

 
Texte du panneau didactique.
 
Turandot. Costume pour le bourreau (rôle muet). Robe longue en crêpe blanc, ceinture jupe voile avec faux seins intégrés, collerette noire, longs gants blancs. Masque avec tête maquillée, tête décapitée.
 
Boris Godounov. Maquette de scénographie. Crayon graphite et aquarelle sur papier. © Archives Yannis Kokkos / IMEC.
 
Hernani. Maquette de costume pour Hernani. Crayon graphite et aquarelle sur papier. © Archives Yannis Kokkos / IMEC.
 
Turandot. Maquette de costume pour la princesse Turandot. Photocopie papier de la maquette originale avec échantillons de tissus agrafés. © Archives Yannis Kokkos / IMEC.
 
Turandot. Opéra de Giacomo Puccini. Mise en scène, décors et costumes de Yannis Kokkos. Opéra national de Lorraine, Nancy, 2013. Costume pour la princesse Turandot interprétée par Katrin Kapplusch, acte II. Robe longue en crêpe blanc recouvert d’une gaze blanche avec traces de sang, kimono long en satin jaune or garni d’applications de motifs noirs et rehaussé de paillettes ou brillants, grand col rabattu.


3 - Songes

Scénographie. Photo Jean-Marc Teissonnier.

Dans des forêts stylisées, des arbres bleus se découpent sur fond de ciel vert. Portant corsets et casques de cuir, les amazones chasseresses de Sylvia, ballet de John Neumeier créé pour les danseurs de l’Opéra de Paris en 1997, traversent le plateau de leurs silhouettes contemporaines autant que mythologiques. Au second acte, l’Amour se change en Orion, maître de cérémonie d’un bal au cours duquel Sylvia, en splendide robe pourpre, est initiée aux plaisirs du monde.

Sylvia est la troisième de cinq collaborations, pour les décors et les costumes, avec le chorégraphe américain, directeur du Ballet de Hambourg.

L'inspiration pastorale et sa nature fantasmée conviennent à l’univers de Yannis Kokkos, qui met en scène Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare en 2002 au Théâtre des Amandiers de Nanterre. Le bois d’Athènes rêvé par Shakespeare est le royaume d’un étrange couple de fées, Titania et Obéron, êtres naturels aux couleurs essentielles de l’artiste, le noir et le blanc. L’absence de forêt crée la forêt, l'ombre d’arbres de carton figure les arbres au sol et sur les murs.

La création lumière joue un rôle capital pour l’espace scénique de Yannis Kokkos. Son compagnonnage avec le créateur lumière Patrice Trottier dure depuis trente ans. La lumière rend sensible le passage du temps, métamorphose une atmosphère en quelques secondes, favorise la coexistence du rêve et de la réalité.


 
Texte du panneau didactique.
 
Le Songe d’une nuit d’été. Projet d’affiche de spectacle. Aquarelle sur papier. © Archives Yannis Kokkos / IMEC.


4 - Forêts

Scénographie. Photo Jean-Marc Teissonnier.

« L’enfance retrouvée à volonté ». L’imagination selon Baudelaire s’accorde à l’univers artistique de Yannis Kokkos. Oiseaux, chevaux, chiens et chats, sorcières et fantômes viennent des œuvres qu’il met en scène ou de son invention et rencontrent son sens du mystère, attirant ou inquiétant, des êtres vivants. La scène donne la même réalité à ce que l’on voit et à ce que l’on croit apercevoir dans la nuit.

L’opéra Les Oiseaux du compositeur allemand Walter Braunfels, créé en 1920 d’après la fable d’Aristophane, signalait le danger du populisme et de la crédulité des foules. En 1933, les œuvres de Braunfels furent interdites par le régime d’Hitler. La production du Grand Théâtre de Genève, en 2004, fait office de création suisse.

Ce théâtre reprend également la même année Hansel et Gretel, opéra d’Humperdinck (1893) mis en scène par l’artiste en 1997 au Théâtre du Chatelet. La maison de la famille pauvre disparaît sous le plateau pour faire place à une forêt aux formes et aux couleurs inspirées de la manière de Miro. Le plateau se peuple d’enfants, choristes et figurants, aux mouvements chorégraphiés par Richild Springer, costumés avec fantaisie et humour.

Onirisme et poésie visuelle accompagnent le conte musical inspiré des frères Grimm sans toutefois écarter le contexte social de l’œuvre, évoqué par des projections vidéo. À l’époque d’Humperdinck, qui est aussi celle de Zola, des enfants en blouses grises travaillaient dans les usines. La première collaboration entre Yannis Kokkos et le créateur vidéo Eric Duranteau sera riche d’avenir.

