Parcours en images de l'exposition

GALLEN-KALLELA
Mythes et nature

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°547 du 11 mai 2022



 

Titre de l'exposition
 
Axel Gallén, qui prit en 1907 le nom à la consonance finnoise d'Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), est aujourd'hui l'un des artistes finlandais les plus illustres du tournant du XXe siècle. Né à Pori, ville du sud-ouest de la Finlande, rattachée à l'Empire russe jusqu'en 1917, il est l’auteur d'une œuvre riche et variée au sein de laquelle le mythe et la nature jouent un rôle prépondérant. À travers cette double thématique, l'évolution de l'artiste, du naturalisme au symbolisme en passant par l'expressionnisme, ainsi que la variété des domaines artistiques abordés, éclairent d'un jour nouveau la peinture de paysage finlandaise. Homme au tempérament audacieux, figure cosmopolite, artiste prolifique explorant une diversité de thèmes, de techniques et de supports, sa vie est marquée tant par ses voyages en Europe et hors de ses frontières que par son attachement à la mythologie et à la nature finlandaises dans lesquelles il puise un vaste répertoire de motifs.
Portrait d'Akseli Gallen-Kallela.
 
Texte du panneau didactique.
 
 
 


1 - LES DÉBUTS NATURALISTES

Scénographie
LES DÉBUTS NATURALISTES

Après avoir fréquenté l'école de dessin de la Société des beaux-arts d'Helsinki, Akseli Gallen-Kallela séjourne à trois reprises à Paris (de l'automne 1884 à l'été 1889) pour suivre les cours de William Bouguereau et de Tony Robert-Fleury à l'Académie Julian, puis s'inscrire à l'atelier de Fernand Cormon. Son aîné finlandais Albert Edelfelt le guide avec bienveillance et soutient l'ambition du jeune artiste. Les débuts de celui-ci sont marqués par un style naturaliste et c’est pendant les mois d'été, qu'il passe en Finlande, qu'il peint des sujets inspirés par sa terre natale et ses habitants. Ses séjours au hameau de Ekola, à Keuruu, de 1887 à 1889, lui offrent des motifs de paysans qu'il expose lors de l'Exposition universelle de 1889 à Paris. Son intention première était pourtant déjà de présenter La Légende d’Aino, un sujet inspiré par le mythe finlandais du Kalevala auquel il avait consacré tous ses efforts au cours de l'été 1888. La représentation naturaliste du mythe, fortement inspirée par la Jeanne d’Arc de Jules Bastien-Lepage, remporte un succès considérable à son retour en Finlande. La commande d’une seconde version par le Sénat finlandais lui permet de voyager en compagnie de son épouse Mary Slöör en Carélie, région située au sud-est de la Finlande, en quête des sites originels du Kalevala.

 
Texte du panneau didactique.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Souffrance muette, 1889. Huile sur toile. Collection Ovaskianen.

Les œuvres des années 1880 témoignent de l'intérêt d’Akseli Gallen-Kallela pour le milieu rural. S'inspirant du naturalisme du peintre français Jules Bastien-Lepage, dont il voit l'exposition posthume à Paris en 1885, il peint les paysans de sa terre natale. En 1886, il entreprend son premier voyage au cœur de la Finlande à la recherche de sujets authentiques. Il observe alors les habitations traditionnelles et leurs intérieurs qu'il reproduit dans ses toiles. Intérieur de paysans montre une utilisation subtile de la lumière émanant du feu dans l’âtre et du jour rentrant par la fenêtre. Dans Souffrance muette, ce sont les yeux brillants d'une fièvre due à une blessure à la main et le regard intense fixant le spectateur qui captent l'attention.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Femme qui cuit du poisson, 1886. Huile sur bois. Inv. A Ill 1854. Collection Ahlström. Galerie nationale de Finlande, Musée des beaux-arts. Ateneum, Helsinki.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Autoportrait au chevalet, 1885. Huile sur toile, 55 x 46 cm. Collection particulière, photo : Aivi Gallen-Kallela-Siren.
Scénographie
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Jeune fille dans le vent, 1893. Huile sur toile. Inv. 397. Fondation Gösta Serlachius, Mänttä.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Le Faune, 1904. Huile sur toile, 67 x 65 cm. Inv. 196.B, Musée des beaux-arts, Budapest, photo : Szepműveszeti Muzeum / Museum of Fine Arts, 2021.

