JEAN-LOUIS FORAIN (1852-1931)
« La
Comédie parisienne »
Article
publié dans la Lettre n° 324
du
21 mars 2011
JEAN-LOUIS FORAIN (1852-1931) « La Comédie
parisienne ». Poursuivant sa tâche de faire connaître des artistes
injustement oubliés, le Petit Palais nous présente l’un des plus
intéressants de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. En effet
Forain est un artiste aux talents multiples dont la principale qualité
est d’avoir jeté un œil ironique et cruellement réaliste sur son
époque. Fils d’un modeste artisan peintre, décorateur d’enseignes,
il eut la chance d’avoir pour maîtres, Gérôme puis Carpeaux, mais
pour peu de temps, et enfin le caricaturiste André Gill. C’est ce
dernier qui manifestement le marqua le plus car Forain se signale
avant tout par ses talents de caricaturiste et, bien sûr, de dessinateur.
De ses premiers dessins dans de modestes publications, à partir
de 1876, jusqu’à sa collaboration suivie avec les plus grands journaux
de l’époque tels le Figaro, l’Echo de Paris, le New York Herald,
le Temps, etc. jusqu’en 1925, il fut le témoin de son époque et
tout particulièrement de la vie parisienne. La comparaison avec
Daumier n’est pas exagérée. Mieux encore, et c’est ce que nous avons
appris, entre autres, avec cette exposition, Forain rédigeait lui-même
les légendes de ses dessins, contrairement aux autres dessinateurs
de presse de son époque et d’avant.
Mais Forain n’est pas qu’un dessinateur très talentueux, dont les
œuvres ont été publiées dans des recueils sous le nom de « La Comédie
parisienne », c’est aussi un peintre remarquable. Assez vite, il
devient l’ami de l’écrivain Huysmans dont il illustre certains recueils
naturalistes. Chassé du foyer familial en 1869, à l’âge de dix-sept
ans, suite à son renvoi injuste du cours de Carpeaux, il mène une
vie de bohème, vivant quelque temps avec Rimbaud, fréquentant les
lieux où des discussions enfiévrées menées par Manet et Degas révolutionnent
l’art, jusqu’à ce que ce dernier l’invite à exposer, à quatre reprises,
avec le groupe impressionniste, de 1879 à 1886. Dans celles-ci,
avec une parfaite maîtrise des théories impressionnistes sur la
lumière et la couleur, il privilégie les scènes de la vie quotidienne,
celles qu’il connaît le mieux, tels les spectacles, les courses,
les cafés, les coulisses, bref tous les lieux de plaisirs, comme
il le fera dans ses dessins de presse.
Néanmoins, en 1884, il sera reçu au Salon avec Le Buffet,
puis l’année suivante avec Le Veuf. C’est donc un artiste
reconnu et très connu grâce à ses dessins. Lui-même fonde son propre
journal, Le Fifre, en 1889 puis, en 1898, avec Caran d’Ache
et le soutien actif de Degas et Barrès, Pstt… !, journal
antidreyfusard. S’il s’agit là d’une incontestable erreur d’appréciation,
comme un certain antisémitisme fréquent dans ses dessins, cela n’a
rien d’exceptionnel dans le contexte de l’époque. Retenons plutôt
le regard sans concession qu’il porte sur ses contemporains. Par
exemple les petites danseuses de l’opéra, faisant la vaisselle le
matin et dansant le soir, ou les ballerines obligées pour survivre
de se faire entretenir par de riches bourgeois. Ou encore les maisons
closes où Le Client se demande qu’est-ce qu’il fait là et
qui il doit choisir ! Retenons aussi le patriote qui, à 62 ans,
s’engage en 1914 dans l’armée, dans la section de camouflage, produisant
durant toute la guerre 208 dessins de presse, dont certains, comme
La Borne, sont lancés par avion au dessus des lignes ennemies.
Florence Valdès-Forain, commissaire de cette exposition, a su montrer,
avec plus de 220 œuvres, toutes les facettes de son aïeul, les présentant
en treize thèmes, un par salle, depuis « La vie de bohème & les
amitiés littéraires » jusqu’au « rayonnement de l’artiste » (hommages
d’Apollinaire, Toulouse-Lautrec, Vuillard, Rouault, Van Dongen,
Derain, Picasso et aujourd’hui encore, Plantu), en passant par l’Opéra,
ses caricatures et ses lithographies, ses cartons pour des mosaïques
et des vitraux du café Riche, sa période mystique à partir de 1900,
ses nus, ses portraits comme celui, extraordinaire, de Marie
de Régnier, jusqu’à sa période expressionniste où, à 70 ans
passés, il explore les mœurs des Années folles. Une exposition remarquable,
qu’il ne faut surtout pas manquer, bénéficiant d’une
magnifique scénographie, avec des panneaux et des cartels très lisibles.
Petit Palais 8e. Jusqu’au 5 juin 2011. Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien:
www.petitpalais.paris.fr.
Retour
à l'index des expositions
Page
d'accueil de « Spectacles Sélection »
|