 
Texte du panneau didactique.
 
Costume de flamant rose interprété par Bisser Terziyski dans Die Vögel (Les Oiseaux),  opéra de Walter Braunfels. Mise en scène, décors et costumes de Yannis Kokkos.  Grand Théâtre de Genève, 2004. Prêt du Grand Théâtre de Genève. © CNCS / Florent Giffard.
 
Maquette de costume pour sept personnages de la forêt pour Hänsel und Gretel (Hansel et Gretel). Crayon graphite et aquarelle sur papier. © Archives Yannis Kokkos / IMEC.
 
Hansel et Gretel. Maquette de scénographie. Crayon graphite, aquarelle sur papier et collage sur papier. © Archives Yannis Kokkos / IMEC.


5 - Pouvoirs

Scénographie. Photo Jean-Marc Teissonnier.

Le théâtre comme l’opéra se plaisent à représenter le cérémonial et les illusions du pouvoir. Pour ces personnages de souverains politiques ou religieux qui portent sur eux les signes et insignes de leur grandeur temporelle ou spirituelle, Yannis Kokkos consent à un faste contrastant avec la sobriété de son esthétique costumière.

Boris Godounov, qu’il met en scène à trois reprises, fait figure d’œuvre-laboratoire. Il y évoque la Russie des tsars, à la magnificence byzantine, dans un espace signifiant des lieux historiques sans être réaliste, et à travers des costumes littéralement somptueux. Au contraire, dans Tristan et Isolde, le velours pourpre du col et des traces d’or sur le manteau du Roi Marc évoquent la royauté d’une manière allusive.

Pour Meurtre dans la cathédrale (1935), opéra de Pizzetti d’après la pièce de T-.S. Eliot, une grande croix creusée en diagonale sur le plateau, ainsi que des fragments de vitrail multicolore aux murs annoncent le lieu de l’assassinat de Thomas Becket, archevêque de Canterbury.

Le pape de La Vie de Galilée de Brecht, dans la dernière mise en scène d’Antoine Vitez (1990), revêt sur scène l’habit pontifical qui donnera force de loi à la condamnation de la théorie héliocentriste que prononce |’Église.

Les trois Nornes, filles d’Erda dans Le Crépuscule des dieux, avatar germanique des Moires grecques et des Parques latines, rappellent que le destin des puissants ne tient qu’à un fil, prompt à se briser.


 
Texte du panneau didactique.
 
Tristan et Isolde. Maquette de scénographie. Encre noire et aquarelle sur papier. © Archives Yannis Kokkos / IMEC.


6 - Noir

Scénographie. Photo Jean-Marc Teissonnier.


La nuit est propice au crime et à la fête macabre, dans les romans historiques du XIXe siècle qui ont peuplé l’enfance de Yannis Kokkos, tout comme dans le théâtre baroque et romantique.

Shakespeare est présent dès les premiers travaux d’école de l’artiste et tout au long de son parcours artistique : Mesure pour mesure, Le Roi Lear, Le Marchand de Venise, Timon d’Athènes, Hamlet, Macbeth et Otello de Verdi aux côtés d’Antoine Vitez, Le Songe d’une nuit d’été. Lady Macbeth, dans l’opéra de Verdi inspiré de la tragédie de Macbeth de Shakespeare, prépare les crimes nocturnes qui ouvriront à son époux le trône royal d’Écosse.

Au Théâtre national de Chaillot, Antoine Vitez remet à l’honneur Hernani et Lucrèce Borgia à occasion du centenaire de la mort de Victor Hugo, en 1985. Visites secrètes et rencontres funestes ponctuent la nuit, y semant le poison et la mort. Pour ces drames à sujets historiques, l’artiste dessine des costumes qui évoquent la Renaissance sans visée de reconstitution, en privilégiant l’adaptation aux corps contemporains.

Ces costumes sont réalisés par l’atelier de Mine Barra Vergez, comme la plupart de ceux des « années Chaillot ». Parmi eux, les costumes de Madame de Sade de Mishima, mise en scène par Sophie Loucachevsky, valent à Yannis Kokkos un Molière en 1987.

 
Texte du panneau didactique.
 
Costume de Doña Sol interprétée par Jany Gastaldi dans Hernani de Victor Hugo.  Mise en scène d’Antoine Vitez. Scénographie et costumes de Yannis Kokkos. Théâtre national de Chaillot et tournée, 1985. © CNCS / Florent Giffard.
 
Lucrèce Borgia. Maquette de costume pour Jeppo. Crayon graphite, aquarelle et peinture dorée sur papier. © Archives Yannis Kokkos / IMEC.
 