Dans cette œuvre à la perspective plongeante, Gallen-Kallela place le spectateur sur un pied d'égalité avec le jeune garçon, associé à la figure du faune. Le titre crée un lien entre la figure mythologique, constamment à la poursuite de jeunes nymphes, et celle du garçon en posture de voyeur, observant deux jeunes filles se baignant en contre-bas. Si les couleurs lumineuses du paysage évoquent la lumière chaude de l'été et l'atmosphère joyeuse du bord de l’eau, elles ne sont plus strictement naturalistes et expriment plutôt la subjectivité de l'artiste. Les contours, plus épais, renvoient au synthétisme du tournant du XXe siècle. Le traitement plastique et la composition témoignent ainsi de l’évolution du style de Gallen-Kallela à partir de sa phase symboliste.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). La Légende d'Aïno, 1888-1889. Huile sur toile. Banque de Finlande, Helsinki.

C'est au cours de l'été 1888, le seul qu'il passe à Paris, que Gallen-Kallela commence à peindre cette œuvre monumentale en vue de l'Exposition universelle de 1889. Inspirée de l'épopée finlandaise du Kalevala, elle représente la légende d'Aïno, une jeune fille qui, à la suite d’un concours de chant entre son frère et le vieux Väinämöinen, lui est promise en mariage. Elle s'enfuit préférant la noyade à cette union. Le panneau central représente Väinämöinen qui, parti pêcher, remonte dans sa barque sa fiancée métamorphosée en poisson. Reprenant son corps de femme, Aïno nargue le vieil homme et lui échappe à nouveau. S'inspirant de la mythologie finlandaise, Gallen-Kallela propose un traitement naturaliste du paysage et des figures.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). La Légende d'Aïno, 1888-1889, détail du panneau de droite. Huile sur toile. Banque de Finlande, Helsinki.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). La Légende d'Aïno, 1888-1889, détail du panneau central. Huile sur toile. Banque de Finlande, Helsinki.


2 - KALELA, LA MAISON-ATELIER

Scénographie
KALELA, LA MAISON-ATELIER

Dans une lettre datant de mars 1894 adressée à son ami Louis Sparre, peintre suédois rencontré à Paris, Gallen-Kallela confie : « comme je rêve d’avoir un atelier à moi ». Après avoir parcouru la Carélie et la Laponie, c'est finalement aux abords du lac de Ruovesi, dans une contrée peu habitée et difficile d'accès située à deux-cents kilomètres au nord de Helsinki, qu'il concrétise ce désir. Construite en 1894-1896, sa maison-atelier baptisée Kalela, dont il conçoit l'architecture et la décoration intérieure, dépasse le simple projet d'habitation pour relever de l'œuvre d'art totale.
Gallen-Kallela oscillera toute sa vie entre une aspiration à la solitude et le besoin de partager ses expériences : Kalela est un lieu d'échanges artistiques mais également un espace propice à l'isolement, loin de l'agitation des villes. La construction de la maison coïncide avec la perte douloureuse de sa fille aînée, Marjatta, évoquée dans des gravures comme Inspiration ou Ex-Libris Mary et Axel Gallén, représentant le couple regardant le cimetière depuis le porche de Kalela. La structure en rondins de bois de l'édifice, inspirée des fermes caréliennes, ses piliers massifs en forme de T caractéristiques, deviennent un motif pictural de prédilection pour l'artiste, qui produit de nombreuses vues de la maison au fil des années et des saisons.
C'est également l’occasion pour le peintre d'explorer divers domaines artistiques dès les années 1890. À l'occasion de séjours à Berlin et à Londres, il est au contact de courants promouvant les arts graphiques et décoratifs, et produit ainsi des vitraux, et plusieurs modèles de broderies et de tentures.


 
Texte du panneau didactique.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Kalela en automne, 1915, Huile sur toile, 33 x 31 cm. Collection particulière, © akg-images.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Mary tissant à Kalela, 1897. Huile sur toile, 66 x 54 cm. Collection particuliere, photo : The Gallen-Kallela Museum / Jukka Paavola.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Le Porche de Kalela, 1900. Huile sur toile. Collection Auguste et Lydia Keirkner. Galerie nationale de Finlande, Musée des beaux-arts Ateneum, Helsinki.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Kalela au clair de lune, 1906. Huile sur toile, 119 x 65 cm. Inv. GKM-299, Musée Gallen-Kallela, Espoo, photo : The Gallen-Kallela Museum / Jukka Paavola.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Printemps à Kalela, vers 1900. Huile sur toile. Inv. 419. Galerie du Belvédère, Vienne.
Scénographie
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Le Voile sombre de l’hiver, 1897. Eau-forte. Musée Gallen-Kallela, Espoo.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Finlande, lève-toi, 1896. Vitrail. Musée Gallen-Kallela, Espoo.

