Parcours en images et en vidéos de l'exposition

PLANTU - REZA
Regards croisés

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°570 du 17 mai 2023





Affiche de l'exposition
Scénographie
En avril 2011 Plantu et Reza se rencontrent pour la première fois, lors des Rencontres internationales du dessin de presse au Mémorial de Caen. Leurs affinités, les parallèles évidents entre leurs carrières les amènent, quelques années plus tard, à travailler ensemble. Plantu propose alors à Reza d'entrelacer leurs œuvres, leurs regards.

Plantu sélectionne certains de ses dessins et Reza s’immerge dans ses archives. Ensemble, ils mettent en évidence des parallèles entre leurs deux formes d’expression visuelle : «Les coïncidences historiques et esthétiques entre nos deux parcours se sont révélées troublantes» dira Plantu.

Car Plantu est hésitant à toucher aux photographies, Reza l’incite à plus d'audace dans les liens qu'il tisse entre leurs œuvres. Un livre publié chez Gallimard en 2021 concrétise sur papier la rencontre des deux artistes. Cette exposition poursuit ce processus en présentant une sélection de ces œuvres croisées.
 
Texte du panneau didactique.
 
L'image dans l’image

REZA — Soudain, je les aperçois, avec la carcasse d’une télévision. Ils traversent la grande avenue. J'embrasse la scène d'un coup d'œil. Intuitivement, je sais que « ça » va venir. Je frappe avec fermeté l'épaule du chauffeur en criant : « Arrête-toi ! » Je descends et prends quelques photos. Une seule reste. / Turquie, 1994
PLANTU — Je regarde cette photo de Reza et j'admire cette magnifique mise en abîme : l'image dans l’image. Ce cliché me rappelle un dessin, celui de ce petit vendeur de journaux qui risque de se voir remplacé par les informations électroniques. De mise en abîme, on passera, si l’on n’y prend pas garde à l’abîme programmé des journaux papier. / 2005

Où va cette colombe ?

REZA — Un oiseau volant au-dessus de l’eau du Jourdain, non loin du site du baptême de
Jésus. / Israël - Palestine, 2008
PLANTU — Très fraternellement, Reza m'a laissé «entrer » dans ses photos, dans son univers. Je n'ai pas touché à sa colombe, je me suis juste enivré de sa beauté et de sa trajectoire. Où va cette colombe ? Sait-elle au moins qu’elle vole au milieu des conflits et des tragédies ?

REZA

Reza (Reza Deghati) naît en 1952 à Tabriz, en Iran. Dès 1974, il est arrêté pour avoir affiché des photographies contre le régime ; parce qu’elles dénonçaient la misère, il passera 3 ans en prison. Mais c'est en 1979 qu’il devient photo-reporter pour l'agence Sipa Press, documentant la Révolution islamique iranienne. Ses prises de vue dénonçant l’autoritarisme du nouveau gouvernement dans son pays le contraindront à l'exil en 1981.

Installé en France depuis quarante-deux ans, il est auteur de nombreux livres, expose dans le monde entier et travaille pour les grands médias internationaux: National Geographic, Time, Newsweek...
 
PLANTU

Plantu (Jean Plantureux) naît en 1951 à Paris. En 1972, le journal Le Monde publie son premier dessin de presse, une colombe tenant un point d'interrogation dans son bec. Il devient dès 1985 un collaborateur quotidien du journal qu’il accompagne pendant 50 ans et pour lequel il publie plus de 20 000 dessins. Parallèlement, il collabore avec d’autres médias, comme L’Étudiant ou L'Express.

En 2006, Plantu fonde son association Cartooning for Peace afin de défendre la liberté d'expression des dessinateurs de presse dans le monde. Il crée également en 2019 la Fondation Plantu, qui œuvre pour l'égalité des chances auprès de jeunes en difficulté, de
victimes d’attentats et de leurs familles.

Texte du panneau didactique.
 
