ODILON REDON. Prince du rêve

Article publié dans la Lettre n° 326
du 2 mai 2011


ODILON REDON. Prince du rêve. Après l’exposition de dessins du Musée d’Orsay en 2007 (Lettre n°277), le Grand Palais nous propose enfin une rétrospective impressionnante avec 274 œuvres au total, dont une centaine d’estampes. Celle-ci suit un parcours chronologique en trois étapes qui convient parfaitement à cet artiste. En effet, né à Bordeaux en 1840, Redon n’arrive pas à se faire connaître par les moyens traditionnels de l’époque : l’Ecole des beaux-arts, où il échoue au concours d’entrée en section architecture, et le Salon, où ce n’est qu’en 1867 qu’une de ses œuvres, un paysage assez conventionnel, est enfin acceptée. Sur les conseils d’un graveur et lithographe de Bordeaux, Rodolphe Bresdin, chez qui il s’initie à la gravure, il laisse s’exprimer son imagination et commence à être connu après la publication de son premier recueil lithographique, Dans le Rêve, en 1879. Cela lui vaut une notoriété dans le symbolisme naissant. Huysmans, également grand ami de Jean-Louis Forain (que l’on retrouve en ce moment au Petit Palais, Lettre 324), lui rend hommage dans son célèbre roman A rebours (1884) où son héros collectionne … Redon !
Darwin, Edgar Poe, Goya deviennent les références de l’artiste qui réalise des fusains et surtout des lithographies d’une extraordinaire beauté, avec des noirs veloutés inégalés, dans lesquels se développe tout un monde mélancolique et énigmatique, peuplé de créatures étranges inspirées par la littérature et le rêve. Nous pouvons voir la plupart des recueils (A Edgar Poe, 1882 ; Les Origines, 1883 ; Hommage à Goya, 1885 ; La Nuit, 1886 ; Tentation de Saint-Antoine, 1888) tout en regrettant que les titres des planches ne soient pas toujours indiqués, ni très lisibles quand ils le sont. Heureusement les œuvres « parlent » d’elles-mêmes et c’est un grand plaisir de revoir ici, entre autres, l’Araignée souriante, 1881.
A partir de 1890, Redon adopte peu à peu la couleur tout en gardant la thématique onirique réservée jusque-là à l’univers des « Noirs », selon son expression. C’est ainsi qu’il existe, par exemple, deux versions de Yeux clos, 1890, l’une lithographiée, l’autre peinte, celle-ci étant la première œuvre de Redon à entrer dans les collections nationales en 1904. Le passage à la couleur se fait par le pastel, dans lequel Redon excelle, tandis que, par les sujets, il rejoint le symbolisme. A cette époque, il fréquente Mallarmé et Gauguin, en l’honneur de qui il fera l’Hommage à Gauguin, un pastel inédit de 1903-1904.
La troisième partie concerne le travail de Redon au XXe siècle. Il a abandonné définitivement la lithographie et le fusain et se dit incapable de retravailler avec ces techniques. Les dernières salles sont extraordinairement colorées à tel point que l’on pourrait se demander s’il s’agit bien du même artiste ! Une salle tout entière est consacrée aux bouquets de fleurs, très recherchés par les collectionneurs. Au fil des ans, Redon adopte des dimensions de plus en plus grandes jusqu’à faire de la décoration. Nous avons ainsi la chance de voir reconstitué presque intégralement, dans les dimensions originelles, le décor de la salle à manger du château de Domecy (1900-1901), composé de 18 panneaux commandés par Robert de Domecy, dont 15 sont conservés au Musée d’Orsay. Une autre œuvre de grandes dimensions, les deux panneaux créés entre 1910 et 1911 pour la bibliothèque de Gustave Fayet à l’abbaye de Fontfroide, Le Jour et La Nuit, seront exceptionnellement visibles cet été, lorsque la présente exposition sera installée au musée Fabre à Montpellier. Enfin nous pouvons admirer quelques-unes des réalisations de la Manufacture des Gobelins (Fauteuil, Ecran), faites à partir des cartons de Redon à la fin de sa vie. Une exposition tout à fait intéressante. Grand Palais 8e. Jusqu’au 20 juin 2011.
Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.rmn.fr.


Retour à l'index des expositions

Page d'accueil de « Spectacles Sélection »