Lors d'un voyage à Londres en 1895 avec son épouse Mary, Gallen-Kallela s'intéresse au courant Arts & Crafts et acquiert pour travailler le verre un four qu'il rapporte à Kalela. Ce vitrail est l’un des premiers qu'il réalise dans sa maison-atelier dont la construction vient de s'achever. Il s'inspire d’un vitrail vu au South Kensington Museum, aujourd’hui le Victoria and Albert Museum, représentant une rose rouge couronnée, emblème des Lancaster. S'il en reprend la forme, sa couleur renvoie en revanche à la rose blanche présente dans l'héraldique finlandaise dès le XVIe siècle. Le titre de l’œuvre fait référence à une chanson patriotique composée par Emil Genetz sur des paroles écrites par son frère Arvid, et faisant office d'hymne national alternatif à partir de 1882. Dans la composition, la rose s'élève comme un astre au-dessus d'un paysage finlandais caractéristique, où la dense forêt se reflète dans les eaux d’un lac.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Ex-libris Mary et Axel Gallén, 1896. Gravure sur bois. Inv. GKM-692. Musée Gallen-Kallela, Espoo.

Akseli Gallen-Kallela se rend pour la seconde fois à Berlin en mai 1895 pour apprendre les rudiments de la gravure auprès de Joseph Sattler, peintre et graveur comptant parmi les figures de proue de l'Art nouveau allemand. Grâce à une presse acquise à Londres, l'artiste réalise ses premières gravures dès son retour à Kalela. Il prend pour motif sa maison-atelier sise au cœur de la nature, qu'il représente en peinture mais également dans la technique de la gravure sur bois et celle de l’eau-forte. Dans l’Ex-Libris Axel Gallén de 1904, il se représente lui-même fumant paisiblement la pipe, Contemplant l'immensité du paysage depuis un chalet en rondins de bois au sommet d'une montagne, illustrant le choix d’une vie retirée où l'artiste peut s’adonner à la contemplation et à la création.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Kalela, nuit d’hiver, 1896. Huile sur toile, 34 x 26 cm. Collection particulière, photo : Aivi Gallen-Kallela-Siren.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Étude pour un tapis (Ryijy), modèle Flamme, 1902. Aquarelle. Inv. 1180. Musée du Design, Helsinki.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Flamme, d'après un modèle d’Akseli Gallen-Kallela de 1902. Tissage de laine (ryijy) par les Amis des travaux manuels finlandais en 1913. Inv. G483. Musée du Design, Helsinki.

Le ryijy est une technique de tissage à points noués, utilisée dans la fabrication de tapis accrochés aux murs pour isoler du froid les demeures finlandaises. Intéressé par les traditions rurales et les arts décoratifs, Gallen-Kallela produit plusieurs modèles destinés à moderniser l'esthétique des tapis ryijy. Il les décore de motifs tirés de la nature qu'il simplifie dans des compositions très stylisées, à l'instar du modèle présenté ici inspiré de feuilles de fougères et de leurs spores, le motif inversé rappelant également des flammes. Un tapis fait sur le même dessin d’après un modèle de l'artiste a été exposé au Pavillon finlandais de l'Exposition universelle de 1900 à Paris, au sein d’une reconstitution d'un cabinet de travail dont le mobilier et le décor ont été conçus par Gallen-Kallela.