Texte du panneau didactique.
Vitrine
 
Reza, Pierre Bongiovanni (auteur de la préface de Plantu-Reza, Regards Croisés - Éditions Gallimard) et Plantu, lors de la présentation à la presse.
  Interview de Plantu et Reza.




1 - CONFLITS

Scénographie
Conflits

Guerre en Afghanistan, conflit israélo-palestinien, génocide rwandais. Reza et Plantu ont couvert la majorité des grands conflits des dernières décennies. Reza est un photographe de terrain, au plus près des combats et de la population : il capte l’instantané du moment. Plantu travaille à distance depuis son bureau parisien: un recul propice à la synthèse. Pourtant, la convergence de leurs regards saute aux yeux, parfois même lorsque les productions se font avec 10 ou 20 ans d'écart.

Dans un monde où l'information n’a jamais circulé aussi rapidement, les images traversent les barrières linguistiques mais ne sont pas comprises de la même manière selon les contextes culturels et sociaux. La philosophie orientale de Reza et l'ironie occidentale de Plantu se mêlent alors dans une approche humaniste qui tend à l'universel.

 
Texte du panneau didactique.
 
L’utilité des conflits

REZA — Je m'interroge constamment sur l’utilité des conflits. Plus d’hégémonie ? Plus de pouvoir ? Un désir de conquête ? Je fais souvent le constat que l’économie autour de la guerre est florissante, de la préparation à la défense (ou à l'attaque) à la reconstruction après les cessez-le-feu. Les civils et les jeunes soldats sacrifiés sur les fronts sont les premières victimes. / Liban, 1982
PLANTU — La vente d’armes était un sujet traité régulièrement dans les années 1980 et qui, aujourd’hui, n’est pratiquement jamais soulevé dans nos débats médiatisés. Parfois, j'ai l'impression d’être en Chine. / 1992
Un horizon barré par des barbelés

REZA — Cette photographie me fait penser à tous les enfants rencontrés au fil de mes reportages. Après avoir perdu leur maison détruite par une bombe ou une catastrophe naturelle, après avoir avancé la peur au ventre dans la précipitation de l'exode, ils sont retenus, avec leur famille pour les plus chanceux, dans des camps de fortune dont l’horizon est barré par des barbelés sous haute surveillance, comme les enfants palestiniens. / Pakistan, 2004
PLANTU — Malgré les tragédies, il faut toujours faire confiance aux enfants. Ce sont eux qui trouveront les solutions et finiront par contourner les barbelés. Au Proche-Orient, ce sont les enfants et peut-être leurs descendants qui finiront par inventer la paix. / 1998 .

 
De simples marionnettes

REZA - Une installation artistique dénonce le rôle de marionnettiste d'une Amérique qui «joue » avec le monde, comme avec des poupées. Et pourtant, en cet instant, celles qui sont clairement utilisées par le régime islamique sont ces jeunes femmes revendicatrices, au visage cerné de noir. Entre les doigts difformes des mains menaçantes, ces étudiantes, exhibées sur le devant de la scène, ne sont-elles pas de simples marionnettes d'une histoire qu'ont décidé d'écrire les mollahs depuis la révolution ? / Iran, 1980
PLANTU -- Ici, Reza fait du dessin de presse éditorial ! Il a l'œil et mêle deux sujets qui passent devant l'objectif de son appareil. Sa photo est la séquence 1, mon dessin est la séquence 2. En attendant que les ayatollahs soient balayés par l'Histoire... / 2019
 
Témoigner pour l'Histoire

REZA — À Agdam, la mosquée est le seul bâtiment à avoir résisté aux assauts du temps et des Hommes. Cependant, au cours des trois décennies d'occupation par les forces arméniennes, l’endroit a été vandalisé, couvert de graffitis et utilisé comme étable et porcherie. Il reste partout et en tout lieu à tenter de panser les blessures infligées, subies, et à œuvrer pour toujours plus de paix. Témoigner pour l'Histoire, ici, là, participe à cette entreprise pacifique. / Azerbaïdjan, 2020
PLANTU — Grâce à mon ami Reza, j'ai pu me plonger dans le conflit du Karabakh en Azerbaïdjan. Il m'a exposé toutes les dimensions de ce drame qui touche à la fois non seulement les Arméniens mais aussi les Azerbaïdjanais de cette région. Qui soutient qui ? Quels sont les dirigeants internationaux concernés ? D'où viennent les armes ? Un vrai «bordel». / 2020
Le soldat n'existe plus

