MURANO. Chefs-d’œuvre de verre
de la Renaissance au XXIe siècle

Article publié dans la Lettre n° 355
du 27 mai 2013


MURANO. Chefs-d’œuvre de verre de la Renaissance au XXIe siècle. Tout le monde connaît Murano et ses fabriques d’objets en verre. Cependant la présente exposition nous montre, à travers près de 200 objets et ensembles, l’histoire sans pareille de cette île de la lagune de Venise où la Sérénissime transféra les fours de verriers en 1291, pour éviter les risques d’incendie et aussi pour mieux contrôler ces artisans, qui risquaient la peine de mort s’ils dévoilaient leurs secrets hérités de l’Empire romain !
A part le rez-de-chaussée qui est consacré à des œuvres contemporaines, l’exposition adopte un parcours chronologique dans une belle scénographie d’Hubert le Gall. Les objets les plus anciens datent des années 1500, à l’époque de la première Renaissance (1450-1530). D’emblée on est frappé par la parfaite maîtrise des techniques du verre et en particulier celle des couleurs et des formes, ou encore celle de la transparence identique à celle du cristal. La peinture à l’émail permet des créations uniques et somptueuses. Elle permet de reproduire toutes sortes de motifs, y compris des tableaux miniatures et les armoiries des riches acheteurs.
A la chute de l’empire byzantin en 1453, les maîtres verriers du monde islamique émigrent vers Venise et font profiter de leur savoir-faire leurs confrères de Murano. Venise a dès lors le champ libre pour exporter sa production dans toute l’Europe. C’est la seconde Renaissance (1530-1600) où l’on redonne aux formes la priorité sur le dessin. Des techniques antiques comme le verre filigrané réapparaissent. D’autres, comme le verre craquelé, au moyen d’un choc thermique dans l’eau froide, la peinture à froid et la taille à la pointe de diamant sont inventées. Ces verres de grand luxe sont imités un peu partout (verre « façon de Venise » !) et quelques verriers émigrent malgré les risques de bannissements et de confiscation de leurs biens. C’est le cas de Bortolo d’Alvise qui s’installe en Toscane où règne la famille de Médicis. Il bénéficie du concours des meilleurs dessinateurs et réalise aussi bien des pièces exceptionnelles pour des cadeaux diplomatiques que des objets plus ludiques tels ces « verres espiègles » qui amusaient les convives.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, avec l’âge baroque, c’est la fantaisie et la virtuosité qui prédominent. Toutes les techniques sont utilisées pour créer des objets aux formes compliquées ou tourmentées s’inspirant, par exemple, de la nature. Certains surtouts ou « centres » de table évoquent de véritables jardins comme ce fastueux jardin bizarre que l’on peut voir à la sortie de l’exposition.
Le XIXe siècle voit le déclin commercial de Venise, passée sous la domination de Napoléon puis des autrichiens. Néanmoins les techniques mises au point durant les siècles précédents ne sont pas perdues et, à la fin du siècle, elles permettent, avec l’Art nouveau, de lancer de nouvelles productions pour une clientèle fortunée. Ce n’est cependant qu’après la première Guerre mondiale que Murano connaît un véritable renouveau sous l’impulsion de quelques artistes et surtout de l’architecte Carlo Scarpa qui crée une véritable industrie du verre dans la petite île.
Depuis le milieu du XXe siècle nombre d’artistes, comme Lucio Fontana, Man Ray, Jean Arp, César, sont venus à Murano pour faire réaliser des œuvres originales. Aujourd’hui certains artistes ne travaillent qu’avec le verre. Une quinzaine de leurs œuvres sont exposées au rez-de-chaussée. Parmi celles-ci on est fasciné par les miroirs d’Orlan ou de Fred Wilson, par l’« Oxygène » Graine de vie de Marie-Laure Viébel, par la Géométrie amoureuse alessandrita de Jean-Michel Othoniel et surtout par Carroña de Javier Pérez, qui « détourne le lustre en verre de Murano, objet luxueux par excellence, le transformant en une carcasse dévorée par des corbeaux, alliant beauté et laideur, vie et mort ». Une exposition originale, la première sur ce sujet, permettant de revoir aussi l’œuvre d’Aristide Maillol dans l’écrin que lui a consacré sa muse Dina Vierny. Musée Maillol 7e. Jusqu’au 28 juillet 2013.
Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.museemaillol.com.


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