LINDER. FEMME / OBJET
Article
publié dans la Lettre n° 352
du 25 mars 2013
LINDER. FEMME / OBJET. Le Musée
d’Art moderne de la Ville de Paris présente la première
rétrospective consacrée à l’artiste britannique
Linder Sterling. Née Linda Mulvey, à Liverpool, en
1954, elle prend en 1976 le pseudonyme de Linder, dont la résonance
allemande lui plaît beaucoup, puis en 1980 le patronyme de
Sterling pour pouvoir s’inscrire dans un club de gymnastique !
Sous ce nom elle investit différentes formes artistiques,
des arts plastiques à la musique en passant par la mode.
Mais ce qui la rend le plus célèbre sont ses collages
réalisés avec soin à partir d’images
choisies dans toutes sortes de magazines. Elle possède une
gigantesque collection de revues des années 40 à nos
jours, classées par thème et par année, avec
d’un côté des revues féminines (mode,
romance, décoration) et de l’autre des revues masculines
(automobile, bricolage, érotisme). Son but : « faire
s’accoupler les cuisines aménagées et la pornographie
afin de voir quelle espèce en naîtrait ».
En 1976 elle réalise une image (Sans Titre), montrant
un corps féminin dont les seins sont des bouches et la tête
un fer à repasser. Ce collage la rend d’emblée
célèbre. D’une part, elle montre déjà
que « les femmes ont plus d’une paire de lèvres »
et d’autre part que, pour l’homme, la femme idéale
a un corps parfait et sexualisé à l’extrême,
et une tête réduite à un appareil utilitaire,
montrant ainsi son aliénation. Plus tard, Linder réalise
un grand nombre de collages dans le même esprit, représentant,
par exemple, une danseuse de ballet dont la tête est remplacée
par une assiette de biscuits et surtout des femmes plus ou moins
nues dont la tête est recouverte par une fleur ou par toutes
sortes d’objets ménagers. Malgré la sévérité
du propos, ces collages sont souvent ironiques et plaisants à
voir, car Linder choisit avec soin les images qu’elle découpe,
au scalpel, pour plus de précision.
Parmi les quelques 200 œuvres qu’elle présente,
cette rétrospective nous montre, à côté
de ces collages produits à une époque où Linder
et les autres artistes contemporains avaient peu de moyens, des
photographies de Morrissey, pour lequel elle réalisa des
couvertures d’albums, des collages effectués sur des
dessins humoristiques, des photomontages numériques, réalisés
à partir de négatifs trouvés, montés
sur aluminium, des collages sur photographies et enfin de grands
caissons lumineux dont les photomontages sont élaborés
avec Photoshop.
On retiendra de cette exposition, originale et complète,
le propos tout à la fois sévère et ironique
associé à un travail d’une très grande
qualité esthétique de Linder, et la diversité
de ses œuvres puisqu’elle réalisa aussi, à
côté de ses collages, de ses photographies et de ses
dessins, des performances, dont un concert à l’Hacienda,
en 1982, qu’elle donna vêtue d’une robe en viande
alors qu’elle est végétarienne ! Alors,
femme ou objet ? La réponse est encore posée
aujourd’hui par l’artiste, en dépit de plusieurs
décennies de luttes féministes. Musée d’Art
moderne de la Ville de Paris 16e. Jusqu’au 21 avril 2013.
Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici.
Lien : www.mam.paris.fr.
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