REZA — Il vient de loin, il se sent perdu ici. Il voit la peur dans leurs yeux, le mépris parfois, la haine aussi. Il cherche. Il fouille les villages, les grottes, les maisons, les êtres. Il cherche toujours, le terroriste, l’invisible ennemi de sa lointaine patrie. Il attend la lettre de là-bas et la permission de rentrer, de quitter cet enfer. Et puis il retourne dans la poussière, le corps de ses 20 ans fatigué par le danger et sa mort programmée. / Afghanistan, 2004
PLANTU — La photo de Reza est dérangeante et magnifique ; le texte qui l’accompagne raconte parfaitement le trouble d’un simple soldat qui se pose mille questions. Les interrogations soulevées amènent le dessinateur à proposer une réponse: le soldat n’existe plus, sa tête et son corps ont disparu... / 2004


2 - Inégalités

Sans en comprendre les raisons

REZA — Les enfants sont les premières victimes de l’exil : ils ont vu, vécu et ressenti la peur, la violence, le chagrin, sans en comprendre les raisons. Ils errent souvent dans le camp et leur encadrement éducatif et ludique peine à être mis en place. Certains sont aussi contraints d’aider leurs parents et de travailler. Au fil de mes reportages dans le monde, j'ai souvent témoigné de l'exploitation d'enfants dans des usines et dans les champs, quand d’autres sont des enfants-rois. / Gouvernement régional du Kurdistan-Irak, 2013
PLANTU — Reza a raison de rappeler avec cette photo que certains enfants travaillent pour aider leurs parents... On pourrait imaginer montrer ces images dans les écoles pour susciter des débats et comparer nos vies d'enfants en France... et ailleurs. / 1981
Inégalités

Dans un monde où les injustices creusent des fossés entre les populations, Plantu et Reza dénoncent ces situations d’inégalités dans leurs productions visuelles tout en les combattant sur le terrain. Leur volonté d’optimisme face à la résilience des hommes et des femmes confrontés aux situations les plus difficiles nous invite à la réflexion sur le rôle et l'engagement de chacun dans la société.

Créée par Plantu courant 2006, l'association Cartooning for Peace défend la liberté d'expression des dessinateurs de presse dans le monde. Reza fonde quant à lui l'ONG Aina en Afghanistan et l’association Ateliers Reza / Reza Visual Academy, pour former des jeunes aux métiers de l'information dans des sociétés civiles fragilisées.

 
Texte du panneau didactique.
 
L’indifférence des Hommes

REZA — En Afghanistan, pendant la guerre qui oppose les Soviétiques aux Afghans, les cultures sont rares. Les combats mobilisent les Hommes, et l'ennemi ne laisse pas les terres s'ensemencer. L'aide humanitaire pare au plus pressé: les soins et la distribution de riz. / Afghanistan, 1991
PLANTU — J'ai fait ce dessin pour René Dumont, candidat écologiste à l'élection présidentielle de 1974. Je déjeune avec lui, il me parle de son effarement devant l’indifférence des Hommes, face au basculement annoncé. Il me parle de tous ces sujets que je ressens mais que je connais mal. Je prends des notes, je fais quelques croquis, puis je finis par dessiner des tiges de blé qui se transforment. / 1978
 