Macbeth. Maquette de costumes et masques pour les compagnons des sorcières. Crayon graphite et aquarelle sur papier. © Archives Yannis Kokkos / IMEC.

7 - Première salle de vidéo

8 - Deuxième salle de vidéo



 

9 - Tréteaux

Scénographie. Photo Jean-Marc Teissonnier.

De Shakespeare à Pirandello, le théâtre dans le théâtre révèle les aspects burlesques ou tragiques de la vie humaine. Yannis Kokkos a souvent exploré les jeux de miroir entre le théâtre et la vie, avec un goût affirmé pour les scènes populaires et foraines.

En 1987, les habitants de Gibellina forment le chœur de L’Oresteia de Xenakis, vêtus de leurs habits traditionnels. Il retrouve cette inspiration sicilienne dans la mise en scène de Cavalleria rusticana (1889, « Chevalerie campagnarde ») de Pietro Mascagni, et Pagliacci (1892, “Paillasse”) de Ruggero Leoncavallo, deux opéras réunis dans une même production au Théâtre du Capitole, à Toulouse, en 2014.

Entre ces deux classiques du vérisme italien, il crée une continuité forte par le lieu, en situant les deux œuvres au même endroit à deux moments distincts de l'histoire du XXe siècle. D’une guerre mondiale à l’autre, le temps passe, l'électricité arrive au village, mais les hommes et les histoires se ressemblent. Il accentue la tonalité tragique de Cavalleria par le dépouillement des costumes en noir et blanc. La couleur vient avec Pagliacci, associée à la joie mais aussi à la cruauté. Canio, comédien et chef de troupe, tue « vraiment » sa femme Nedda et l’amant de cette dernière, à la fin du spectacle qu’ils jouaient, sous les applaudissements des villageois qui tardent à comprendre que la réalité a rejoint la fiction.

Les personnages principaux de cette comédie à la fin tragique, Canio-Paillasse et Nedda - Colombine, sont présentés dans leurs costumes de baladins et dans ceux de leur rôle, inspirés de la commedia dell’arte, du cirque, mais aussi du cinéma italien de l’après-Seconde Guerre mondiale.

 
Texte du panneau didactique.
 
Maquette de scénographie pour Pagliacci (Paillasse). Théâtre du Capitole, Toulouse, 2014. © Archives Yannis Kokkos / IMEC.
 
Maquette pour Canio et Canio en Paillasse.
 
- Costume pour Canio en Paillasse, interprété par Badri Maisuradze. Tunique à collerette et pantalon en satin écru, pompons en velours noir, nœud papillon en satin noir. Chapeau noir en feutre. (Masque CNCS).
- Costume pour Canio, interprété par Badri Maisuradze. Veste en cuir marron, gilet à motifs verts et fils dorés, boutons rouges, pantalon en coton écossais rouge et vert. Chapeau en cuir noir.
Prêt du Théâtre du Capitole.


10 - Ors

Scénographie. Photo Jean-Marc Teissonnier.


Yannis Kokkos a investi plusieurs fois la Comédie-Française, symbole du grand théâtre et de l’architecture à l’italienne, dont il apprécie les contraintes autant que les vertus illusionnistes.

Cadrer le regard du spectateur, contenir le drame dans la perspective d'une boîte sont des gestes scénographiques dont il est coutumier.

Partage de midi, drame claudélien d’amour et de foi, entre au répertoire de la maison de Molière avec la mise en scène d’Antoine Vitez, créée au Théâtre Marigny en 1975, et reprise dans la salle Richelieu en 1980. Ludmila Mikaël et Michel Aumont y interprètent Ysé et son amant Amalric, sur le pont d’un paquebot qui les conduit en Chine. Les costumes tout autant que l’espace scénique tendu de toiles écrues participent de la clarté aveuglante de ce midi de la passion et de la douleur.

La Locandiera de Goldoni, mise en scène par Jacques Lassalle en 1981, offre à l'artiste l'occasion de rêver le XVIIIe siècle à travers des costumes qui le signifient subtilement.

La Vie de Galilée mélange volontairement les pourpoints du XVIIe siècle et les pardessus gris des années 1950, ceux de la RDA et de sa police omniprésente. L’époque de Galilée et celle de Brecht se côtoient dans les costumes et dans la scénographie, la seconde époque prenant peu à peu le dessus sur la première. À une façade de palais renaissant côté jardin répond, côté cour, celle d’un bâtiment rectiligne caractéristique de l’architecture de l'Europe de l’Est communiste.

Yannis Kokkos mettra lui-même en scène pour la Comédie-Française deux tragédies de Racine : Iphigénie en 1991, La Thébaïde en 1995.

