LA MEDITERRANEE DES PHENICIENS
De Tyr à Carthage

Article publié dans la Lettre n° 279


LA MEDITERRANEE DES PHENICIENS. De Tyr à Carthage. Cette exposition qui rassemble pas moins de 500 objets venus du Liban, berceau de la civilisation phénicienne, de Syrie, de Chypre, de Grèce, d’Italie, d’Espagne, de Tunisie, du Maroc et des grands musées de Berlin, Londres, New York et Paris, commence par cette invention majeure pour une grande partie de l’humanité, l’invention de l’alphabet. C’est en effet ce peuple, qui ne se reconnaissait d’ailleurs pas en tant que nation qui, selon Pline l’Ancien, eut « l’honneur d’inventer les lettres de l’alphabet ». Cet alphabet se compose de vingt-deux caractères correspondant à une consonne. Il n’y a pas de voyelles, comme pour toutes les langues sémitiques. Il fut déchiffré en 1758 par l’abbé Jean-Jacques Barthélémy mais il fallut attendre encore un siècle pour que l’on commence à s’intéresser aux mystères de l’histoire phénicienne. En effet, suite aux massacres entre Chrétiens et Druzes en 1860, Napoléon III envoie une expédition militaire accompagnée de savants dont Ernest Renan. Ces derniers vont, en quelque dix mois, fouiller les cités de Tyr, Sidon, Byblos, Arados, Amrit avec dessins, relevés et photographies. Avec Salammbô (1863) Flaubert, qui situe son roman dans la cité punique (forme latine du mot grec phénicien) de Carthage, lance la mode phénicienne après des décennies d’égyptomanie. Néanmoins les phéniciens ne sont pas encore vraiment connus et l’on reste sur l’impression négative qu’en donnaient les grecs, qui pourtant s’inspirèrent de leur alphabet, les considérant comme des colporteurs retors, des brigands ou des pirates !
L’exposition s’intéresse à la période allant du XIIe au IIIe siècle avant notre ère pour la partie orientale et au IIe avant notre ère pour la partie occidentale. Néanmoins cette civilisation remonte au IVe millénaire (proto-phéniciens) et fut inféodée un temps par l’Egypte, entre autres, qui lui laissa une large autonomie, comme les autres avant elle, de peur sans doute de restreindre son ardeur. Si l’alphabet est une invention exceptionnelle, les phéniciens avaient bien d’autres mérites. C’étaient tout d’abord d’excellents marins, ayant une connaissance exceptionnelle de la navigation, avec des bateaux de toute taille, souvent fabriqués en série, ce qui leur permettait de mettre à l’eau une flotte de guerre en quelques semaines. Hérodote rapporte qu’à la demande du pharaon Néchao II, des marins phéniciens firent le tour de l’Afrique vers la fin du VIIe siècle. Hannon fonda la colonie de Cerne dans le golfe de Guinée. Himilcon parvint en Bretagne et peut-être dans les îles britanniques. Dans leurs traces des milliers de bateaux sillonnaient la Méditerranée et les côtes de l’Atlantique, afin tout d’abord de satisfaire les besoins domestiques, puis de pourvoir leurs artisans en matières premières servant à la confection d’objets de toutes sortes destinés à l’exportation.
En effet les phéniciens étaient aussi de remarquables artisans. A l’industrie du bois (mobilier, objets divers), assez naturelle dans un pays célèbre pour ses cèdres, s’ajoutèrent celles du verre, grâce au sable riche en silice de leurs plages, puis de l’ébène et de l’ivoire, utilisés en marqueterie, des métaux et en particulier des métaux précieux, des tapis, des textiles peints ou brodés, etc. Ces objets précieux, très demandés, sont présentés en séries thématiques dans l’exposition, surtout grâce à ceux retrouvés dans les sites occidentaux, bénéficiant de conditions de fouilles plus favorables que les sites orientaux. Nous avons ainsi des sarcophages anthropoïdes, des ivoires, des oenochoés, des coupes métalliques, des figurines en bronze ou en terre cuite provenant de différentes régions de la Méditerranée. L’art phénicien est repris dans toutes les colonies et influence les artistes locaux. Les plus anciens chefs-d’œuvre phéniciens connus sont des sculptures en pierre de style égyptisant : bas reliefs, sarcophages. Mais leur maîtrise technique de procédés tels la granulation, le filigrane ou le cloisonné, font également d’eux des orfèvres hors pair dont l’habileté est appréciée de la Mésopotamie à l’Espagne. Curieusement, avec la vente de leurs brûle-parfums et de leurs encensoirs, se répand aussi les rites liés à ces objets, telle la coutume de brûler de l’encens pour honorer les dieux ou les défunts ! Pour les petits objets, les vitrines sont tellement remplies qu’il est malheureusement difficile de savoir d’où ils viennent car les numéros sont très petits et les cartels difficiles à lire. C’est le seul reproche que nous ferons à cette exposition passionnante et instructive. Institut du Monde Arabe 5e (01.40.51.38.38) jusqu’au 20 avril 2008. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.imarabe.org.


Retour à l'index des expositions

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction