LA RENAISSANCE ET LE RÊVE
Bosch, Véronèse, Le Greco …
Article
publié dans la Lettre n° 361
du
9 décembre 2013
LA RENAISSANCE ET LE RÊVE. Bosch, Véronèse,
Le Greco … Tandis que le Louvre célèbre le Printemps de la
Renaissance (Lettre 358), le Musée du Luxembourg nous
conduit, avec près de quatre-vingts œuvres, dans l’univers des songes
auxquels la Renaissance a conféré une très grande importance, tant
dans la littérature que dans les débats médicaux et théologiques
et dans l’art. Pour présenter ce sujet, le parcours de l’exposition
commence assez logiquement par la nuit et l’endormissement et se
termine par l’aurore et le réveil à travers six sections, clairement
identifiées.
« La Nuit » est illustrée par des tableaux souvent inspirés par
la sculpture de Michel-Ange de ce nom pour le tombeau de Julien
de Médicis à Florence (1525-1527). Le plus imposant de ceux-ci est
l’Allégorie de la Nuit de Ghirlandaio (1553-1555), que l’on
peut comparer au même sujet traité d’une manière originale par un
peintre moins connu, Battista Dossi (1490-1548).
Après « La Nuit », la section suivante est consacrée à ce que les
commissaires ont appelé « La vacance de l’âme » en référence à Platon
et à ceux qui ont repris ses théories, estimant que l’âme peut se
détacher temporairement du corps durant les périodes de sommeil
ou de mélancolie et s’élever vers un principe supérieur et divin
propice à l’inspiration poétique. On y voit tout d’abord des représentations
de dormeurs tels l’enfant Jésus veillé par la Sainte Famille (Lavinia
Fontana ; Agnolo di Cosimo), ou bien Vénus, nue et endormie, sous
les yeux de Cupidon (Pâris Bordone) ou d’un satyre (Le Corrège),
autant d’occasions de montrer de belles endormies ! Dans un autre
registre, les artistes ont aussi représenté le rêve du dormeur.
Nous avons ainsi Le Songe d’Enée de Nicolo dell’Abate et
surtout Le Songe de Pâris, de Hans Daucher où Pâris, veillé
par un vieillard mentionné comme étant Mercure, rêve aux trois plus
belles filles du monde. Le thème du rêve est donc aussi sujet de
fantasmes et d’érotisme.
Le rêve est aussi l’occasion pour certains d’avoir des «Visions
de l’au-delà». C’est le titre de la troisième section où abondent
les songes de personnages bibliques et de saints comme Le Rêve
de Jacob de Vasari, Le Rêve de Pharaon de Mariano Rossini,
La Vision de sainte Hélène de Véronèse, Le Songe de sainte
Catherine d’Alexandrie de Ludovico Carracci ou encore La
Vision de saint Augustin de Botticelli. A côté de ces songes
ou visions (la différence entre ces termes n’est pas très nette
dans ces illustrations), nous avons le magistral tableau du Greco,
Le Songe de Philippe II, qui établit une étroite connexion
entre la puissance temporelle et la conquête spirituelle, à l’époque
de la Sainte Alliance (l’Espagne, Venise et le Vatican).
Après ces représentations plutôt apaisantes surgissent les « Rêves
énigmatiques et visions cauchemardesques » de la quatrième section.
Parmi les premiers on remarque le sujet du Rêve de Raphaël,
traité par plusieurs artistes et surtout la gravure de Dürer, Le
Rêve du docteur, dont le sujet échappe aux spécialistes. Les
visions cauchemardesques sont largement dominées par Bosch et son
école avec les quatre panneaux de ses Visions de l’Au-delà,
allant du Paradis terrestre à l’Enfer, La Tentation de saint
Antoine, sujet repris par deux autres peintres également exposés
et surtout La Vision de Tondal qui a de quoi vous ramener
dans le droit chemin si l’on croit à l’Enfer !
Quittant ces visions horrifiques, nous pénétrons dans la cinquième
section, « La vie est un rêve », où les artistes exposés se sont
inspirés d’un célèbre dessin de Michel-Ange intitulé Le Rêve
ou Allégorie de la vie humaine dans lequel l’artiste, s’inspirant
d’un poème de Pic de la Mirandole, veut montrer que la vie n’est
qu’un rêve et qu’il faut s’arracher du sommeil terrestre et des
plaisirs charnels pour tourner ses regards vers le ciel. A côté
de ce sujet hautement symbolique, d’autres œuvres illustrent une
conception plus tranquille du sommeil, comme cet extraordinaire
Dossier de lit avec scènes mythologiques et grotesques d’Alessandro
Allori.
Enfin arrive « L’aurore et le réveil », sixième et dernière section
avec Le Matin : Aurore et les chevaux d’Apollon de Battista
Dossi et surtout le flamboyant Amour et Psyché de Jacopo
Zucchi. Nous ne rêvons pas ! C’est bien la sortie de cette exposition
qui sort de l’ordinaire et qui nous a permis de voir quelques chefs-d’œuvre
de la Renaissance. Ajoutons que la scénographie est remarquable
malgré la pénombre de circonstance et les panneaux sont très explicites.
Musée du Luxembourg 6e. Jusqu’au 26 janvier 2014.
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Lien : www.museeduluxembourg.fr.
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