
PICASSO
ET LES MAITRES
Article
publié dans la Lettre n° 291
PICASSO ET LES MAITRES. C’est à onze
ans que Picasso décida de devenir peintre, comme son père, José
Ruiz-Blasco, professeur à l’Ecole des Beaux Arts et directeur du
musée de Malaga. Jamais il ne dessina comme un enfant. Né en 1881,
il se forma de 1893 à 1899 d’une manière traditionnelle dans différentes
écoles espagnoles (la Corogne, Barcelone, Madrid), faisant des dessins
d’après l’Antique et des copies de toiles de maîtres, étudiant l’histoire
de l’art, etc. Bref, comme tous les peintres du XIXe siècle, il
a une formation classique où les académies, les scènes de genres,
les peintures d’histoire, les concours, les commandes officielles,
etc. forment le quotidien de son apprentissage.
Nourri de ces références, obsédé par les grands maîtres dont il
allait voir les toiles dans les musées, il n’eut de cesse de se
confronter à ceux-ci et à en refaire une lecture critique, souvent
subversive. Picasso ne suit pas la mode de son temps, il la précède
et innove sans cesse, en particulier avec le cubisme.
Cette exposition et les deux qui l'accompagnent (Picasso / Manet
et Picasso / Delacroix) montrent, d’une manière tout à la fois chronologique
et thématique, le parcours de Picasso, revisitant les grands thèmes
de la peinture, reprenant à sa manière des toiles célèbres, comme
Femmes d’Alger dans leur appartement de Delacroix (1834),
Les Ménines de Velázquez (1657), Le Déjeuner sur l’herbe
de Manet (1863), L’Enlèvement des sabines, de Poussin (1638)
ou de David (1799) et bien d’autres, ne se contentant pas d’une
seule toile mais en faisant de nombreuses variations (58 tableaux
pour Les Menines, en 1957 !).
A coté de ces modèles évidents, nous voyons aussi comment Picasso
reprend des thèmes classiques ou des sujets similaires. Son autoportrait
de 1901, Yo Picasso, est mis en regard de celui de Goya.
Le cadrage et le fond obscur sont très semblables. D’une manière
plus subtile les commissaires mettent en parallèle, pour la façon
de tenir la natte, Les Jeunes filles au bord de la mer de
Puvis de Chavannes (1879) et La Coiffure de Picasso (1906)
ou encore le Saint Jérome en cardinal du Greco (1590-1600)
et son Portrait de Benet Soler (1903) dont le fond noir,
la posture et le visage anguleux des personnages se font écho. Toute
une salle est d’ailleurs consacrée aux peintures noires des années
1896-1898 où Picasso peint à la manière de Zurbaran ou de Ribera
mais sans reprendre leurs sujets. Picasso a également peint durant
toute sa vie des natures mortes. On en voit de toutes sortes, depuis
de très simples compositions avec des vases et des fruits, jusqu’aux
sanglantes têtes de moutons, comme la Tête de mouton écorchée
(1939), symbole christique, criant sa douleur en ces années de guerre.
L’exposition nous montre enfin des portraits, équivalents de ceux
de Manet, Ingres ou Goya, pour n’en citer que quelques uns, et de
grands nus dans la tradition du Titien (Vénus se divertissant
avec l’Amour et la Musique - 1548) à rapprocher de son Nu
couché et homme jouant de la guitare (1970), de Rembrandt (La
Femme à la source), de Goya (La Maja desnuda), d’Ingres
(L’Odalisque), de Manet (Olympia) et bien d’autres
dont il s’inspire souvent de certains détails pour les marier dans
un même tableau. Une exposition intéressante, qui rassemble près
de 210 œuvres, issues des collections les plus prestigieuses du
monde entier, et qui montre comment Picasso a érigé en système la
« peinture de la peinture », qui place celle-ci au cœur de la connaissance
du monde. A voir avec les deux autres expositions citées
plus haut. Grand Palais 8e. Jusqu’au 2 février 2009. Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien
: www.rmn.fr.
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