3 - BOTANIQUE

Scénographie
BOTANIQUE

Profondément attaché aux paysages qui l'entourent, Gallen-Kallela tire de l'observation de la nature finlandaise de nombreux motifs qu'il convoque dans des œuvres aux techniques et aux styles très divers. Influencé par la pensée ésotérique alors en vogue en cette fin de XIXe siècle, il fait évoluer son style afin de dépasser une représentation purement réaliste de la nature.
À Berlin, où il expose en 1895 aux côtés d’Edvard Munch, Gallen-Kallela s'intéresse à la gravure auprès de Joseph Sattler. De retour à Kalela, il réalise ses premières œuvres graphiques marquées par le deuil. La série intitulée La Mort et la fleur fait partie des premières gravures sur bois modernes en Finlande et témoigne d'une combinaison d’un art nouveau et ancien. Le thème de la jeune fille et la mort est illustré par le motif de la fleur à peine éclose et déjà coupée. Gallen-Kallela revient à cette image dans Printemps, œuvre appartenant au décor monumental du mausolée de la jeune Sigrid Juselius, disparue prématurément, auquel il se consacre de 1901 à 1903. C'est en Italie, où il s'est rendu en 1898, qu'il s’est intéressé à la technique de la fresque qu'il a adaptée dans le mausolée. La jeune fille repose dans un décor qui convie la nature autour de son cercueil. Les plantes rencontrées habituellement en Finlande sont traitées dans de délicates études botaniques, peintes à destination des voûtes ogivales de la crypte. Seuls en subsistent aujourd’hui les travaux préparatoires, les peintures ayant été ravagées par un incendie.

 
Texte du panneau didactique.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Printemps (Portrait d’Anna Slöör, étude pour le mausolée de Sigrid Juselius), 1902-1903. Huile sur toile, 79,5 x 53,5 cm. Inv. 1121, Fondation Gosta Serlachius, Mantta, photo: Yehia Eweis.

Le thème du printemps ouvrait le cycle des décorations murales du mausolée que l'industriel Fritz Arthur Juselius avait fait construire pour sa fille défunte. Ces dernières ont été détruites et seules subsistent les études préparatoires comme celle présentée ici. Dans ce fragment, Gallen-Kallela prit pour modèle sa jeune belle-sœur, Anna Slöör, pour représenter cette jeunesse fauchée par la mort. On retrouve ici la symbolique de la fleur coupée et le parallèle établi entre les cycles de la nature et les cycles de la vie.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). La Mort et la fleur, 1896. Gravure sur bois.
Inv. GKM-7352, GKM-3976, GKM-3977, GKM-7351. Musée Gällen-Kallela, Espoo.

Les gravures sur bois La Mort et la fleur sont les premiers essais de gravures colorées de l'artiste, composées à partir de cinq plaques utilisées alternativement. Dans un désir évident de varier les impressions, il associe différentes couleurs qu'il élabore lui-même, à partir de pigments naturels collectés autour de Kalela. Gallen-Kallela propose ici une version stylisée d’une fleur coupée, associée au crâne et à la main d'un squelette évoquant la perte de son enfant, disparue dans sa prime jeunesse. Malgré ces essais concluants, Gallen-Kallela ne produira finalement que peu de gravures en couleurs, que ce soit sur une matrice de bois ou de métal.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Molène (Ester von Christiersson), 1893. Gouache sur papier. Inv. GKM-7753. Musée Gallen-Kallela, Espoo.

La molène est une plante constituée d’une longue tige qui se couvre de petites fleurs jaunes en été. Ici la plante adopte la forme d'un point d'interrogation ou d’une crosse épiscopale. Placée au centre de la composition, elle dissimule en partie le visage d'une jeune femme, ajoutant à son étrangeté. Il s’agit d'Ester von Christiersson, une cousine de Mary Slöör. À l'arrière-plan se déploie un motif de petites croix sur fond rouge reproduisant un tissage traditionnel réalisé par l'épouse de l'artiste.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Pin, 1901. Inv. 75. Aquarelle sur papier. Fondation Sigrid Juselius, Helsinki.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Étude pour la décoration de la voûte : Aulne, Tremble, Sorbier, Saule, 1901. Aquarelles sur papier. Fondation Sigrid Juselius, Helsinki.


