FIGURATION NARRATIVE
Paris 1960-1972

Article publié dans la Lettre n° 286


FIGURATION NARRATIVE. Paris 1960-1972. Ce n’est pas une exposition où l’on se sent immédiatement à l’aise ! La bonne quinzaine de peintres exposés ici dynamitèrent l’art de l’Ecole de Paris dans les années 60 et, quarante ans après, leur peinture choque et surprend toujours autant. L’exposition est divisée en six sections nettement distinctes, mises en valeur par une scénographie excellente. On peut passer rapidement sur la première (Aux origines de la figuration narrative - Prémices), assez confuse, consacrer un peu de temps à l’évocation de l’exposition « Mythologie quotidienne », qui lança le mouvement et où sont présentées quelques unes des œuvres montrées au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris par 34 artistes (dont Arroyo, Bertholo, Bertini, Fahlström, Klasen, Monory, Rancillac, Recalcati, Saul, Télémaque, Voss, …) en 1964, pour flâner dans les sections suivantes.
Celles-ci sont consacrées à des thèmes bien identifiables. On commence par le monde des « objets et de la bande dessinée », on continue par « l’art du détournement » avec des œuvres réjouissantes comme Danaé aux roses de Henri Cueco, qui représente la Danaé de Rembrandt dans une chambre de HLM ou, plus tragiques, comme le Stalingrad de Erró d’après La Descente de croix de Van der Weyden.
Vient ensuite une œuvre collective en huit tableaux, Vivre et laisser mourir ou la fin tragique de Marcel Duchamp (1965), dans laquelle Aillaud, Arroyo et Recalcati se représentent pratiquant un interrogatoire, qui finit mal, de Marcel Duchamp, avec des pastiches de trois de ses œuvres les plus célèbres et son enterrement par six peintres bien identifiables (Arman, Warhol, etc.) de l’avant-garde américaine et du nouveau réalisme. Cette œuvre fit scandale, y compris parmi les artistes présentés aujourd’hui dans cette exposition (Monory, Télémaque, …) !
On continue par « Le Roman noir » où les artistes puisent leur inspiration dans ce type de roman ou de films, avec des images de violence, non politisées comme celles de la dernière section, la plus riche, « Figuration politique ». S’inspirant de faits réels ou d’images très connues, les artistes stigmatisent leur époque. Beaucoup furent très engagés en mai 1968 ! Parmi les nombreuses toiles de cette section, citons Vietnam, la bataille du riz de Gilles Aillaud (1968), qui reproduit une célèbre photo de soldat américain arrêté au Vietnam, en remplaçant le fond par des femmes repiquant du riz et El Caballero español (1966) de Eduardo Arroyo, satire du franquisme et des grands bourgeois soutenant le régime.
L’exposition, qui regroupe plus de cent peintures, objets ou films, se termine par l’évocation d’une œuvre gigantesque en 45 panneaux juxtaposés (59 mètres de long), Le Grand Méchoui ou Douze ans d’histoire de France, créée par le collectif Malassis en réponse à une invitation à participer à « l’Exposition Pompidou » « 60-72 - Douze ans d’art contemporain en France ». Ils y racontent l’histoire de la Ve République, depuis la répression de la manifestation anti OAS du métro Charonne jusqu’au bonheur promis par la France de Pompidou en 1972. Les français y sont représentés par des moutons dont certains rôtissent sur de gigantesques broches ! Ce fut un énorme scandale et les artistes durent retirer leurs toiles sur l’intervention de la police. Finalement, malgré son sujet sortant des sentiers battus, c’est une exposition qu’il faut voir si l’on ne veut pas manquer l’un des maillons de l’histoire de l’art contemporain. Grand Palais 8e (01.44.13.17.17) jusqu’au 13 juillet 2008. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.rmn.fr.


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