 
Texte du panneau didactique.
 
Partage de Midi.
- Costume pour Ysé, interprété par Ludmila Mikaël. Robe longue en crêpe de satin rose poudré ornée aux manches de guipure blanche, ceinture à la taille.
- Costume pour Amalric, interprété par Michel Aumont. Veste, gilet et pantalon en gabardine ivoire. (Chemise et cravate CNCS).
Prêt de la Comédie Française.

 
La Locandiera. Maquette de costume pour le chevalier de Ripafratta. Aquarelle sur carton. © Collections de la Comédie Française.
 
La Vie de Galilée. Maquette de scénographie, l’arsenal de Venise. Lavis et encre sur papier. © Collections de la Comédie Française.


11 - Tragédies

Scénographie. Photo Jean-Marc Teissonnier.

Les histoires les plus tragiques, selon Aristote, sont celles où la violence surgit entre des personnages unis par des liens de parenté ou d’alliance. Deux grandes familles se déchirent depuis plus de deux millénaires, des tragédies grecques à leurs réécritures théâtrales et lyriques. Mycènes est le royaume des descendants d’Atrée, Ménélas et Agamemnon. Ce dernier est assassiné à son retour de Troie par son épouse Clytemnestre qui succombe à son tour avec son amant aux coups de ses propres enfants, Oreste et Électre.

À Thèbes vivent les descendants du roi Laïos, tué involontairement par son fils Œdipe, dont la progéniture, conçue avec sa propre mère et épouse Jocaste, est maudite.

Yannis Kokkos a rencontré maintes fois ces figures mythiques que chaque époque réinvente sous de nouvelles formes, au théâtre (L’Oreste d’Eschyle, Électre et Œdipe à Colone de Sophocle, Iphigénie de Racine) comme à l’opéra (Elektra de Strauss, Iphigénie en Aulide et Iphigénie en Tauride de Gluck). La Thébaïde de Racine montre le dernier jour de la vie de Jocaste, dont les fils Étéocle et Polynice s’entretuent.

Magicienne et infanticide, Médée connaît depuis Euripide une postérité tout aussi riche. C’est dans l’opéra éponyme de Cherubini que l’artiste la met en scène, incarnée par l’impressionnante Anna Caterina Antonacci, qui avait interprété la Cassandre des Troyens au Châtelet et à Genève. De coupe contemporaine ou intemporelle, les costumes n’isolent pas les héros tragiques dans une Antiquité lointaine, mais rapprochent leurs destins effroyables de notre présent.


 
Texte du panneau didactique.
 
Costume de la Toison d’or porté par Emmanuelle Pouzet, figurante dans Medea, opéra de Luigi Cherubini. Mise en scène, décors et costumes de Yannis Kokkos. Théâtre du Capitole, Toulouse, 2005. © CNCS / Pascal François.
 
Iphigénie. Maquette de costume pour Clytemnestre, Iphigénie, Ægine. Gouache sur papier. © Collections de la Comédie Française.
 
- Iphigénie. Costume pour Clytemnestre, interprétée par Martine Chevallier. Robe à taille haute galonnée en toile de soie rouge, corsage plissé, manteau sans manches en crêpe grenat chiné plissé, orné de galons dorés. Collection CNCS / Comédie Française.
- Iphigénie en Aulide. Costume pour Clytemnestre, interprété par Daniela Barcellona. Robe en taffetas bleu brodé de perles et strass sur l’encolure, manteau drapé en taffetas changeant bleu. Diadème en laiton doré, orné de pierreries et de perles.
Prêt du Teatro alla Scala.


12 - Blanc

Scénographie. Photo Jean-Marc Teissonnier.

La blancheur, le vide, l’épure composent l’univers de la tragédie selon Yannis Kokkos. Associé aux rites funéraires depuis l’Antiquité gréco-latine, le blanc révèle la géométrie souple des corps dans l’espace, y inscrivant, tels des signes sur une page, des actes sombres ou terribles. Le sacrifice de l’enfant est l’un d’entre eux.

Au désespoir de son épouse Clytemnestre, Agamemnon consent à immoler aux dieux leur fille Iphigénie pour que les vents deviennent favorables au départ des navires grecs vers Troie. La jeune fille accepte courageusement cette sentence. Mais Racine (Iphigénie, 1675) lui substitue in extremis sur l’autel du sacrifice une victime volontaire, Eriphile, qui aime en vain Achille, le fiancé d'Iphigénie.