On ne doit pas parler la bouche pleine

REZA — Pendant une cérémonie de mariage traditionnel chez un négociant de café, la mariée tient dans ses mains des grains de riz qui seront ensuite jetés sur les époux en signe de longue et heureuse vie matrimoniale. C’est toute la délicatesse de l’offrande faite des nourritures de la terre. / Inde, 2013
PLANTU — Je ne peux pas m'empêcher de me nourrir de la beauté de ce cliché pour manifester ma colère vis-à-vis d’une autre indécence: celle qui refuse de se poser des questions sur notre écosystème. On ne doit pas parler la bouche pleine : le dessinateur le fait quand même. La caricature cherche souvent à faire du bien là où ça fait mal. / 1998
 
La femme est l’avenir de l’homme

REZA — Ce jour-là, j'ai longtemps cherché cet envol gracieux vers la liberté, entre passé et futur, entre Orient et Occident. Sahar Dehghan, artiste franco-américaine d'origine iranienne, interprète une danse soufie. Cet envol est à l'image de celui que je souhaite à tout être, à toute femme, au service desquels nous devons apprendre à nous mettre. / France, 2008
PLANTU — Chaque année, pour la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, je ressors ce dessin qui est souvent utilisé dans les écoles. J'ai repris la célèbre formule d'Aragon et puis, emporté par l'élan, j'ai ajouté une petite secrétaire : c'est Brigitte, qui était mon assistante au journal Le Monde, il y a vingt ans. Ironiquement, je fais peut-être partie de ces bonshommes, autour de la table ? / 1994
 
Regardez, on peut effacer la dictature

REZA — La mort inexpliquée de Sékou Touré, dirigeant dictatorial de Guinée, a laissé un vide propice à des affrontements. Toute effigie de l’homme qui avait terrorisé a été effacée. Un caillou à la main, cet enfant a gratté les portraits qu'il trouvait sur son chemin. La photographie a fait le tour du monde. J'ai appris plus tard par un ami journaliste que cette image a été diffusée dans d’autres pays africains avec le slogan : « Regardez, on peut effacer la dictature. » / Guinée, 1984
PLANTU -— On peut dessiner, peindre, faire des taches sur un mur, c'est déjà une manière de revendiquer, d’interpeller. En Afrique, il y a la tache du colonialisme, difficile à retirer. Et puis il y a d’autres taches qui apparaissent ; elles ne cessent de réapparaître sur les murs des démocraties fragiles. / 1990
 
Ceux qui portent et ceux qui sont portés

REZA — Sur le lac, les bateaux fendent lentement les eaux, laissant derrière eux le Rwanda. Lorsque les femmes et les hommes sautent de leur embarcation de fortune, l'épuisement et l'expression terrorisée déforment leurs visages. Ils révèlent une tout autre vérité: l’enfer est sur l’autre rive. Dans un silence médiatique éloquent, les massacres entre Tutsis et Hutus ont commencé. / Burundi, 1994
PLANTU — Qui sont ceux qui portent et ceux qui sont portés ? Voilà une question qui pourrait être déclinée sur tous les continents. /1988


3 - Migrations

Scénographie
Migrations

Le sujet des migrations, étroitement lié aux questions d’inégalités, divise l'opinion. Alors même que les migrations sont constitutives du Vivant, l’imaginaire collectif qui y est souvent associé enflamme le débat public.

Forcé à l'exil en 1981, Reza s'apparente lui-même à un citoyen en migration perpétuelle, porté par l'actualité qu’il couvre aux quatre coins du monde. Grâce aux rencontres de cartoonistes internationaux qu’il a organisées un peu partout sur la planète, Plantu se positionne lui aussi comme le témoin de la question migratoire et de ses polémiques. La violence de ces situations est soulignée avec une justesse particulièrement frappante dans l'alliance de la photographie et du dessin, qui relie les expériences vécues au recul du dessin satirique.

 
Texte du panneau didactique.
 
