LA SAISIE DU MODELE
RODIN 300 DESSINS 1890-1917

Article publié dans la Lettre n° 336
du 6 février 2012

LA SAISIE DU MODELE, RODIN 300 DESSINS 1890-1917. On dénombre plus de 7000 dessins de Rodin. Pour la période considérée, 4300 sont conservés au Musée Rodin dont 300 sont exposés en ce moment. Si Rodin a toujours dessiné, ses dessins postérieurs à 1890 peuvent être considérés comme la dernière manifestation de son génie. Il dessine tous les jours d’après le modèle vivant, utilisant une multitude de techniques qu’il invente et expérimente dans une totale liberté, ouvrant ainsi un espace immense aux artistes du XXe siècle.
Rodin attachait beaucoup d’importance au dessin et en fit plusieurs expositions exclusives à partir de 1903. C’est grâce à celles-ci et à des dessins de sujets comme les Danseuses Cambodgiennes, quelques portraits, les écrits d’un de ses modèles, Alda Moreno, etc. que l’on a pu en dater certains. Pour la grande majorité c’est impossible. C’est pourquoi les commissaires ont pris le parti de présenter ces 300 dessins en les répartissant en quinze sections, très bien identifiées, inégales en nombre.
La première, « Les dessins d’après nature », illustre le besoin de Rodin de dessiner d’après des modèles vivants, comme il le faisait pour ses sculptures. Il introduit la couleur, vive et arbitraire, faite de roses, de jaunes et d’orangés. Avec « Le dessin instantané », Rodin tourne rapidement autour de son modèle sans regarder sa feuille. Le résultat est étonnant. Parfois il retravaille ses « dessins instantanés » en atelier comme le montre la section « Synthétiser ». Il peut aussi « Découper et assembler » ses dessins, technique qui sera très en vogue au XXe siècle. Le résultat peut être très audacieux comme cette Femme nue renversée sur le dos, de face et les jambes écartées (après 1896). Grâce au calque, Rodin peut aussi « Combiner » plusieurs dessins et fabriquer des œuvres nouvelles par l’association de pièces antérieures.
La sixième section, « Les dessins autour de 1900 », nous montre des œuvres exposées, en particulier dans son Pavillon de l’Alma en 1900, qu’il qualifiait « d’instantanés variant entre le grec et le japonais » ! Vient ensuite « Thèmes et variations » où l’on voit des séries sur un même motif : « femme-vase », « femmes en pyjama », « femmes à la tunique bleue », etc. Avec ses « Figures dans l’espace », Rodin doit indiquer où est le bas pour l’accrochage du dessin tandis que dans « Mythes et métamorphoses », il donne des titres à ses dessins a posteriori, selon ce qu’ils lui inspirent une fois terminés. C’est ainsi qu’une femme nue vue de dos, accrochée à l’envers, est intitulée Icare ! Les nombreux dessins titrés « Psyché » sont des personnages féminins flottant dans l’espace et chargés d’érotisme. Rodin comptait les publier avec un texte de Rainer Maria Rilke, qui fut un temps, en 1905, son secrétaire particulier. Le projet n’aboutit pas. Plus érotiques encore, voici « Les dessins de l’indécence » où Rodin laisse au modèle toute sa liberté, saisissant la tension des corps et des attitudes, aux antipodes de l’académisme.
Rodin est fasciné par « Les danseuses cambodgiennes » qui vinrent à Paris en 1906 avec le roi du Cambodge. Pour une fois ces femmes sont habillées mais sont toujours d’une grande sensualité. Il en est de même dans la section suivante consacrée aux « Portraits » dont on a peu d’exemples dans l’œuvre de Rodin. On y retrouve l’actrice et danseuse japonaise Hanako qui lui servit aussi de modèle pour des sculptures.
Les deux dernières sections sont consacrées à des techniques utilisées par Rodin. La première, « Estomper », nous montre des dessins où cette technique crée des modelés d’une grande douceur ou d’une grande fluidité, comme ceux qu’il fit avec la danseuse et acrobate Alda Moreno. Dans la dernière, « Formes et couleurs », nous voyons comment Rodin reprend d’anciens dessins et les rehausse de gouache et d’aquarelle afin de mettre la figure en valeur. C’est vraiment une très belle exposition, bien éclairée, contrairement à tout ce que l’on voit dans d’autres lieux chaque fois qu’il y a des dessins. Rodin n’a dessiné que quelques portraits d’homme et l’on peut se demander si une telle exposition aura des chances d’être exposée un jour à Abou Dhabi, par exemple. Musée Rodin 7e. Jusqu’au 1er avril 2012. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.musee-rodin.fr.

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