GOYA
GRAVEUR
Article
publié dans la Lettre n° 282
GOYA GRAVEUR. Le Petit Palais a réuni
quelque 210 estampes de Francisco José de Goya y Lucientes (1746-1828),
provenant de son propre fonds issu de la collection des frères Dutuit,
de la bibliothèque de l'INHA, fondée par le couturier Jacques Doucet,
de la Bibliothèque nationale de France, de la Bibliothèque nationale
d'Espagne, de musées américains, etc. C'est dire toute l'importance
de cette exposition où tout un chacun peut admirer les œuvres extraordinaires
du maître, tandis que les spécialistes pourront apprécier les subtilités
du travail de Goya grâce à la juxtaposition de plusieurs états d'une
même gravure. L'exposition se veut aussi didactique, non seulement
en nous expliquant clairement les trois procédés utilisés par Goya
: l'eau forte, l'aquatinte et la lithographie (inventée en 1798)
mais aussi en nous montrant une presse à imprimer ces gravures et
des estampes tirées à différents états du travail créatif de l'artiste.
Homme du XVIIIe siècle imprégné de la philosophie des Lumières,
Goya connut la gloire grâce à la peinture, jusqu'à devenir premier
peintre du Roi. Mais c'est par la gravure qu'il devint le témoin
engagé de son temps, au cours de cinquante années parmi les plus
sombres de l'histoire de son pays avec les conséquences de la révolution
européenne, l'invasion étrangère et la guerre civile. L'exposition
suit un parcours chronologique qui correspond également aux grandes
séries qui ont fait la renommée de l'artiste.
En introduction sont présentées des gravures de Rembrandt et de
Velázquez, deux des trois maîtres de Goya, le troisième étant la
nature, et des Tiepolo, père et fils. Il apprécia les œuvres de
ces derniers et s'en inspira dans ses premières gravures : L'Aveugle
à la guitare, une scène de genre, et Le Garrotté, témoignage de
la cruauté humaine, thème récurrent dans son œuvre. Goya participe
aussi à faire connaître l'art des artistes espagnols en gravant
des copies de tableaux célèbres, comme Les Ménines, sujet
resté inédit.
Viennent ensuite Les Caprices (Los Caprichos), publiés en
1799 sous forme d'un album de 80 planches gravées à l'eau forte
et à l'aquatinte. En effet Goya aimait utiliser simultanément les
deux techniques, la première donnant les traits et la seconde de
grands aplats sombres plus ou moins granuleux, combinés avec des
parties de la feuille restées blanches. Avec ces images de «
fantaisie » où se mêlent le fantastique, le macabre et l'irrationnel,
Goya dénonce les mœurs de son temps (ambition forcenée, vénalité,
abus de pouvoir) et une société rétrograde où l'église exerce une
influence liberticide. Le pouvoir ne s'y trompe pas et l'artiste
préfère retirer de la vente les 240 exemplaires qui restent et les
remettre, avec les plaques, à la Chalcographie royale contre une
pension pour son fils.
Le parcours se poursuit par Les Désastres de la guerre (1810-1820),
qui évoquent tout à la fois la guerre menée par l'armée de Napoléon
en 1807 et 1808 (qui lui inspirèrent les fameuses toiles le Deux
Mai à la Puerta del Sol et Les Fusillades du 3 mai) ,
que le soulèvement populaire de 1810, la famine qui s'en suivit
et les exécutions. Le visiteur pourra apprécier, grâce aux 39 épreuves
d'état présentées, la série telle que Goya l'avait conçue et non
pas telle qu'on a l'habitude de la voir. En effet les plaques ne
furent utilisées, après remise en état, qu'en 1863, après la mort
de Javier Goya, le fils de l'artiste.
Après cette série très connue qui inspira tant les artistes par
la suite, par exemple Picasso avec Guernica, vient la série
consacrée à la Tauromachie (1815-1816). Nous y voyons des
épreuves d'état et de première édition décrivant l'histoire de la
tauromachie des anciens Maures chassant les taureaux sauvages jusqu'au
Cid et à Charles Quint et se poursuivant par des figures de bravoures
que l'on ne voit plus aujourd'hui. Ces gravures étant d'assez grand
format, il est plus facile de les apprécier et de comparer les différentes
épreuves.
Dernière série exposée, les fameuses Disparates (1815-1824)
dont on connaît 22 planches jamais publiées du vivant de l'artiste,
soucieux d'éviter les ennuis qu'il avait connus avec Les Caprices.
En effet il s'agit là aussi d'œuvres où Goya laisse libre court
à son imagination. Le mystérieux et le fantastique prennent résolument
le pas sur le rationnel. Ces estampes retrouvées dans la Quinta
del Sordo à la mort de Javier en 1854, fascineront les artistes
symbolistes qui les découvrent à partir de la publication de 18
d'entre elles en 1864.
L'exposition se termine par des lithographies (1819-1826) dont les
quatre fameux Taureaux de Bordeaux, ville où Goya alla s'installer
en 1824, et par quelque 80 gravures d'artistes qui puisèrent leur
inspiration dans l'œuvre gravé de Goya. Parmi ceux-ci sont exposés
Delacroix, Manet, Desbrosses (Les Désastres du siège de Paris
en 1870), Redon, etc. Plus qu'une exposition c'est un événement
permettant de mieux comprendre l'œuvre et le travail de Francisco
Goya. Petit Palais 8e. Jusqu'au 8 juin 2008. Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien:
www.petitpalais.paris.fr.
Retour
à l'index des expositions
Nota:
pour revenir à « Spectacles Sélection »
il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction
|