« CLAUDE LE LORRAIN,
le dessinateur face à la nature »
Article
publié exclusivement sur Internet avec la Lettre n°
327
du
23 mai 2011
CLAUDE LE LORRAIN, le dessinateur face
à la nature. Le musée du Louvre et le musée Teylers de Haarlem
se sont associés pour nous présenter un ensemble varié des dessins
de Claude Gelée dit Le Lorrain (1600 ou 1604/1605 - 1682), représentatif
de l'abondante production de cet artiste dont on a dénombré quelque
1.200 feuilles dans le monde.
Ce qui frappe tout d'abord, c'est la très grande variété de techniques
employées par Le Lorrain : plume, pierres, lavis de couleur, rehaut
de gouache blanche, parfois sur papier bleu. Il arrive ainsi à de
véritables petits tableaux en couleur comme Persée et l'origine
du corail (vers 1671-1674), extrêmement aboutis.
Quel était l'objet de ces dessins ? Un certain nombre a été fait
en plein air. Les témoignages de ses contemporains l'attestent tout
autant que le style et les sujets des dessins en question. C'est
en particulier le cas des premières feuilles présentées dans cette
exposition, qui adopte un parcours chronologique. D'autres ont manifestement
été réalisés ou retravaillés en atelier. Très peu ont pu servir
d'esquisse pour les toiles qui étaient commandées au Lorrain par
les plus grandes personnalités de son époque comme le roi Philippe
IV d'Espagne pour le Palacio del Buen Retiro ou le pape Urbain VIII.
Au contraire, dès 1635, Claude recopie sous forme de dessins ses
peintures pour en garder le souvenir dans son atelier. Ces dessins
étaient peut-être une sorte de « base de données » dans
laquelle Le Lorrain aurait puisé pour tel ou tel détail, mais Joachim
von Sandrart, son biographe, écrit en 1675 : « Claude, par
sa longue obstination, sortit tout ce que son abondante mémoire,
pour ainsi dire, avait extrait de la nature et de la vie ».
Il n'avait donc pas besoin de notes pour réaliser ces toiles dans
lesquelles les personnages, sujets de l'œuvre, étaient placés dans
des paysages magistraux. Nous pouvons en admirer quelques-unes dans
cette exposition, comme La Fête villageoise (1639) ou Le
Parnasse (1652).
Finalement l'idée nouvelle selon laquelle il faisait ces dessins
pour son plaisir, pouvant donner libre cours à son imagination et
à sa fantaisie, sans la contrainte des commanditaires, est assez
séduisante et tout à fait plausible. Après des heures de travail
appliqué et laborieux sur de grandes peintures, un dessin sur son
sujet de prédilection, la nature, n'était-il pas un dérivatif ?
D'ailleurs Le Lorrain ne vendait pas ses dessins et prétendait même
ne pas en avoir ! A sa mort on en trouva des centaines, dont la
plupart étaient soigneusement datés, voir numérotés et réunis en
carnets, aujourd'hui démembrés. Nous pouvons voir des feuilles de
deux de ces carnets, le Livre de la Campagna, dessins exécutés
dans la campagne romaine, et le Livre de Tivoli, où il ne
s'agit plus d'esquisses exécutées spontanément sur le motif, mais
de compositions réfléchies et plus soignées.
En confrontant les dessins du Lorrain à quelques-uns de ses contemporains,
en montrant côte à côte des feuilles ou des peintures aux sujets
analogues, cette exposition permet aussi aux spécialistes de progresser
dans la connaissance de cet artiste majeur qui donna véritablement
ses lettres de noblesse au paysage. Pour Le Lorrain « le paysage
doit exprimer l'histoire qui se déroule en son sein, suggérer l'atmosphère
et les sentiments ». Rien d'étonnant qu'il délaisse le traitement
des personnages à tel point que ses contemporains diront : «
Il se faisait payer pour les paysages, mais il donnait les figures
». Une très belle exposition, pleine de charmes, à taille
humaine qui nous offre plus de 130 œuvres de toute sorte. Musée
du Louvre 1er (01.40.20.53.17) jusqu'au 18 juillet 2011. Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien
: www.louvre.fr.
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