RODIN, LE LABORATOIRE
DE LA CREATION

Article publié exclusivement sur le site Internet, avec la Lettre n° 384
du 15 juin 2015


 
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RODIN, LE LABORATOIRE DE LA CREATION. Durant les travaux de rénovation de l’Hôtel Biron, la propriété que Rodin (1840-1917) offrit à l’Etat pour en faire un musée à son nom, le musée Rodin présente les chefs-d’œuvre de sa collection sous l’angle du travail d’atelier et du geste créateur. Pour restituer cette atmosphère de travail et d’expérimentation dans un atelier où se côtoyaient de nombreux assistants, mouleurs et modèles, l’exposition présente près de 140 œuvres dont plus de 100 plâtres sortis des réserves. Alors que les plâtres ont longtemps été méprisés, à partir de Rodin on les considère comme des œuvres à part entière. En effet, ils sont proches de la main de l’artiste, ce qui n’est pas le cas des bronzes coulés par des fondeurs et des marbres taillés par des praticiens, souvent de grand talent, comme Bourdelle qui commença sa carrière en travaillant pour Rodin.
A côté des plâtres dont les différentes versions d’un même sujet permettent de suivre l’évolution du maître dans sa création, l’exposition présente aussi des maquettes réalisées par Rodin ainsi que des photographies d’époque de son atelier et de ses œuvres.
Après une présentation des premières œuvres de l’artiste, les commissaires nous présentent cinq monuments objets de commandes publiques. Il s’agit de la Porte de l’enfer et des monuments dédiés aux Bourgeois de Calais, à Victor Hugo, à Balzac et au peintre Whistler. Toutes ces œuvres ont connu bien des vicissitudes et provoqué des débats enflammés, à la mesure de leur auteur, très en avance sur son temps et donc recalé au concours d’entrée à l’Ecole des Beaux-Arts !
Le parcours commence avec des œuvres de jeunesse (1864-1880) dont l’Âge d’airain (1877), au modelé exceptionnel, à tel point que Rodin fut accusé de moulage sur le modèle vivant, ce qui fut démenti, comme le montre les « légères » différences entre la photo d’Auguste Neyt, le modèle, et la sculpture.
Vient ensuite l’œuvre phare de Rodin, la Porte de l’enfer (1880-1900), destinée à un musée des Arts décoratifs qui ne vit pas le jour. S’inspirant des vantaux compartimentés des modèles florentins de la Renaissance, Rodin remplit peu à peu l’espace avec des figures dont certaines font l’objet de réalisation monumentale. C’est le cas pour le Penseur, alias Dante, le créateur ou le poète, qui médite au centre du tympan, pour Ugolin ou pour les amants tragiques Paolo et Francesca, préfiguration du Baiser. La Porte de l’enfer ne fut exposée qu’une seule fois, en 1900, au pavillon de l’Alma, dans une version « minimale », sans les figures, et ne sera coulée qu’en 1928 pour les collections du musée. On peut la voir dans le jardin du musée.
Avec les Bourgeois de Calais (1884-1889), nous suivons la démarche créatrice de Rodin qui commence par sculpter ses personnages nus avant de les habiller de la tunique du condamné. Le sentiment dramatique qui se dégage de cet ensemble est jugé excessif par le commanditaire, la Ville de Calais. Le monument est installé en 1895 sur la place de l’hôtel de ville sans respecter le souhait de Rodin, dont on sait toute l’importance qu’il attachait au socle. En effet, celui-ci voulait qu’il soit présenté très haut, pour qu’il se détache sur le ciel, ou à même le sol, comme il l’est dans le jardin du musée.
Le monument à Victor Hugo (1889-1897) est une véritable épopée. En 1883 Rodin réalise « à l’arraché » le portrait de l’écrivain qui refuse de poser pour lui mais lui ouvre les portes de sa maison. A partir de là, l’artiste réalise un buste dont il sera fait de nombreuses répliques et réductions à la mort de l’Homme de lettres, en 1885. Quatre ans plus tard, l’Etat commande un monument commémoratif pour le Panthéon. Le projet de Rodin qui représente Hugo assis sur les rochers de Guernesey, accompagné de sirènes et de muses, ne répond pas aux critères exigés (la sculpture doit s’accorder avec celle de Mirabeau qui lui fait pendant) mais une version en marbre sera commandée pour les jardins du Palais royal où elle sera installée en 1909. Le monument pour le Panthéon restera sans suite.
La cinquième partie est consacrée au monument à Balzac (1891-1898). Après des études iconographiques et littéraires poussées, des plâtres d’hommes nus plus ou moins bedonnants comme le tourangeau Estager, Rodin présente au commanditaire, la Société des gens de lettres, le fruit de son travail. La statue donne lieu à un scandale et le projet que Rodin considérait comme « le pivot même de [son] esthétique » est refusé !
Le dernier monument (1905 – après 1916), lui aussi inachevé, est celui consacré au peintre James McNeill Whistler. Echaudé par l’affaire de son Balzac, Rodin décide de ne pas représenter Whistler mais seulement une muse qui tient sur son genou, appuyé sur un tertre, un petit autel funéraire, appartenant à la collection d’antiques de l’artiste, évoquant la mémoire du défunt. La muse, qui rappelle la Vénus de Milo, reçoit un accueil élogieux.
L’exposition se termine avec le nu monumental sans tête ni mains de Pierre de Wissant, l’un des bourgeois de Calais, réalisé en 1886. A cette époque, Rodin étudiait déjà à part la tête et les mains. Quand il présente cette étude préparatoire en 1900, à l’entrée du pavillon de l’Alma, elle est devenue pour lui une œuvre à part entière, réduite à l’essentiel.
Une exposition très instructive sur la démarche créatrice de Rodin. Tous ces monuments, coulés en bronze, sont visibles dans le magnifique jardin de l’Hôtel Biron. Musée Rodin 7e. Jusqu’au 6 décembre 2015. Lien : www.musee-rodin.fr.


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