FERNAND
PELEZ
La parade des humbles
Article
publié dans la Lettre n° 302
FERNAND PELEZ, la parade des humbles.
Le Petit Palais, une fois de plus, nous surprend avec une rétrospective
d’un peintre oublié depuis près d’un siècle mais dont l’œuvre n’a
rien perdu de son exceptionnel caractère. Fernand Pelez, né à Paris
en 1848 dans une famille d’artistes issue de l’aristocratie espagnole,
fait son apprentissage à l’Ecole des beaux-arts, dans l’atelier
du peintre Alexandre Cabanel. Ambitieux, il suit aussi les cours
du soir d’Adolphe Yvon, s’inscrit à l’Académie Julian, école privée
qui permet de se préparer au Salon, et se présente au grand prix
de Rome où il décroche la seconde place en 1873.
Après des œuvres académiques inspirées des copies qu’il fait au
Louvre et des œuvres de son maître Cabanel dont il s’inspire pour
faire, en 1876, un Adam et Eve, il se lance dans le naturalisme
(Au Lavoir, 1880), comme Jules Bastien-Lepage, qu’il rencontre
dans le même atelier et dont nous avions pu admirer le talent au
Musée d’Orsay en 2007 (Lettre 269).
Assez vite il se tourne vers des sujets sociaux et devient le peintre
des « exclus silencieux », le peintre de « l’inégalité des conditions »,
de « la lutte des classes », « des faibles ». Il a trouvé sa voie,
il n’en changera pas. C’est ainsi qu’il propose au public, en 1883,
Sans asile dit aussi Les expulsés, qui nous montre
une femme jetée à la rue avec ses cinq enfants, La Victime
dite aussi L’Asphyxiée qu’il expose au salon de 1886 puis
à l’exposition universelle de 1889 où il obtient la médaille d’argent,
ce qui permet de mesurer l’étendue de son talent. Il sera d’ailleurs
fait chevalier puis officier de la légion d’honneur.
Parmi ses thèmes de prédilection celui des gueux et des enfants
miséreux est le plus touchant. Le Petit marchand de mouron
(1880) et Martyr dit aussi Marchand de violettes (1885),
nous montrant un petit garçon épuisé, endormi dans un pas de porte
avec sa caissette de violettes, montrent que le travail des enfants,
pourtant aboli depuis dix ans est toujours d’actualité. Pelez illustrera
ce fait dans bien d’autres toiles.
Cet artiste, très engagé auprès de ses contemporains, comme le montre
la représentation d’un défilé montmartrois auquel il participe,
La Vachalcade (1896-1905), compose aussi des œuvres de très
grandes dimensions. Le Petit Palais détient l’une d’entre elles,
Les Saltimbanques (1883) de 222 x 610 cm. Elle représente une
parade de baraque foraine avec des musiciens désabusés, des enfants-artistes
tristes et des artistes bonimenteurs peu convaincus. Deux autres
œuvres exceptionnelles sont exposées avec les études préparatoires
montrant à quel point Pelez était méticuleux. Il s’agit de La
Bouchée de pain (1892 à 1908), une commande de l’état montrant
des personnages grandeur nature allant chercher du pain chez les
Petites sœurs des pauvres et Les Danseuses (1909) qui nous
montre une loge où se préparent de très jeunes filles, sans la moindre
trace de gaieté sur leur visage. Cette toile est à rapprocher de
Les Petites figurantes (1911-1913) où l’on voit que l’opéra
n’était pas seulement ce que peignait Degas mais aussi un temple
de misère. Pelez, mort en 1913, a laissé une centaine de toiles.
Le Petit Palais en détient un grand nombre que l’on peut enfin admirer
ici. Certaines sont perdues comme L’Humanité dite aussi Le
Christ dans le square (1896), trop grande (390 x 800 cm) pour
intéresser un collectionneur et que l’état refusera d’acheter. Pelez
considérera cela comme un échec personnel et n’exposera plus au
Salon. C’est aussi le cas de deux des trois toiles d’un ensemble
énigmatique, La Chapelle, dont il ne reste que Les Orphelines.
Une exposition rare et passionnante. Petit Palais 8e (01.53.43.40.00)
jusqu’au 17 janvier. Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien:
www.petitpalais.paris.fr.
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