RODIN, LA CHAIR, LE MARBRE

Article publié dans la Lettre n° 343
du 24 septembre 2012


RODIN, LA CHAIR, LE MARBRE. On a recensé plus de 400 marbres signés par Rodin, dont certains de grandes dimensions. Pour les réaliser, l’artiste a fait appel à des praticiens, eux-mêmes souvent artistes, qui reproduisaient dans des blocs de marbre, à l’échelle un ou plus, les œuvres réalisées en terre ou en plâtre par le maître. Avec cette organisation, Rodin pouvait se consacrer essentiellement à la conception de ses œuvres, tout en surveillant de très près, le plus souvent dans son atelier même, leur fabrication. C’est ainsi que plus d’une centaine de ces praticiens collaborèrent à un moment ou à un autre avec Rodin, certains le faisant dans le but d’apprendre auprès de lui.
Longtemps dévalorisés par les critiques, les marbres de Rodin n’en constituent pas moins un pan important dans son art. En effet, malgré l’usage de la « pratique », on reconnaît très bien son style et sa marque.
Le marbre, considéré comme le matériau le plus proche de la chair, renvoie à l’Antiquité grecque et à l’Italie de Michel-Ange. Il doit acquérir souplesse et chaleur en se transmuant sous le ciseau de l’artiste, même si celui-ci est tenu par un autre, pratique courante au XIXe siècle. Rodin évolue au fil du temps, passant d’une réalisation finie et précise à des œuvres jaillissant de la pierre brute, à peine taillée, le fameux non finito de l’artiste. L’exposition conçue par Aline Magnien présente ainsi une cinquantaine de marbres et une dizaine de maquettes en terre cuite ou plâtre, répartis en trois sections montrant l’évolution de Rodin au fil du temps, de 1875 à 1917.
La première partie, L’Illusion de la chair, est composée d’une quinzaine d’œuvres de la période 1871-1890. Le traitement du marbre est illusionniste et cherche à donner l’apparence du tissu, de la dentelle, des fleurs, des cheveux. Les sujets sont le plus souvent féminins comme le buste de Madame Morla-Vicuña, 1888 ; Galatée, vers 1887 ; L’Hiver, vers 1887 ou La Danaïde, 1885, qui montre une femme épuisée à force de remplir un tonneau percé, accroupie sur un rocher à peine ébauché.
La seconde partie, La Figure dans le bloc, nous présente des œuvres de la période 1890-1900. Beaucoup de ces sculptures sont issues de ses travaux pour la Porte de l’Enfer (Fugit amor) comme Le Baiser, 1898, une œuvre réalisée au double du plâtre original, gigantesque pour un sujet libertin, genre traditionnellement réservé aux petits bronzes. L’Aurore, 1895, qui reprend les traits de Camille Claudel, nous montre seulement un visage émergeant d’une gangue de pierre. D’autres sculptures reprennent cet effet, accentuant l’aspect symboliste de certaines œuvres.
Dans la troisième partie, Vers l’inachèvement, nous avons des œuvres allant de 1900, année où la gloire de Rodin, après l’exposition de l’Alma, est immense, jusqu’à sa mort en 1917. Les sujets sont variés. Certains, comme Fleurs dans un vase, 1907, ou la Femme-Poisson, 1917, sont tout à fait étonnants. D’autres (Femme slave, Psyché-Pomone) sont à peine esquissés, quasiment flous, laissant agir l’imagination du spectateur. A côté de ces œuvres presque intimistes, Rodin conçoit des sculptures de grandes dimensions comme le Monument à Victor-Hugo, 1901 ; Ariane, 1905 ou encore La Main de Dieu, dit aussi La Création, 1896, qui peut être vue comme celle de l’artiste lui-même.
Une fois de plus, nous avons en ce lieu une exposition exceptionnelle, dans un espace restreint mais bénéficiant d’une scénographie simple et originale. Musée Rodin 7e. Jusqu’au 3 mars 2013. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.musee-rodin.fr.


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