Un siècle plus tard, l’opéra de Gluck Iphigénie en Aulide (1774) s’adapte à la sensibilité d'une autre époque : la déesse Diane décide de renoncer au sacrifice d'Iphigénie et d'unir les amants, rappelant Euripide qui remplaçait la jeune fille par une biche en offrande aux dieux. L’opéra introduit l’ami légendaire d’Achille, Patrocle, auquel ni Euripide ni Racine n’avait donné de rôle.

Entre Yannis Kokkos et le Teatro alla Scala de Milan, une relation durable se noue à partir de 1986, où il réalise pour Antoine Vitez les décors et les costumes de Pelléas et Mélisande de Debussy. Il y a mis en scène lui-même, outre Iphigénie en Aulide en 2002, deux opéras de Wagner, Le Crépuscule des dieux en 1998 et Le Vaisseau fantôme en 2004, Meurtre dans la cathédrale en 2009, et travaille aux côtés du chef d’orchestre Riccardo Chailly sur Lucia di Lammermoor pour l’ouverture (reportée) de la saison 2020.


 
Texte du panneau didactique.
 
Costume d’Iphigénie interprétée par Valérie Dréville dans Iphigénie de Jean Racine. Mise en scène, scénographie et costumes de Yannis Kokkos. Comédie-Française, 1991. © CNCS / Florent Giffard.
 
Iphigénie. Maquette de costume pour Agamemnon, Ulysse et Achille. Gouache et crayon sur papier. © Collections de la Comédie Française.
 
Iphigénie. Iphigénie. Maquette de scénographie. Aquarelle sur papier. © Collections de la Comédie Française.


13 - Odyssées

Scénographie

Le voyage marin, cher à la poésie épique depuis Homère et Virgile, n’a aucune évidence sur la scène : la mer semble aussi vaste et mobile que le plateau est délimité et fixe. Pourtant, le théâtre comme l’opéra, bien avant invention de l'image animée, recherchent l’élément marin et sa puissance symbolique, confiants dans le miracle de la métonymie et dans l’imagination du public. Quelques voiles peuvent désigner une flotte, un simple tréteau figurera l’immensité marine.

La mer tempétueuse et fantastique (Le Vaisseau fantôme), poétique (Le Soulier de satin), peuplée de monstres (Odyssée, ballet de John Neumeier), lieu d’un périple désiré ou redouté pour les Achéens, Ulysse, Énée ou Hamlet, a souvent sollicité Yannis Kokkos. Il lui a donné des formes très variables, en explorant les ressources offertes par la lumière et la vidéo : plateau nu cerné d’obscurité, galions miniatures et grandes figures de proue en manière de rideau de scène pour Le Soulier de satin, miroirs et projections (Le Vaisseau fantôme), ligne de lumière fluorescente et mouvante à l'horizon (Outis, opéra contemporain de Luciano Berio).

Edward Gordon Craig, metteur en scène et décorateur de théâtre anglais, qui voulut au début du XXe siècle représenter l’espace mental d’Hamlet plutôt que les remparts et autres rivages d’Elseneur, inspire avec bonheur l’abstraction sensible selon Yannis Kokkos.

Au costume de scène et à son interprété, par trois fois, il confie le rôle de personnifier la nature poétique de la mer et son mouvement. Dans Iphigénie en Aulide, Odyssey, Outis, la mer devient une figure féminine dont l’immense traîne bleue évoque le voyage de l’existence humaine, ou celui auquel rêvera le spectateur ou la spectatrice.


 
Texte du panneau didactique.
 
Costume de Doña Honoria interprétée par Madeleine Marion dans Le Soulier de satin de Paul Claudel. Mise en scène d’Antoine Vitez. Scénographie et costumes de Yannis Kokkos. Festival d'Avignon, 1987. © CNCS / Florent Giffard.
- Esquisse pour l’affiche du 41e festival d’Avignon (1987). Encre sur papier.
- 3 maquettes de scénographie pour Le Soulier de satin.
- Storyboard de la première journée et de la troisième journée du Soulier de satin. Crayon graphite et aquarelle sur papier.
© Archives Yannis Kokkos / IMEC.
Scénographie. Photo Jean-Marc Teissonnier.
Scénographie. Photo Jean-Marc Teissonnier.
 
Iphigénie en Aulide. Costume pour la Mer, interprétée par Britta Oling. Robe à très longue traîne en velours « effet froissé » en dégradé de bleu et lurex noir. Diadème ornée de perles bleues. Prêt du Ballet de Hambourg.
 
Le Crépuscule des Dieux. Costumes pour les filles du Rhin, interprétées par Viktoria Louklanetz et Jane Turner. Robes longues à traîne en jersey extensible ornée de motifs marron-noir effet «python ». Prêt du Teatro alla Scala.