4 - KALEVALA ET MYTHES NORDIQUES

Scénographie
KALEVALA ET MYTHES NORDIQUES

Gallen-Kallela puise son inspiration dans la mythologie finlandaise dès sa prime jeunesse. Son voyage en Carélie a pour objet l'exploration des terres où l’ethnologue finlandais Elias Lönnrot a recueilli les légendes populaires ancestrales du Kalevala. Gallen-Kallela pense que ces lieux ont conservé la mémoire des héros mythiques, mais bientôt c'est l’ensemble de la nature finlandaise qu'il considère habitée par une présence invisible et sacrée. Ses modèles paysans disparaissent, remplacés par des figures mythiques. Il conçoit le projet d’une série de gravures sur le thème du Kalevala qui reprennent ou anticipent les sujets développés dans de puissantes peintures qui fondent sa réputation.
Avec son ami compositeur Jean Sibelius, le peintre s'attache à représenter une nature véritablement symphonique. Tous deux s'emparent du motif du Cygne de Tuonela, qui glisse sur les eaux sombres du royaume des morts derrière La Mère de Lemminkäinen comme dans un motif gravé issu du mausolée de Sigrid Juselius. Sibelius, lui, compose un poème symphonique qui porte ce titre.
La conception d’une nature animée et sacrée, portant les messages de l'univers, invite l'artiste à retrouver un environnement originel et intact. Dans plusieurs de ses œuvres, Gallen-Kallela entrelace les cycles de la vie et de la nature, accréditant l’idée d'un éternel retour. Ainsi dans l’œuvre ésotérique éminemment complexe qu'est La Rivière des morts, le souffle du compositeur et chef d'orchestre Robert Kajanus est associé au flux des morts qui, projetés dans un espace stellaire, seront rendus à la vie. Inspiré par la célèbre Île des morts d’Arnold Böcklin, Gallen-Kallela accorde au motif de l'île, si remarquablement présent dans le paysage finlandais, une dimension mystique. Coupée du reste du monde, l’île devient un refuge protecteur à l'abri de la civilisation.

 
Texte du panneau didactique.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). La Vengeance de Kullervo, 1896. Eau-forte. Häme Student Nation, Helsinki.
Scénographie
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). La Défense du Sampo, 1895. Gravure sur bois. Inv. GKM-739. Musée Gallen-Kallela, Espoo.

Gallen-Kallela a produit de nombreuses œuvres inspirées des épisodes du Kalevala, tant en peinture qu'en gravure. Le motif de La Vengeance de Kullervo a été travaillé à l’eau-forte avant d'être transcrit en peinture, tandis que la gravure sur bois a suivi la composition peinte de La Défense du Sampo. Appartenant aux contrées de Pohjola, l'objet est dérobé par le héros Väinämoinen : s'ensuit un affrontement avec Louhi, métamorphosée en aigle géant, afin de récupérer le Sampo, cet objet magique assurant la prospérité à son possesseur. Le traitement graphique qu'en offre l'artiste rappelle les estampes japonaises représentant des batailles. Enfin, La Mère de Lemminkäinen évoque une pietà moderne : se tenant sur les bords de la rivière des morts, rassemblant les membres éparpillés de son fils, démembré après avoir voulu tuer le cygne sacré de Tuonela, sa mère le ramène à la vie.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). La Rivière des morts, 1893. Technique mixte sur toile, 39 x 27,5 cm. Inv. G-2011-401, Villa Gyllenberg, Fondation Signe et Ane Gyllenberg, Helsinki, photo : Matias Uusikyla, Villa Gyllenberg / Fondation Signe et Ane Gyllenberg.

Dans ce tableau, on aperçoit les corps des défunts emportés par le courant : la scène évoque la migration cosmique des âmes. La figure masculine monumentale reprend les traits du compositeur et chef d'orchestre Robert Kajanus, que Gallen-Kallela désignait comme son maître à penser.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Conceptio Artis (fragment), 1895. Huile sur toile.  Collection particulière.

Ce fragment provient de l’œuvre Conceptio Artis, créée en illustration d’une nouvelle de l’auteur symboliste Adolf Paul. Un homme tournant le dos à un monde de félicité aperçoit dans un champ, à l’orée d’une forêt, la silhouette blanche et lumineuse d'une sphinge. Attiré, il s’en approche au milieu d'une tempête de couleurs et de sons. Il parvient à s’accrocher à la statue au milieu du tourbillon assourdissant, mais elle se dérobe et laisse l’homme seul et hagard. La couverture du livre d’Adolf Paul, Le Prophète déchu (1894) reprend ce même motif. Conceptio Artis, large de deux mètres, a été découpée en plusieurs morceaux par Gallen-Kallela en 1919. Ce fragment représente ici une sphinge, inspirée de la statuaire égyptienne, symbolisant le mystère de l’art et de la vie.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Le Chemin de fer, 1896-1897. Eau-forte. Musée Gallen-Kallela, Espoo.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). La mère de Lemminkaïnen, 1905. Eau-forte. Hämen Student Nation, Helsinki.