Là où viennent s’échouer les espoirs brisés

REZA — Nous sommes avec mon fils dans la rêverie apparente d’une traversée à l’horizon dégagé, alors que nous rejoignons l’Algérie pour un reportage au long cours. «Apparente rêverie» parce qu’on ne peut oublier, même dans l'harmonie du moment, que la Méditerranée est aussi la scène, depuis des siècles, de conquêtes, de combats, d’errances. Sur les côtes qui l’entourent, viennent également s’échouer des espoirs brisés, nous rappelant que la paix est tel un rocher, un trésor précieux qui subit l'érosion du temps et des coups. / Mer Méditerranée, 2012
PLANTU — Je pense à cette Méditerranée porteuse d'espoir, de culture et de tragédie. Il est impossible de comprendre l’Europe sans prendre en considération ce qui se joue en Méditerranée. /2010
Finalement, à quoi ça sert de faire un dessin ?

REZA — Dans un camp, une bénévole travaillant pour Médecins sans frontières (MSF) rit avec les réfugiés tutsis qui ont été chassés de leur village par les Hutus pendant le génocide rwandais. Les humanitaires sur le terrain ? Ce sont d'innombrables récits d'engagements dans des régions du monde si éloignées et si dangereuses que même, parfois, des soldats n’osent pas s’y aventurer. / Burundi, 1994
PLANTU — Trop souvent, un dessin réalisé il y a plus de vingt ans peut être réimprimé pour illustrer les tragédies actuelles. À chaque fois que je m'empare d’un crayon, j'ai l’impression que je peux faire changer les choses... Finalement, à quoi ça sert de faire un dessin ? /1998
 
Exilée sur sa propre terre

REZA — Sur les ruines de sa maison, cette mère a dressé une tente pour les siens. Exilée sur sa propre terre, elle me fait songer aux millions de femmes et d’hommes dans le monde qui, l'espoir et la peur en eux, prennent la route pour fuir un conflit, une répression, une dictature, la pauvreté ou la famine, et tentent de rejoindre un pays où ils pensent trouver un répit, un refuge, une terre d’accueil. / Palestine, 1999
PLANTU — Il y avait un mariage à imaginer entre le bleu du ciel au-dessus des tentes dans la photo de Reza et le bleu du drapeau européen. Les oubliés de la planète essayent de se faire entendre. L’aquarelle que j'ai ajoutée rend compte du tumulte des cacophonies. / 2011
 
La route de l'errance

REZA — Ils ont navigué longtemps dans une barque de fortune, laissant l’enfer derrière eux. Ils cherchent à accoster pour trouver refuge. Sur la berge, des villageois refusent de les accueillir. Je vois, sur le visage de ces trois garçons, la rage, l’incrédulité et le désespoir. Leur périple sera long. La route de l’errance sur la rivière Karoun. / Iran, 1980
PLANTU — C'est curieux, quand on dessine une arme aujourd’hui, cela ne fait réagir personne, alors que quand on dessine une colombe, ça agace. Énervons les populations endormies avec cet oiseau de bonheur! / 2005
Au-delà de la joie d'être libre

REZA — Au bout du chemin parfois difficile du départ, souvent au péril de sa vie, l'exil vers ces terres d’asile accueillantes reste le refuge dans lequel chacun s'efforce de survivre, de reconstruire. Au-delà de la joie d’être libre, la fracture physique et intellectuelle du deuil de sa terre. Une odeur, un goût, un paysage, un visage, la mélodie de sa langue, le rythme de son pays: les joies du présent de l'exilé sont pleines des mémoires de son passé. / Afghanistan, 1990
PLANTU — Où vont les personnages sur cette photo de Reza ? Vers le brouillard de leur avenir ? Vont-ils se retrouver quelque part en bas du métro aérien à Paris ? Et cette Méditerranée qui accompagne les migrants, on a toujours pensé qu’elle était à 1 000 kilomètres de la capitale! Quelle erreur! / 2015


4 - Environnement

Scénographie
Environnement

L’impact de l’activité humaine sur l’environnement est devenu une préoccupation centrale de la société, intrinsèquement liée à l’actualité et à notre devenir. Au cours de leurs carrières respectives, Plantu et Reza ont couvert une diversité de zones vulnérables, fragilisées par les pollutions. Souvent représentée dans la presse à l’arrière-plan d’une scène, la nature est, depuis des décennies, mise au premier plan des travaux de
Plantu et Reza, en tant que sujet à part entière. Ce que l’humain fait de son milieu naturel a toujours été, pour eux, un sujet d'actualité en soi.
 
