MAPPLETHORPE / RODIN

Article publié dans la Lettre n° 368
du 5 mai 2014


NOTA - La Réunion des Musées nationaux et le musée Rodin organisent simultanément deux expositions consacrées à Robert Mapplethorpe. La première est une rétrospective retraçant toute la carrière du photographe, la seconde confronte les œuvres de ce dernier avec celles de Rodin. Si vous ne pouvez en voir qu’une, c’est cette dernière qu’il faut privilégier tant la démarche est unique et les œuvres présentées exceptionnelles.

MAPPLETHORPE / RODIN. Voici deux artistes qui vécurent à des époques et sur des continents différents et que tout semble opposer. L’un aime les hommes, l’autre les femmes. Cependant le premier photographie aussi des femmes (Patti Smith, Lisa Lyon) et le second sculpte des corps masculins. L’un photographie aussi des sculptures et aurait aimé ce medium si son époque n’avait pas été placée sous le signe de la rapidité, et l’autre utilise la photographie tout au long de sa carrière. Néanmoins force est de constater que les similitudes sont nombreuses entre ces deux « artistes », car, s’il n’y a pas de doute en ce qui concerne Auguste Rodin (1840-1917), Robert Mapplethorpe (1946-1989) est bien, lui aussi, un « artiste », qui compose avec soin ses prises de vue, avant d’être un photographe.
Les similitudes sont identifiées par les commissaires selon sept thèmes. Le premier, intitulé « Noir et blanc / ombre et lumière », montre l’usage que Mapplethorpe fait du noir et blanc, en accentuant les contrastes. Comme pour Rodin, la lumière est l’instrument principal de ses compositions. Avec « Le goût du détail », le doute n’est plus permis, comme le montrent ces photographies de pieds pour l’un ou de sculpture d’un pied - un détail qui se suffit à lui-même sans avoir besoin de le compléter avec le corps tout entier - pour l’autre. Tous les deux aiment faire des « Assemblages et compositions » originaux. Rodin fait jaillir un petit nu féminin de l’intérieur d’un vase tandis que Mapplethorpe y met, plus prosaïquement mais avec recherche, une fleur (Lys Calla, 1985). Avec « Erotisme et damnation », on est au cœur de leur démarche, surtout pour Mapplethorpe qui photographie des sexes d’hommes au repos (Eric, 1980) ou en érection (Cock, 1982) tandis que Rodin représente les ébats amoureux de deux femmes (Femmes damnées, vers 1895-1890). Plus étonnant encore « Le drapé » est utilisé par les deux artistes dans certaines de leurs œuvres. Balzac ou le buste de L’Âge d’airain (vers 1895) pour Rodin, Maybelle (1982) ou Chest / Carlton (1987) pour Mapplethorpe. Dans la même veine, « Matière et abstraction » montre que les deux artistes ont utilisé la rugosité de la matière dans leurs œuvres. Rodin sculpte des corps semblant sortis de leurs gangues (La Chute d’Icare, avant 1910). Mapplethorpe recouvre une partie du corps du modèle d’une fine couche de boue qui a craquelé en séchant (Lisa Lyon, 1978). Enfin, avec « Mouvement et tension », les deux artistes représentent les corps dans des attitudes qui ne sont pas naturelles (Raymond, 1984 pour l’un - Femme accroupie, 1881-1882 pour l’autre) afin de mettre en valeur la ligne du corps ou de représenter le mouvement alors que ces œuvres sont par essence statiques. C’est ainsi que Rodin déclarait que « la sculpture montre le déroulement progressif du geste (…) car dans la réalité le temps ne s’arrête pas. » Une exposition d’une très grande intelligence qui met en perspective 50 sculptures de Rodin avec plus de 100 photographies de Mapplethorpe. Musée Rodin 7e. Jusqu’au 21 septembre 2014.
Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.musee-rodin.fr.


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