REMBRANDT ET LA FIGURE DU CHRIST
Article
publié dans la Lettre n° 327
du
23 mai 2011
REMBRANDT ET LA FIGURE DU CHRIST.
La représentation du Christ dans l’art obéissait à des règles de
plus en plus précises imposées par l’Eglise et en particulier à
une description apocryphe dite « Lettre de Lentulus », où le Christ
est décrit avec une grande précision par un certain Publius Lentulus,
gouverneur de Jérusalem, qui n’a jamais existé ! En 1656, au bord
de la faillite suite à ses nombreux achats d’œuvres d’art, Rembrandt
est contraint de céder tous ses biens, même ses mouchoirs sales(!),
à l’exception de son matériel de peinture, afin de payer ses créanciers.
Un inventaire précis est alors dressé dans lequel est mentionné
une « Tête de Christ d’après nature ». Cette désignation intrigua
beaucoup, au début du XIXe siècle, ceux qui étudièrent cet inventaire
: « Comment est-il possible de peindre un portrait du Christ d’après
nature ? » Aujourd’hui on s’accorde à considérer qu’il s’agit d’un
tableau pour lequel un modèle vivant fut utilisé aux fins de restituer
la tête du Christ. D’une culture encyclopédique, vivant dans une
ville, Amsterdam, qui est alors la capitale de la première puissance
économique d’Europe et qui maîtrise, entre autres, les échanges
avec l’orient, Rembrandt est intéressé par ce grand mouvement qu’est
« l’enquête sur l’orient ». Cherchant à représenter au mieux la
nature, il est compréhensible qu’il ait décidé d’utiliser un modèle
vivant, sans doute un jeune juif vivant dans la communauté juive
d’Amsterdam. Il dessine alors et peint de nombreux portraits de
ce jeune homme sous différents angles. C’est sans doute l’un d’entre
eux qui est mentionné dans l’inventaire ci-dessus. Ce portrait se
retrouvera alors dans les peintures et gravures que l’artiste jugeait
achevées, c’est-à-dire, pour lui, « lorsque l’intention du maître
est atteinte ».
Le mérite de cette exposition, entre autres, est d’avoir réuni sept
de ces petits portraits en buste pour la figure du Christ. Ils permettent
de mieux appréhender des œuvres majeures telles que Les Pèlerins
d’Emmaüs (1648), l’un des chefs-d’œuvre du Louvre, ou la plus
célèbre eau-forte de Rembrandt, la Pièce aux Cent Florins
(1649), en référence au prix, considérable, auquel l’artiste l’aurait
vendue, avec le poème de Waterloos, écrit de la main de celui-ci,
en dessous de l’exemplaire conservé à la Bibliothèque nationale
de France. L’exposition nous présente aussi des tableaux et gravures
qui influencèrent Rembrandt à ses débuts : Andrea Mantegna, Martin
Schoengauer, Lucas de Leyde, Dürer, etc. Nous avons également des
œuvres illustrant divers épisodes de la vie du Christ, dans lequel
celui-ci ressemble plus à un homme « véritable » (Le Christ apparaissant
à Marie-Madeleine sous l’aspect d’un jardinier, 1638 ; Le
Christ réveillant les apôtres au mont des Oliviers, 1642 ; etc.)
qu’à un personnage idéalisé. Dans Le Christ sur la croix,
1631, Rembrandt représente un homme qui souffre abominablement.
Cette représentation sera reprise par d’autres maîtres hollandais
tels Jean Lievens et Jacob Backer dont nous voyons les Christ
en croix à coté de celui de Rembrandt.
Après la mort du maître en 1669, ses élèves continuèrent dans la
même voie mais ne furent pas suivis et les artistes revinrent aux
représentations stéréotypées et canoniques du Christ.
Avec plus de quatre-vingt-dix œuvres, cette passionnante exposition
nous permet de mieux cerner l’approche picturale originale, par
un artiste de génie, d’un des sujets les plus représentés dans l’art
jusqu’à son époque. Musée du Louvre. Jusqu’au 18 juillet
2011. Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien
: www.louvre.fr.
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