Texte du panneau didactique.
 
Un air devenu irrespirable

REZA — Au milieu du chaos, chacun tente de respirer. Loin du contexte particulier de cette manifestation, ce masque menace et alerte tout comme ce bras tendu me font penser au mouvement de révolte planétaire pour la défense d’une terre polluée, contre un air devenu irrespirable. / États-Unis, 2017
PLANTU — Que ce soit sur une photo ou dans un dessin, un personnage équipé d’un masque inquiète toujours. Ici, l'expert revêt aussi une combinaison. Il fait peur mais il est quand même un peu drôle ou grotesque. Il dit quelque chose qui n’est pas forcément ce qu’il pense. Il masque. /1986
Luttes contre l'indifférence

REZA — Le Nil est venu des terres africaines pour nourrir l'Égypte. Des siècles durant, les terres irriguées par ses crues, cultivées, ont rendu à l'Homme le fruit de son labeur. Aujourd’hui, sur les berges du delta on voit des poissons morts et les mains des pêcheurs atteintes de maladies cutanées. Plus loin, le fleuve éreinté par sa course entravée, pollué par les déchets des usines, se rend à la mer. / Égypte, 1996
PLANTU — Des rejets toxiques un peu partout. Que ce soit en photographie ou en dessin, on trouve toujours quelque chose d'esthétique dans les volutes des fumées. Il y a la beauté de l’image dans la photographie et, du côté du dessin, il y a le début des interrogations et des luttes contre l'indifférence de la technologie au détriment de la planète. / 1982
Je vais en faire un arbre

REZA — Dans la province du Badakhchan, ravagée par une décennie de guerre, j'entends des voix légères et insouciantes d'enfants. L’un d’entre eux attire plus particulièrement mon attention. Il tient un jeune plant dans la main. Je lui demande : «Que vas-tu faire de cette pousse ?» Sa réponse est une des grandes leçons que j'ai reçues dans ma vie, et guide encore souvent mes actions et ma volonté: «Je vais en faire un arbre» / Afghanistan, 1990
PLANTU — Je regarde la photo de Reza et j'y ajoute des volutes nuageuses. Elles prolongent la pensée du jeune garçon. Je pense immédiatement à ce dessin que j'ai réalisé il y a des années, et j'y applique la couleur verte de la feuille, comme une note d'espoir: le dialogue graphique peut alors commencer. / 1984


5 - Liberté de la presse

Coups de feu et violence médiatique

REZA — Elles ont appris en cachette, l'éducation leur étant interdite. À la chute des talibans, en 2001, elle s'est portée volontaire pour intégrer le programme vidéo de l'ONG Aina. Aujourd'hui, je m'interroge sur le devenir de ces femmes, à nouveau menacées, vingt ans plus tard, par les talibans, après avoir goûté à des graines de résistance que sont la liberté de penser, de créer et de témoigner. Afghanistan, 2005
PLANTU — Cette photo de Reza m'a tout de suite fait penser au film Mad City, de Costa-Gavras. On y voit le personnage incarné par l’acteur John Travolta dans un tumulte de coups de feu et de violence médiatique. À un moment, on s'attend à entendre le bruit de la cassette qu'on insère dans la caméra mais, avec malice, le réalisateur choisit plutôt de nous faire entendre le son d’un fusil mitrailleur qu'on recharge. /1996
Liberté de la presse

Emprisonné en 1974 et torturé pendant 3 ans en lran, pour des photographies jugées trop engagées, Reza a ensuite dû s'exiler définitivement. Pourtant, il n’a jamais cessé de parcourir les territoires les plus dangereux pour les dévoiler au monde.

Depuis les attentats de Charlie Hebdo en 2015, Plantu vit sous protection policière. Le dessin de presse anime les passions et la caricature peut mener à la mort. Mais il continue sans relâche à s'exprimer avec décalage et humour.