5 - COSMOS

Scénographie
COSMOS

Dès avant son installation dans sa maison-atelier, en 1893, Akseli Gallen-Kallela se passionne pour l'observation des étoiles en compagnie de son ami sculpteur Emil Wikström. La lecture des ouvrages de Camille Flammarion, qui conjuguent l'astronomie et une pensée spirituelle, ainsi que l'étude des premières illustrations scientifiques du ciel alimentent sa peinture. Ses œuvres du tournant du XXe siècle sont imprégnées par un symbolisme cosmique inscrivant l'existence humaine dans un univers qui le dépasse et cherchant des réponses à l'interrogation de la vie après la mort.
Tournées vers l'univers, ou bien le traversant dans une transe extatique, ses figures incarnent la dimension mystique de son œuvre. Dans la seconde version d’Ad Astra, Gallen-Kallela a finalement peint les stigmates du Christ dans la paume de la jeune fille. Cette fusion d'éléments chrétiens et de concepts théosophiques, caractéristique de l'occultisme de cette époque, a été relevée par August Strindberg dans son roman parisien Inferno.
Il en va de même de la théorie de l'harmonie des sphères, reprise à Pythagore et développée à l'époque médiévale, qui suscite un intérêt nouveau en occident.

 
Texte du panneau didactique.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Ad Astra, 1907, panneau central. Huile sur toile, cadre avec volets en bois doré, 76,5 x 85 cm. Inv. G-2011-50, Villa Gyllenberg, Fondation Signe et Ane Gyllenberg, Helsinki. Photo Matias Uusikylä, Villa Gyllenberg.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Ad Astra, 1907. Huile sur toile, cadre avec volets en bois doré, 76,5 x 85 cm.
Inv. G-2011-50, Villa Gyllenberg, Fondation Signe et Ane Gyllenberg, Helsinki. Photo Matias Uusikylä, Villa Gyllenberg.

Gallen-Kallela produit deux versions d’Ad Astra. La première est achevée en 1896 et l’Adorante, présentée dans cette salle, en est une étude préparatoire. Per aspera, ad astra signifie en latin «à travers les difficultés, vers les étoiles ». Les années 1894-1896 correspondent aux œuvres majeures de Gallen-Kallela d'inspiration ésotérique et d’expression symboliste. L'œuvre originelle a une telle importance pour l'artiste, qu'il refuse de s'en séparer. La seconde version présentée ici date de 1907 et comporte quelques modifications. La jeune fille porte les stigmates que l'artiste avait supprimés dans la première version.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Adorante, 1894. Pastel et tempera sur papier. Collection particulière.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Cosmos (projet pour le mausolée de Sigrid Juselius), 1902, huile sur toile. Inv. JK-10. Fondation Sigrid Juselius, Helsinki.

Cosmos fait partie des œuvres préparatoires pour les décorations murales du mausolée dédié à Sigrid Juselius. Gallen-Kallela est un lecteur de l’astronome et précurseur de la science-fiction Camille Flammarion, dont les romans présents dans sa bibliothèque Lumen (1887) et La Fin du monde (1894) avancent l'existence d’autres mondes habités. Ici, Saturne, Jupiter et la Lune sont couronnés par un orgue, qui fait référence à la théorie pythagoricienne de l'harmonie céleste ou « musique des sphères », associant l'espacement entre les planètes à des intervalles musicaux.


6 - PAYSAGES DE SILENCE

PAYSAGES DE SILENCE

Les salons parisiens et expositions universelles du XIXe siècle engendrent tout à la fois une compétition entre artistes et un désir de se distinguer sur la scène artistique internationale. La Finlande se démarque alors des autres pays européens et nordiques par ses innombrables lacs, qui font sa particularité. Les paysages enneigés et les vastes étendues lacustres prises par les glaces, dont Gallen-Kallela donne des vues époustouflantes, constituent l'identité finlandaise. Les figures disparaissent de ces paysages immaculés, où même la présence animale se limite à quelques empreintes de lynx dans la neige. Un grand silence se dégage des œuvres hivernales, peintes sur le motif mais aussi à l'aide de photographies.
L'artiste acquiert une stature internationale au sein des avant-gardes européennes : fait chevalier de la Légion d'honneur en France en 1902, il participe la même année à l'exposition du groupe Phalanx à Munich à l'invitation de Kandinsky. Entre 1901 et 1904, il expose à la Sécession de Vienne où ses œuvres impressionnent les collectionneurs.
Le Salon d'Automne de 1908, à Paris, où une section est consacrée à la Finlande, suscite une forte réaction parmi les artistes finlandais égarés dans un symbolisme finissant. Gallen-Kallela retourne à Paris se confronter au fauvisme et se familiariser avec l'œuvre de Paul Gauguin, qui est désormais célébré comme le maître de la couleur. Conjuguant fauvisme et expressionnisme, Les Skieurs expérimentent une nouvelle liberté de la touche picturale et une palette très vive.