Tous deux attachent beaucoup d'importance à la défense des libertés. Mais, avec la diffusion des contenus à une échelle mondiale, les risques encourus pour représenter l'actualité sont de plus en plus présents. Ils se heurtent à d’autres sensibilités, d'autres interprétations. Dans un monde globalisé où l’image tient une place de choix, la création est elle-même une arme, et l'artiste devient, dans la même logique, une cible.

 

 
Texte du panneau didactique.
 
Elle dit le courage plus fort que la peur

REZA — L'air est pesant. Sur La place, la statue de la République, fière, libre, laïque, domine la population venue près des lieux des attentats perpétrés l'avant-veille. Bravant sa peur face à la menace, sa sidération face à l'horreur, une mère est là avec son enfant, au nom de son devoir de transmettre ses valeurs. Accroupie, elle dit le courage plus fort que la peur, l'amour plus fort que la haine, la vie plus forte que le chagrin. Elle montre les gestes apaisants : allumer une bougie, apprendre à penser. Pour contrer la terreur et la violence intérieure, accomplir un rituel de vie. /France, 2015
PLANTU — Comment dessiner la solidarité ? La main dans la main, d'accord, mais le bras autour du cou, c'est mieux. IL y a eu les tragédies de 2015 en France et puis, un jour de mars 2016, cela se passe à Bruxelles. Le cœur parle et le crayon a son mot à dire : c’est lui qui décide, il se nourrit des images des photographes, puis il se met à dessiner un survivant des tragédies françaises. / 2016
Infimes traces d'espoir

REZA — Dans les petits villages du Sud marocain, la terre et les cultures souffrent terriblement du manque d’eau, même dans les oasis. Il est bon de poser son regard sur les infimes traces d’espoir, celles que, souvent, on ne veut pas voir. / Maroc, 2008
PLANTU — Pour une fois, j’ai fait semblant d’être photographe. Mon regard se pose sur le sol craquelé et j'y vois une forme qui me rappelle l'Afrique. Je ne peux pas laisser passer ça: je prends la photo et, avec des pastels, je surligne les contours. Plus tard, je découvre cette photo de Reza avec cette petite brindille verte. Elle parle à mon dessin et, sans me demander mon avis, elle vient se planter dans ma composition graphique. / 2012
 
Installés sur pied, telle une mitrailleuse

REZA — Sur une plaine de croix innombrables, la caméra du documentariste Serge Moati surplombe les tombes fraîchement creusées et enregistre la lente agonie de malades du sida, et l’errance sur les routes des enfants orphelins. / Rwanda, 1992
PLANTU — La caméra ou l’appareil photo peuvent être installés sur pied, telle une mitrailleuse, comme nous le montre l’image de Reza. D’«agresseur », l'appareil photo devient l’agressé quand, en 1979, un photographe de presse est tué durant l’intervention soviétique en Afghanistan. /1979
 
Une apparente normalité

REZA — Tout est calme, chaque objet du décor est à sa place. Soudain, le regard est attiré par une anomalie. Une des fenêtres fissurée par un impact de balle rappelle que la guerre est toujours de l’autre côté en cette année 2015, qu’elle s'invite dans une apparente normalité, que le peuple kurde est encore en résistance, que leurs peshmergas tiennent un front contre les avancées de l’État islamique. / Gouvernement régional du Kurdistan-Irak, 2015
PLANTU — Sur la photo, une vitre floutée et l’impact d’une balle. C’est ce que risquent les envoyés spéciaux du monde entier. Je réalise ce dessin pour Reporters sans frontières, afin de défendre la liberté de la presse. Depuis 1995, le nombre de journalistes blessés et tués ne cesse d'augmenter. / 1995


6 - Evocation des auteurs

Scénographie
Vitrine relative à Plantu
 
Souris et colombe de Plantu
 
Souris de Plantu
Vitrine consacrée à Reza