 
Texte du panneau didactique.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Ombres bleues sur la glace, lac de Ruovesi en hiver, 1916. Huile sur toile, 45 x 60 cm. Collection Carl Gustaf Ehrnrooth.

Après une interruption de près de quinze ans, Gallen-Kallela retourne à Kalela avec sa famille en août 1915. L'artiste redécouvre alors l'atmosphère de la forêt de pins et du lac Ruovesi en contrebas. Ici, la représentation s'attache au rendu des couleurs et de la lumière hivernale dans un format panoramique avec une vue plongeante sur le lac gelé. L'artiste peint plusieurs versions de cette vue, ici les ombres bleues sur le lac dynamisent la composition et l’arbre qui se dresse vient souligner l’intense solitude et le silence de ce paysage sauvage. La luminosité particulière de l'hiver finlandais confère une grande sérénité à cette toile qui traduit sans doute le bonheur de retrouver Kalela après une longue absence.


7 - PAYSAGES DE SILENCE (suite)

Scénographie
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Vision de février, 1905. Huile sur toile. Banque de Finlande, Helsinki.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Les Skieurs, Akseli et Jorma Gallen-Kallela, 1909. Huile sur toile, 77 x 100 cm. Collection particulière, c akg-images.

L'exposition finlandaise au Salon d'Automne de 1908 suscite chez Gallen-Kallela un vif questionnement. Le peintre réalise avoir été trop longtemps absent de la scène artistique parisienne et s'installe alors à Paris avec sa famille. En réponse au fauvisme, qu'il y découvre, et à l’expressionisme allemand, dont il a fréquenté les protagonistes à Berlin, il réalise cette peinture étonnante, aux couleurs vives, le représentant en train de skier avec son fils.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). La Tanière du lynx, 1906. Huile sur toile, 98 x 67 cm. Collection particulière, photo : The Gallen-Kallela Museum / Jukka Paavola.

La Tanière du lynx est caractéristique du travail de l'artiste à plusieurs égards. Son intérêt pour une nature sauvage est souligné ici par l'observation de la faune : seules quelques empreintes de pas dans la neige révèlent la présence du lynx, animal par ailleurs très discret. La composition a sans doute été préparée à l'aide d'une photographie prise par l'artiste au cours de ce même hiver et qui atteste de son processus créatif. Gallen-Kallela en retravaille légèrement le cadrage pour mettre en évidence l'arbre du premier plan et la neige de l'arrière-plan, et y ajoute les empreintes de l'animal. La facture synthétique de l'œuvre, notamment dans les ombres, ajoute à la représentation de ce paysage naturel une part de fantastique.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Forêt en hiver, 1900, Huile sur toile, 55,5 x 43,5 cm. Collection particulière, photo : The Gallen-Kallela Museum / Jukka Paavola.
Scénographie
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Paysage d’hiver, 1908. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Paysage d'hiver, s. d. Huile sur toile. Inv. VTY-990. Dépôt des Amis de Viipuri (Viborg). Musée des beaux-arts de Lappeenranta.

Ce paysage à la lumière bleutée est emblématique de la production de Gallen-Kallela, qui arpente les forêts par tous les temps. L'œuvre est également à rapprocher de sa pratique de la photographie. Le fonds conservé au musée Gallen-Kallela d'Espoo compte des dizaines de clichés d'arbres émergeant sous le manteau de neige. On y retrouve le motif des ombres projetées, élément récurrent du paysage symboliste nordique. Ce symbolisme repose sur la tension entre la surface immobile, ouatée et douce, et la suggestion de son impermanence. Ainsi, la simplicité apparente du paysage sous-tend en réalité une réflexion sur le changement des saisons et les cycles de la vie.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Paysage d’hiver, 1917. Huile sur toile. Inv. RKK 943. Collection Eino Valtonen. Musée des Beaux-Arts de Rauma.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Automne (étude pour le mausolée de Sigrid Juselius), 1902. Huile et tempera sur toile. Inv. JK-8. Fondation Sigrid Juselius, Helsinki.


8 - LA NATURE EN MAJESTÉ

Scénographie
LA NATURE EN MAJESTÉ

Délaissant les paysages du bord de la mer Baltique, Gallen-Kallela s'attache à ceux de la Finlande intérieure très boisée et parsemée de grands lacs. L'artiste part à la découverte de son environnement, pinceaux et palette à la main, et se déplace dans un rayon étonnamment large à la recherche de sujets pour ses peintures : l'hiver, il peut skier jusqu'à soixante kilomètres par jour, tandis qu'il se promène à pied ou à bicyclette l'été. Installé sur des hauteurs, il produit des vues panoramiques mais également des formats verticaux, avec une ligne d'horizon placée très haut dans la composition, directement inspirée des estampes japonaises alors en vogue en Europe. Conçus depuis une barque, certains paysages de lacs adoptent un format carré où le regard se perd dans un jeu de reflets entre le ciel et l’eau.
Gallen-Kallela semble surtout attiré par les demi-saisons et les phénomènes naturels qui les accompagnent. Peu à peu, son rapport au paysage évolue et si le traitement des rochers, de l’eau, de la végétation demeure naturaliste dans de nombreuses toiles, Gallen-Kallela sublime le genre dans la représentation des reflets et des nuages.
Défenseur d’une nature sauvage, l'artiste ne peut complétement ignorer la croissance fulgurante de l'industrie du bois et du papier, qui atteint son apogée en Finlande au début du XXe siècle. Les entreprises forestières accaparent non seulement les forêts mais également le réseau fluvial et lacustre. Bien avant l'écologie, les écrits de Gallen-Kallela témoignent de sa préoccupation face à l’industrialisation et au pillage des ressources naturelles. L'artiste considère la nature comme un ensemble dynamique, dont l'homme ne constitue qu'un élément.

 
Texte du panneau didactique.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Paysage sauvage de lac, 1892. Huile sur toile, 72 x 51 cm. Inv. 209, Fondation Gosta Serlachius, Mantta, photo : The Gosta Serlachius Fine Arts Foundation, Teemu Kalli.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Nuit de printemps, 1914. Huile sur toile, 115,5 x 115,6 cm. Collection particulière, photo : Jouko Vatanen, Helsinki.

On retrouve dans Nuit de printemps la luminosité spécifique des nuits sans obscurité pendant la période estivale en Finlande, l'œuvre décrivant ce moment où le soleil est au plus bas dans le ciel mais ne disparaît pas. Sur le côté, des arbres en repoussoir guident l'œil du spectateur vers le centre de la composition où s'épanouit un paysage lacustre. L'image est frappante d'immobilité, la verticalité des arbres répondant au reflet de la lune dans l'eau. Cette œuvre contemporaine du développement de l’abstraction en Europe demeure figurative, témoignant de l'attachement de Gallen-Kallela à la représentation concrète de la nature.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Nuages formant des tours, 1904. Huile sur toile. Inv. DAM 1028. Musée d'Art Didrichsen, Helsinki.

L'œuvre date de 1904 et fait suite à une longue période consacrée à la création de décorations murales à l’iconographie complexe pour le mausolée de Sigrid Juselius. Gallen-Kallela éprouve le besoin essentiel de revenir à l'étude de la nature, et ce tableau, conçu depuis une barque, témoigne d’une volonté de renaissance créative manifeste dans le travail de la lumière et des nuages dont les formes s'épousent au ras de l’eau.
Scénographie
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Lac Keitele, 1905. Huile sur toile, 53 x 66 cm. Inv. NG6574, The National Gallery, Londres, Copyright The National Gallery, London 2021.

Après Une année 1904 difficile, ponctuée de nombreux voyages, l'artiste loue un chalet estival au bord du lac Keitele où il s'installe avec sa famille. Profitant d’une vue imprenable sur les paysages alentour, il peint la surface du lac où s'entrecroisent les obliques des parties encore gelées, les reflets de nuages lumineux, et la masse sombre des arbres et des montagnes au loin. On y retrouve également la symbolique de l'île comme refuge. Cette œuvre est caractéristique du développement de l’art moderne nordique, l'artiste travaillant à toujours plus de stylisation. Il peint quatre versions de ce lac du centre de la Finlande, entre 1904 et 1906, dont celle-ci qui est la plus célèbre et vraisemblablement la première présentée au public en 1906. Elle figure aujourd'hui parmi les œuvres favorites des visiteurs du musée londonien, qui lui a consacré une exposition en 2017.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Nuages d’orage à l’horizon, 1897. Huile sur toile. Inv. 312. Fondation Gösta Serlachius, Mänttä.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Vuokatti, 1890. Huile sur toile. Collection particulière.